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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Perspectives comparatives sur les droits des peuples autochtones

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

2e jeudi du mois de 9 h à 13 h (salle BS1_28, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 9 novembre 2017 au 14 juin 2018. Les séances des 7 décembre 2017, 8 février et 14 juin 2018 se dérouleront en salle AS1_08. Pas de séance le 12 avril, séance supplémentaire le 17 mai (salle AS1_08)

À la suite des travaux réalisés dans le cadre du projet ERC/SOGIP sur les échelles de la gouvernance, depuis l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA 2007), nous poursuivons la réflexion sur les articulations entre « questions autochtones » et « processus globaux ». Les changements juridiques, politiques et sociaux découlant de cet instrument international font partie des évolutions  d’un ordre global sensibilisé aux problèmes des peuples autochtones. Les caractéristiques de cette nouvelle gouvernance, les consensus et les contradictions sur lesquels elle s’appuie, les accords et les résistances qu’elle rencontre, se manifestent dans les villages et les communautés ainsi que dans les « lieux » apparemment « neutres » où sont prises les décisions globales. Dans une perspective comparative et à partir d’études de cas contextualisées, nous suivons les processus de reconnaissance légale, les enjeux de développement, les conflits de territorialité, les défis dans le champ de l’éducation, de la citoyenneté et de la participation politique, les disputes dans le domaine de la culture (patrimoine, musée, tourisme, propriété intellectuelle). Nous nous intéressons aux acteurs politiques se reconnaissant autochtones (organisations et individus), à leurs prises de position dans les scénarios de gouvernance planétaire, à l’impact des méga-agents du changement (parmi lesquels les firmes transnationales, les industries extractives). Le séminaire 2017-2018 s’appuiera également sur les travaux du Groupe de recherche internationale (GDRI-JUSTIP/CNRS) coordonné par Irène Bellier.

Jeudi 9 novembre 2017 : Les droits des peuples autochtones,10 ans après l’adoption de la Déclaration des Nations unies : quelles perspectives ?

  • Irene Bellier (CNRS)
    • Introduction au séminaire
    • « Des discours aux pratiques politiques : qu’en est-il des droits des peuples autochtones ? »
  • Nigel Crawhall (UNESCO)
    • « L’engagement de l’Afrique avec l’ONU sur les questions autochtones »
    • « La (nouvelle) politique de l’UNESCO en regard des peuples autochtones »

Jeudi 7 décembre 2017 : Les savoirs autochtones : quelle place dans la gouvernance mondiale du climat ?

  • Jean Foyer (chargé de recherche CNRS, Institut des sciences de la communication, ISCC), « Objectiver les savoirs traditionnels, réenchanter la lutte contre le changement climatique »
    Cette présentation explore comment la question des savoirs traditionnels des populations autochtones est entrée dans le champ de la gouvernance climatique ces dernières années en proposant une généalogie de cette « climatisation ». Cette dernière s'apparente à un processus de traduction débouchant sur des formes d'objectivation différentes, scientifisation et politisation notamment. Sur la base d'observations ethnographiques durant la COP21, on reviendra sur les trois grands récits qui lient changement climatique et savoirs traditionnels : celle du victime/héros résilient, celle de l'intégration des savoirs et enfin, celle de l'écologie sur-naturelle.
  • Florent Kohler (maître de conférences, Université François-Rabelais et CREDA/IHEAL), « L'intégration des savoirs autochtones dans les évaluations internationales au risque de l'essentialisation. À propos de l'IPBES, le “GIEC de la biodiversité” »
    L'IPBES (plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques) a, dès son origine, montré sa volonté d'intégrer les savoirs locaux et autochtones dans les évaluations (pollinisateurs, dégradation et restauration des terres, évaluations régionales). Cette volonté est venue buter sur deux obstacles : d'abord, les stéréotypes pesant sur les visions du monde indigène, pensées comme uniformes - lien sacré, Terre-Mère, Pachamama - et ensuite la difficulté pour les ethnologues et représentants autochtones d'expliciter leurs savoirs tout en respectant les modalités et surtout les finalités d'une évaluation destinée aux politiques. Le résultat est un compromis, qui reflète aussi l'effort des scientifiques pour considérer ces savoirs comme des données à part entière : une série d'exemples ad hoc, incapables de s'extirper de la dimension locale, et le passage sous silence d'aspirations autres que le maintien des traditions et des activités ancestrales.

