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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Textes de rêve, textes rêvés – James Joyce, Arno Schmidt, Sigmund Freud

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

Jeudi de 11 h à 13 h (salle A05_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 9 novembre 2017 au 14 juin 2018

Finnegans Wake, Zettel’s Traum et L’interprétation des rêves – trois œuvres fondatrices de la modernité et de l’avant-garde qui questionnent notre notion d’une réalité ancrée dans une expérience vécue et les représentations qu’elle engendre pour ouvrir notre regard de lecteur à une réalité purement langagier qui ne se résume plus dans une théorie du sens et de la vérité. La condensation de plusieurs mots dans un seul par ressemblances phonétiques et, en conséquence, l’ambiguïté indissoluble entre mot écrit et mot prononcé, la mise en question de l’unité même du mot comme entité fixe ou bien le polysémantisme induit par la différence des langues sont des éléments qui ont conduit leurs auteurs à envisager et à expérimenter des logiques du signifiant qui ne relèvent plus du sens ou bien se jouent de lui. La ponctuation, la distribution des mots et des phrases sur la page et leur aspect graphique forment des paysages langagiers qu’il s’agit d’arpenter. Dans leur matérialité même, ils désignent un réel du texte qui dépasse le pur registre sémiotique. Quand un élément langagier ne se résout plus dans un simple système de référencement sémiotique, il commence à faire signe plutôt que l’être en dédoublant le registre textuel par un registre visuel. C’est précisément cette capacité du langage à faire surgir des images qui se tiennent strictement dans une zone d’indécidabilité entre figuration et défiguration imagée qui nous intéressera dans nos lectures de ces trois auteurs.

Aires culturelles : Allemandes (études),

Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire annuel (48 h = 2 x 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Intitulés généraux :

Renseignements :

un planning détaillé ainsi qu’une bibliographie seront distribués au début du séminaire. Il est néanmoins recommandé de se familiariser avec les ouvrages suivants :

  • James Joyce, Finnegans Wake
  • Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves
  • Arno Schmidt, Zettel’s Traum

Direction de travaux d'étudiants :

pour la validation du cours, une présence régulière, une certaine familiarité avec les textes discutés tout au long du séminaire et un mémoire de 7 à 10 pages seront exigés.

Réception :

l’inscription au cours se fait par courriel.

Niveau requis :

des connaissances d’allemand et de l’anglais seront utiles mais pas nécessaires pour pouvoir suivre le séminaire.

Adresse(s) électronique(s) de contact : franziska.humphreys(at)ehess.fr

Compte rendu

Le rêve et son devenir texte constitue certainement un enjeu principal de l’Interprétation des rêves freudienne. En refusant des lectures purement structuralistes de la théorie freudienne, nous considérons que le rêve apparaît chez Freud comme un phénomène proprement « mediatique » qui unit des qualités matérielles disparates. Il serait erroné de croire que l'on pourrait simplement (re)tracer la chaîne des différentes associations jusqu'à un point final d’où la solution de l'ensemble serait accessible. Tout au contraire, les matériaux de rêve latents et manifestes coexistent et forment des constellations. La relation entre les contenu de rêve latents et manifestes n'est pas simple mais se multiplie de manière rhizomique ou, pour parler avec Freud, de manière condensée et déplacée [verdichtet und verschoben]. A partir du rêve de la monographie botanique, du rêve de l’enfant qui brûle et des rêves de Dora, nous avons ainsi tracé notre chemin vers The portrait of the artist as a young man, Ulysses, Finnegans Wake de James Joyce et Zettel’s Traum d’Arno Schmidt, des œuvres fondatrices de la modernité et de l’avant-garde qui questionnent notre notion d’une réalité ancrée dans une expérience vécue et les représentations qu’elle engendre pour ouvrir notre regard à une réalité purement langagier qui ne se résume plus dans une théorie du sens et de la vérité. Nous nous sommes également arrêtés sur certaines œuvres cinématographiques, notamment pour distinguer le rêve du phantasme (notamment Sydney Lumet Equus, David Lynch Twin Peaks). En étudiant plusieurs récits de rêve de Walter Benjamin, nous avons questionné les ramifications syntaxiques et les constellations de motifs qui relient réflexion théorique et écriture littéraires de cet auteur. En tentant une lecture « constellatoire » de ces textes qui confronte notamment Le Livre des passages et Origine du drame baroque allemand, il s’est avéré que Benjamin a non seulement conceptualisé l'allégorie en termes théoriques mais que l’allégorie travaille ses rêves jusqu’à être un « concept rêvé ». Non seulement le rêve crée une allégorie au niveau du motif, mais il devient lui-même une allégorie de ses propres conditions de lisibilité et de l’échec de toute illusion de dissolution complète. La lecture se révèle être un processus polyphonique qui, incorporé dans une interaction complexe de contingence et de nécessité, n’est pas un acte purement intellectuel d’écriture maîtrisée. Il comprend l'intellect et l'intuition à parts égales et reste toujours ouvert aux qualités non-textuelles qui font du rêve une expérience sensuelle. Une telle lecture reste alors sensible à une pluralité de langues inhérente au texte et aux ruptures médiatiques qui le traversent. Le rêve écrit, le texte rêvé sont au fond des tissus d’éléments hétérogènes et inconciliables relevant de l’image, du son, des odeurs, du palpable. Dans ce sens, une lecture allégorique rompt avec la fonction de représentation du langage pour retracer et refléter son relief et sa physionomie uniques. Ce sont précisément ces reliefs langagiers jouant du trop de sens que nous avons également retracé dans nos lectures de Finnegans Wake et de Zettel’s Traum. La condensation de plusieurs mots dans un seul par ressemblances phonétiques et, en conséquence, l’ambiguïté indissoluble entre mot écrit et mot prononcé, la mise en question de l’unité même du mot comme entité fixe ou bien le polysémantisme induit par la différence des langues sont des éléments qui ont conduit leurs auteurs à envisager et à expérimenter des logiques du signifiant qui ne relèvent plus du sens ou bien se jouent de lui. La ponctuation, la distribution des mots et des phrases sur la page et leur aspect graphique forment des paysages langagiers qu’il s’agit d’arpenter. Dans leur matérialité même, ils désignent un réel du texte qui dépasse le pur registre sémiotique. Quand un élément langagier ne se résout plus dans un simple système de référencement sémiotique, il commence à faire signe plutôt que l’être en dédoublant le registre textuel par un registre visuel. C’est précisément cette capacité du langage à faire surgir des images qui se tiennent strictement dans une zone d’indécidabilité entre figuration et défiguration imagée qui nous a intéressée dans nos lectures de ces auteurs.

Ce séminaire s’est voulu décidemment participatif. Les étudiant.e.s ont été encouragé.e.s à participer activement aux discussions et de présenter leurs mémoires de validation dans un exposé oral.

Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 12 octobre 2017.

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