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1er et 3e mardis du mois de 17 h à 19 h (salle 11, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 21 novembre 2017 au 5 juin 2018. Séance supplémentaire le 10 avril (salle 8, 105 bd Raspail 75006 Paris). La séance du 10 avril est annulée
Le programme de cette année se partage entre les exposés des divers intervenants et la présentation par François Flahault des implications morales de ses recherches en anthropologie générale.
Avec Kant, c’est la transcendance de la « loi morale » qui est mise en avant : le dualisme ne se justifie plus sur la base de la métaphysique, mais de la morale. Dans le sillage de Kant, le discours moral s’est attaché, dans l’ensemble, à dire les principes et à départager le bien du mal (avec la référence fréquente au « mal absolu »). En conséquence, l’observation des hommes tels qu’ils sont n’occupe plus dans le champ de la philosophie morale la place qu’elle avait encore au XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle.
La réflexion morale se présente ainsi le plus souvent comme un faire valoir de la conception occidentale de l’individu, fortement marquée par la tradition dualiste, et c’est à tort que la morale de Kant est présentée comme une morale laïque. Il s’agira donc, cette année, de nourrir la réflexion morale sur la base d’une anthropologie générale non dualiste.
21 novembre 2017 : François Flahault, Les partis pris fondamentaux de la tradition morale occidentale.
5 décembre 2017 : François Flahault, Les implications morales d’une anthropologie générale renouvelée.
19 décembre 2017 : Henri Atlan, Spinoza et la biologie actuelle.
16 janvier 2018 : François Dingremont, Paradigmes de l’efficacité dans l’imaginaire occidental. L’héritage grec.
6 février 2018 : F. F., suite.
20 février 2018 : Alain Ehrenberg, Les neurosciences cognitives en tant qu’autorité morale : quels idéaux de la modernité ? Quel individualisme ?
6 mars 2018 : Pierre Musso, La religion industrielle.
20 mars 2018 : Emanuele Alloa, La transparence, un concept magique de la modernité.
3 avril 2018 : François Flahault, Facteurs d’affiliation et de désaffiliation, leurs effets sur le comportement moral
10 avril 2018 (salle 8) : Séance annulée F. F., suite : l’exemple du racisme.
15 mai 2018 : Jean Jamin, Ethno-roman d'une famille ouvrière ardennaise pendant la IIIe République.
5 juin 2018 : Lorenzo Vinciguerra (titre à définir).
Mots-clés : Philosophie,
Aires culturelles : Contemporain (anthropologie du, monde),
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
François Flahault par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
François Flahault par courriel.
Niveau requis :
master.
Site web : http://francoisflahault.fr/
Adresse(s) électronique(s) de contact : fr.flahault(at)free.fr, Lorenzo.Vinciguerra(at)ehess.fr
Au cours de l’année, François Flahault a présenté les implications morales de ses recherches en anthropologie générale. Le séminaire a également bénéficié des exposés de différents intervenants.
François Flahault a d’abord rappelé comment, avec Kant, le dualisme ne se justifie plus sur la base de la métaphysique, mais de la « loi morale ». En conséquence, l’observation des hommes tels qu’ils sont n’occupe plus dans le champ de la philosophie morale la place qu’elle avait encore au XVIIe siècle et dans la première moitié du XVIIIe siècle. La réflexion morale se présente ainsi le plus souvent comme un faire-valoir de la conception occidentale de l’individu, fortement marquée par la tradition dualiste, et c’est à tort que la morale de Kant est présentée comme une morale laïque, du moins si l’on entend par là une morale qui ne serait pas fondée sur des présupposés dualistes. D’une manière générale, des « commandements de Dieu » jusqu’à la « loi morale », le postulat sous-jacent est que la volonté doit pouvoir surmonter les inclinations et orienter l’action vers le bien.