Jeudi 11 janvier 2018 : Après-coups de la violence (assassinats, vérité et justice) 

  • Édith Cloutier et Carole Levesque (Réseau DIALOG), « La violence envers les femmes autochtones : quels chemins de compréhension et d’action ? »
    À la suite de demandes répétées de la part des principales organisations de femmes autochtones du Canada devant la multiplication des cas de disparitions de femmes autochtones, le gouvernement canadien a enfin annoncé en décembre 2014 la tenue d’une enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées; cette enquête est toujours en cours. Dans la foulée, en octobre 2015, une série de dénonciations pour des situations de racisme, d’abus et d’agressions perpétrées à l’encontre de femmes autochtones de la ville de Val-d’Or faisait la une des médias nationaux et internationaux. Une seconde commission, cette fois-ci québécoise, a débuté en décembre 2016. La présente conférence fera état des contextes sociaux, politiques et juridiques ayant conduit à la mise en œuvre de ces initiatives gouvernementales et examinera les réponses et pistes d’action déjà offertes.
  • Sabrina Melenotte (IIAC-LAIOS /FMSH), « Violences politiques et criminelles vs justices autochtones au Mexique »
    Les chiffres officiels de la lutte contre le narcotrafic au Mexique font état de plus de 235 000 morts et 32 000 disparus depuis 2007, faisant du pays le cadre du deuxième conflit armé le plus meurtrier après la Syrie. Les autochtones en paient un lourd tribut, comme le confirme le rapport de l'ONU sur les droits des peuples autochtones de novembre 2017. Pour autant, la communication portera sur la surprenante créativité politique et les réactions citoyennes des autochtones face aux violences politiques et criminelles. Après avoir mené des recherches doctorales sur le conflit armé au Chiapas et l'organisation politique des zapatistes dans une municipalité tsotsil de la région des Hautes-Terres, je mène désormais de nouvelles enquêtes ethnographiques dans l’État du Guerrero, fortement marqué par les violences criminelles contemporaines. Ces deux États ont vu émerger des justices autochtones qui contrastent avec l'impunité régnante, et s'expriment par des expériences d'autonomie politique, de police communautaire ou de proposition d'une candidate autochtone aux élections présidentielles de 2018.
Jeudi 8 février 2018 : Ré-appropriation de soi : diaspora, territoire
  • Diego Muñoz Azocar (post-doctorant, EHESS-Marseille), « Les Rapa nui, reconstructions identitaires entre Chili et Polynésie française »
    La présentation portera sur les transformations des rapports politiques entre le peuple rapanui et l’État chilien depuis l’annexion jusqu’à l’actualité, et sur les institutions locales qui découlent de ces évolutions. Nous verrons de quelle manière les articulations entre l’île et un « ailleurs » (le Chili, la Polynésie française et l’ONU) ont contribué à la création d’institutions de représentation locale et à l’émergence de stratégies de négociation avec mais aussi de résistance à l’État chilien.
    Trois moments historiques seront traités. D’abord, le chapitre de l’annexion de l’île par l’État chilien en 1888 démontre une conjonction d’intérêts de l’État, de la mission catholique de Tahiti et des Rapanui. Aux yeux de ces derniers l’acte comportait la reconnaissance de l’organisation politique autochtone et de la propriété de leurs terres. Ensuite, nous analyserons un moment que nous appelons « l’enfermement » : durant la première moitié du 20ème, lorsque l’organisation politique locale est démantelée et les Rapanui soumis à un régime d’exploitation économique d’élevage de bétail qui donne lieu à de nouvelles formes d’organisation et de résistance. Enfin, nous analyserons le régime politique contemporain dans lequel les Rapanui, malgré leurs protestations, ont été incorporés par l’État en tant qu’« ethnie indigène du Chili » (selon la loi 19.253) alors qu’ils s’auto-définissent Polynésiens, Māori et plus récemment Māohi. C’est le temps du « développement indigéniste », paradigme persistant des États latino-américains qui, au niveau local, a été successivement redéfini depuis la fin des années 1980.
    Dans ce contexte, nous observerons le nouveau chantier politique de Rapa Nui : les enjeux liés à la question de l’autonomie, la création d’institutions de représentation autochtone et le sujet de la décolonisation. Un point important de la reconfiguration politique locale concerne les rapports multi-échelles (local-global) et les discours mobilisés par les leaders politiques rapanui d’aujourd’hui : l’affirmation identitaire māori-māohi, qui relie les Rapanui à l’aire culturelle polynésienne, particulièrement tahitienne ; et la revendication des droits des peuples autochtones qui relie les Rapanui à la scène du droit international.  
  • Éric Glon (Université de Lille), « Pourquoi nommer les lieux est-il aussi important pour les territoires autochtones ? »
    Cette intervention part d’un constat simple, celui d’une multiplication des initiatives et projets de peuples autochtones dans le monde pour nommer les lieux importants dans la culture territorialisée qui est la leur.
    Trois questions émergent au-delà de ce constat : comment se manifeste cette volonté de nommer les lieux ? Pourquoi nommer les lieux est-il aussi important pour les peuples autochtones et quel sens pouvons-nous donner à la résurgence de ces toponymes ? Quelles sont les implications de telles démarches ?
    Les quelques éléments de réponse que nous apportons à ces questions s’appuient à la fois sur des réflexions scientifiques actuelles qui sont nombreuses sur le sujet, en particulier dans le monde anglo-saxon, et sur un exemple pris dans l’ouest du Canada.

Jeudi 8 mars 2018 : Peuples nomades d’Afrique :  expressions politiques, tensions légales et politiques

  • Mahalia Lassibille (maîtresse de conférences, Paris 8), « L’Assemblée générale des Peuls WoDaaBe du Niger : entre pastoralisme nomade, danses et stratégies autochtones »
    Les Peuls WoDaaBe rencontrent des difficultés écologiques, économiques et sociales grandissantes au Niger. De plus, ils sont peu représentés dans les structures officielles et estiment ne pas être entendus par les autorités. Ainsi, depuis 2004, le collectif Djingo, qui rassemble les associations woDaaBe, organise « l’Assemblée Générale des Peuls WoDaaBe du Niger » pour se rassembler, porter leurs revendications et obtenir des aides. A partir des terrains que j’ai menés, il s’agira d’analyser les principales dynamiques de cette Assemblée et de voir en particulier en quoi la danse en forme un pivot. Par cette étude ethnographique, nous envisagerons les liens entre « scène politique » et stratégies autochtones, stratégies fondées sur la force du réseau.
  • Ced Hesse (chercheur principal sur les zones arides, Groupe sur les changements climatiques - Institut international pour l'environnement et le développement, UK), « Sécurisation du patrimoine pastoral au Nord Kenya : le cas du ‘Waso rangelands’ » 
    La communication présentera une expérience de sécurisation du patrimoine pastoral par les institutions coutumières (dedha) et la collectivité locale de Isiolo County, au nord du Kenya. Cette initiative se déroule dans le contexte d’un meilleur cadre politique et institutionnel national, ouvert par la nouvelle Constitution de 2013, la décentralisation, les réformes politiques et les lois foncières. En exposant les opportunités qu’offre la Constitution ainsi que les réformes politiques et institutionnelles pour sécuriser les droits des pastoralistes au Kenya, nous évoquerons les défis des réalisations sur le terrain et l’expérience d’un programme d’action-recherche qui accompagne le processus. 
  • Jean-Baptiste Eczet (postdoctorant au LAIOS/EHESS), « Ce qui gêne l’État dans le pastoralisme. La « civilisation » contre la transhumance dans le Sud-ouest éthiopien »
    La notion de « civilisation » est au cœur des politiques de développement de l’État éthiopien. Les sociétés pastorales, perçues comme à civiliser recourent à des usages du sol prenant à rebours les conceptions de la bonne édification nationale. Leurs défenseurs tentent de montrer à quel point, au contraire, le pastoralisme est une activité adaptée à l’environnement de l’Afrique orientale. Avec des arguments opposés, c’est pourtant la même notion du pastoralisme qui sert de cadre à l’analyse. Après une présentation des enjeux de ces différents acteurs, pourfendeurs et défenseurs des sociétés pastorales, nous proposerons quelques décalages pour penser le pastoralisme autrement. Il y sera question d’économie des relations et de cueillette.