Une approche empirique du comportement moral doit au contraire s’intéresser aux conditions qui favorisent l’affiliation et aux cercles relationnels plus ou moins larges auxquels s’étend cette affiliation. Raison pour laquelle François Flahault a pris en compte la recherche du primatologue Bernard Chapais qui porte précisément sur l’extension des affiliations au cours de l’hominisation. Le racisme apporte l’exemple, actuel celui-ci, de l’un des obstacles qui restreignent les comportements d’affiliation. Ici, François Flahault s’est appuyé sur la riche documentation fournie par le journaliste américain Studs Terkel avec les très nombreux entretiens réunis dans son livre Race. Une lecture attentive de ceux-ci permet de dégager différentes causes, historiques, sociales, psychologiques qui concourent à produire et à entretenir les préjugés raciaux aux USA, ce qui est nettement plus instructif que d’imputer ceux-ci à un mélange de volonté mauvaise et d’obscurantisme. On voit par là que l’argument scientifique selon lequel la notion de race est dépourvue de fondement biologique ne peut guère être efficace que sur les justifications autrefois données au racisme, justifications qui ne doivent pas être confondues avec les causes. On voit également qu’au nombre de ces causes figure en bonne place la propension humaine (consciente ou inconsciente) à rabaisser les autres afin de rehausser l’idée que l’on se fait de soi. D’une manière générale, le désir d’exister se réalise nécessairement en s’investissant dans telle ou telle manière d’être, en amont de la conscience réfléchie.
François Dingremont a attiré l’attention sur la diversité des paradigmes qui ont forgé, dans l’imaginaire occidental, la notion d’efficacité. Il a surtout retenu l’aspect dual, la bipolarité de cette dernière. Existe en effet une référence explicite, et très étudiée par les anthropologues de l’antiquité, à une polarité indiquant des normes d’action pour établir, par l’efficacité directe du signe, de la parole ou du sacrement, une relation de confiance fondée sur la révélation par une autorité d’une vérité (alétheia). Il a néanmoins insisté sur une autre facette de l’efficacité qui n’a plus comme référence chez les Grecs la thèmis mais la mètis. On n’agit pas efficacement de la même manière dans un espace-temps stable, pacifié, et dans celui heurté de la crise. La mètis est dès lors imaginée comme l’instance d’efficacité lorsque l’univers bascule dans l’opacité et la confusion. Elle possède des modalités d’action propre sur lesquelles François Dingremont est revenu.
Lorenzo Vinciguerra a confronté les deux démarches de Descartes et de Spinoza. Non pas pour relever parenté et différences entre les deux philosophies comme on l’a souvent fait, mais pour souligner le fait que l’enjeu et la visée, pour chacun de ces auteurs, sont profondément différents. Descartes se met en scène comme sujet connaissant, il n’est pas réellement plongé dans l’incertitude puisque son doute est volontaire et maîtrisé. Spinoza, lui, part de difficultés personnelles auxquelles il s’est heurté et il attend de sa vocation philosophique qu’elle y apporte un remède souverain.
Henri Atlan a donné un aperçu de la fécondité de la pensée spinoziste pour saisir les dynamiques scientifiques contemporaines et plus particulièrement pour éclairer les présupposés et les impasses d’une anthropologie dualiste opposant corps et esprit, ou moniste qui fait du cerveau et de la conscience les uniques moteurs de l’activité cognitive.
Alain Ehrenberg nous a présenté les grandes lignes de son dernier ouvrage, La Mécanique des passsions. Cerveau, comportement, société (Odile Jacob, 2018), où il analyse et critique l’ambition des neurosciences cognitives de devenir une « biologie de l’esprit » capable de donner une connaissance complète de l’homme à partir d’une étude du fonctionnement du cerveau.
Enfin, Pierre Musso a évoqué le thème de son dernier livre, La Religion industrielle. Monastère, manufacture, usine (Fayard, 2017). Il tend à démontrer tout l’investissement du monde occidental dans cette idée d’industrie. Il entrevoit la généalogie de l’industrie à travers non pas le phénomène, relativement récent, d’industrialisation mais en suivant le principe, plus ancré historiquement dans l’Occident, d’industriation. Il établit une généalogie de ce principe dans l’imaginaire occidental en remontant à ses fondements religieux où s’entremêlent la foi (le mystère de l’Incarnation) et la rationalité (la mesure, l’esprit d’organisation).
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 10 avril 2018.