Jeudi 17 mai : La rencontre de « l’autre » : les droits des peuples autochtones à l’épreuve du tourisme

Intervenants :

  • Magali Demanget (Maîtresse de conférences, U. Paul-Valéry Montpellier) : "Tourisme, magie et « autochtonie ». Images ethniques et pluralité des appartenances dans les hautes terres mazatèques (Mexique)"

Depuis plusieurs dizaines d’années, l’anthropologie du tourisme a conduit à ne plus considérer ce phénomène social sous le seul angle négatif d’agent corrupteur des traditions locales. Suivant cette perspective, nous montrerons comment, dans le municipio Huautla de Jimenez (Sierra mazateca), les acteurs politiques locaux se sont emparés de la rencontre touristique pour en faire la matière de leurs politiques culturelles. Ces initiatives se sont tout d’abord inscrites dans les nouvelles dispositions des politiques indigénistes, pour composer plus récemment avec un programme de développement touristique gouvernemental (celui des pueblos mágicos), lui-même inspiré d’orientations plus globales. En partant d’une approche dialogique et multiscalaire, on s’interrogera sur les consensus, mais aussi les luttes et fractures qui émaillent les opérations de mise en images de soi, tout comme sur les décalages entre les productions touristiques et les appartenances des habitants.

  • Aurélie Condevaux (Maîtresse de conférences, U. Paris I) "Usages marchands de la culture et propriété intellectuelle : les enjeux pour le tourisme dans les sociétés « autochtones »"

Le tourisme est souvent présenté comme un vecteur de marchandisation des pratiques culturelles. Donner une valeur marchande à la culture pose notamment la question de la redistribution des bénéfices économiques et donc de la définition de qui sont les « propriétaires » de ces pratiques culturelles. Dans le Pacifique, des réflexions ont été menées au cours des dernières années – portées par les organisations internationales mais aussi des acteurs divers : artistes, associations etc. – sur la possibilité de développer des cadres législatifs qui prennent en compte la spécificité de la protection de la propriété intellectuelle ou du droit d’auteur au sein des sociétés dites « autochtones » ou « traditionnelles ». Ces réflexions, qui ont abouti à la « Loi type de 2002 sur la protection des savoirs traditionnels et des expressions de la culture en Océanie », font suite à de nombreux cas d'utilisations commerciales abusives de noms, de motifs, d’expressions culturelles etc.

Elles s’inscrivent également dans un mouvement porté par différentes organisations (UNESCO, OMPI, PNUD notamment) pour faire de la culture une ressource économique pour le développement des petites nations insulaires. Le tourisme est perçu, dans ce contexte, comme l’un des secteurs permettant de développer des bénéfices économiques à partir des ressources culturelles.

Si cette prise en charge légale est une nécessité pour faire face à des formes de dépossession culturelle bien réelles, elle soulève cependant un certain nombre de problèmes ou difficultés dans la manière dont elle est conduite. Cette communication propose d’examiner d’un point de vue critique les enjeux liés à la mise en place de tels systèmes légaux ou réglementaires à partir de cas océaniens, en particulier ceux du Royaume de Tonga et de la Nouvelle-Zélande. Nous examinerons quelles sont les conceptions emic relatives à la « propriété » et aux droits d’usage des pratiques musicales et chorégraphiques et les transactions économiques qui les entourent. Il s’agira de comprendre comment celles-ci s’articulent aux nouveaux régimes de « propriété intellectuelle » et aux nouvelles formes d’utilisation marchande qui se développent autour de ces pratiques. Bien que les utilisations commerciales décriées soient plus souvent le fait d’entreprises multinationales que du tourisme, nous verrons quels seraient les enjeux de la mise en place de telles lois pour les contextes touristiques.

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie

Intitulés généraux :

Renseignements :

ouvert à tous.

Direction de travaux d'étudiants :

contacter Irène Bellier.

Réception :

sur rendez-vous.

Niveau requis :

master, doctorat, et ouvert à tous. Pour les masters, évaluation sur participation et remise d'un travail écrit.

Site web : http://www.sogip.ehess.fr

Adresse(s) électronique(s) de contact : ibellier(at)ehess.fr, veronica.gonzalez(at)ehess.fr

Compte rendu

Ce séminaire mis en place en 2011 par l’équipe ERC-SOGIP (Échelles de gouvernance et droits des peuples autochtones) dirigée par Irène Bellier s’inscrit, depuis 2017, dans le cadre du Réseau thématique international JUSTIP (Justice et droit des peuples autochtones – partenariats CNRS-EHESS, Canada, Espagne, Norvège) qu’elle coordonne en partenariat avec l’EHESS.
Initialement conçu pour examiner les perspectives ouvertes par l’adoption en 2007 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), le séminaire aborde au fil des années et des différentes séances un vaste ensemble de problématiques. En 2017-2018 il s’est tenu sur six séances, à base mensuelle, déroulées sur un format de 4 h avec une trentaine de participants de différents niveaux (master, doctorants, auditeurs libres). Chaque séance permet d’entendre et de discuter les présentations de deux ou trois intervenants portant sur différentes régions du monde afin de stimuler l’effet de résonance et l’exercice de la comparaison, en mettant en perspective différentes configurations politiques et sociales liées aux évolutions des droits des peuples autochtones dans le cadre étatique et des organisations internationales.
Fidèles à l’ambitieuse portée géographique que l’on s’est fixée depuis le départ, cette 7e édition du séminaire a accueilli les interventions d’une quinzaine d’enseignants, chercheurs et experts invités, qui ont concerné plusieurs peuples et régions autochtones (Amérique du Nord, et du Sud ; Afrique ; Pacifique). S’il est toujours nécessaire de connaître les contextes nationaux des situations évoquées, des enjeux régionaux et globaux ont été abordés dans chacune des séances pour mettre en évidence les liens multi-scalaires dans les problématiques (ce que suit en général l’approche ERC-SOGIP ; www.sogip.ehess.fr). Cela a pour but de mettre au centre des analyses les dynamiques politiques et juridiques au regard de situations concrètes, afin de comprendre les effets de la mobilisation de la DNUDPA, à chacune de ces échelles. Cette année, plusieurs séances du séminaire permirent d’étudier les évolutions concernant les droits des peuples autochtones dans l’espace public international, à travers des études de cas portant sur les Nations unies, l’UNESCO et les savoirs autochtones.
Pour sa 7e édition, le séminaire a commencé par rappeler l’histoire de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dix ans après son adoption ; engagé la réflexion sur la question des savoirs autochtones ; abordé la problématique de la violence, notamment celle à l’encontre des femmes ; examiné les formes de réappropriation du territoire ; la situation du pastoralisme ; et enfin les enjeux du tourisme en région autochtone.
La première séance s’est appuyée sur une présentation de l’outil juridique DNUDPA afin de sensibiliser les participants du séminaire. À la suite de cette présentation, Nigel Crawhall a exposé la politique d’engagement de l’Unesco avec les peuples autochtones et a rappelé la position de l’Afrique au moment de l’adoption de la DNUDPA en 2007 et aujourd’hui. Le point de vue d’une personne dotée d’une double expérience professionnelle dans le monde des ONG de soutien aux droits des peuples autochtones et dans le monde onusien permet de mieux comprendre la manière dont se développent les questions autochtones. Cela incite les chercheurs à prendre en considération la circulation des savoirs et des personnes entre les espaces locaux, nationaux, internationaux.
La séance suivante a permis de poursuivre la réflexion sur la question des savoirs traditionnels, à l’échelle globale, à partir des interventions de deux chercheurs analysant : l’un l’émergence de cette notion de savoirs traditionnels, ; l’autre la mettant en œuvre au sein d’une plate-forme chargée de collecter, d’assembler les savoirs relatifs à la diversité biologique. Nous avons ainsi interrogé les écarts épistémiques entre autochtones et scientifiques et l’impact de ces écarts dans les constructions destinées à des fins politiques.
La troisième séance a déplacé le regard sur la question des violences dans deux contextes : le Québec et le Mexique. La violence envers les femmes autochtones, assassinées ou disparues au Canada, a été appréhendée à travers une double présentation : Édith Cloutier, directrice du Centre d’amitié autochtone qui joue un rôle moteur dans la prise en charge de ces affaires, a montré la difficulté à construire de telles affaires, ce qui met aussi en question le rôle de la police ; Carole Levesque a présenté le cadre de la Commission Vérité et Réconciliation et explicité l’approche collaborative qui conduit à de nouveaux moyens de mobilisation des connaissances en vue d’améliorer les situations des autochtones, notamment en milieu urbain. Sabrina Melenotte, à partir du cas mexicain, a abordé les violences extrêmes que connaît ce pays depuis 2007, et présenté les initiatives de la société civile et des autochtones pour prendre en charge la quête, l’identification des disparus et réclamer justice.
Pour la quatrième séance, nous nous sommes penchés sur les manières dont les autochtones se réapproprient leur histoire, leur territoire dans deux espaces contrastés : une petite île du Pacifique et l’intérieur de la Colombie britannique. Diego Muñoz a abordé les transformations des rapports politiques entre le peuple rapanui (Rapa Nui – île de Pâques) et l’État chilien depuis l’annexion jusqu’à l’actualité, et présenté les institutions locales qui découlent de ces évolutions. Éric Glon est revenu sur la multiplication des initiatives et des projets de peuples autochtones dans le monde pour nommer les lieux importants dans la culture territorialisée qui est la leur. À partir du travail qu’il a réalisé avec les Liwat, il a porté quelques réponses aux trois questions qu’il posait au préalable : comment se manifeste cette volonté de nommer les lieux ? Pourquoi nommer les lieux est-il aussi important pour les peuples autochtones et quel sens donner à la résurgence de ces toponymes ? Quelles sont les implications de telles démarches ?
La cinquième séance du séminaire a poursuivi la réflexion sur le rapport au territoire en s’attardant sur la question du pastoralisme. Mahalia Lassibilie a notamment présenté les nouvelles formes organisationnelles et politiques que se sont données les Wodaabe du Niger pour répondre aux difficultés écologiques, économiques et sociales. Ced Hesse a présenté et discuté le travail qu’il a conduit avec son centre de recherche et de conseil sur la sécurisation du patrimoine pastoral au Kenya. Jean Baptiste Eczet a interrogé la notion de « civilisation » au cœur des politiques de développement et ce qu’elle fait au quotidien des pasteurs nomades : ils sont amenés à renoncer à leurs pratiques alors qu’elles sont les mieux adaptées à l’environnement de l’Afrique orientale.
La dernière séance a prolongé cette question de la rencontre des mondes et des manières par lesquelles les autochtones répondent à toute une série de défis, en abordant le cas du tourisme. Magali Demanget, à partir du cas mazatèque au Mexique, a exposé la manière dont les acteurs politiques locaux se sont emparés de la rencontre touristique pour en faire la matière de leurs politiques culturelles. Aurélie Condevaux a développé la question de la valeur marchande de la culture, ses réflexions permettant de revenir sur les objets traités lors de la première séance mais sous l’angle de la valeur marchande de la culture, au croisement des problématiques de sauvegarde des savoirs et expressions traditionnels et de celles liées à la propriété intellectuelle.

Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 14 mai 2018.

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