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2e et 4e mercredis du mois de 13 h à 15 h (salle 10, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 8 novembre 2017 au 13 juin 2018. Pas de séance le 28 février. La séance du 11 avril est annulée
Ce séminaire est consacré à la théorisation et à la mise à l'épreuve par des études de cas d’une nouvelle approche de type anthropologique de la littérature, l’ethnocritique.
Cette méthode critique vise dans son principe à articuler une poétique du littéraire et une ethnologie du symbolique. Son objectif premier est ainsi de lire dans l'architecture polyphonique des œuvres littéraires (y compris les plus contemporaines) leur dialogisme culturel constitutif : culture orale vs écrite ; folklorique vs officielle ; religieuse vs profane; féminine vs masculine, etc.
Le séminaire – qui accueillera comme à son habitude des chercheurs français ou étrangers, jeunes ou confirmés – abordera plus particulièrement cette année les problèmes de la culture dans la langue des fictions littéraires et leurs constructions comme « conflits de cosmologies » (polylogies, systèmes de croyances et de créances, personnages liminaires, etc.). Un accent sera mis sur l'anthropologie du « moment réaliste », l'écriture de l'oralité dans la littérature et sur des lectures ethnocritiques de corpus poétiques (Cendrars, Ponge etc.). Dans le prolongement de nos recherches actuelles, nous proposerons également l'étude ethnocritique d'œuvres picturales ou plastiques – en particulier contemporaines (on abordera par exemple la question de la possibilité d'une nature morte littéraire).
Pour plus d'informations sur l'ethnocritique et les comptes rendus des séminaires des années antérieures, se reporter au site de l'EHESS et à : www.ethnocritique.com
Mots-clés : Anthropologie, Arts, Littérature,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Intitulés généraux :
Centre : IIAC-LAHIC - Laboratoire d'anthropologie et d'histoire de l'institution de la culture
Renseignements :
contacter les enseignants par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
modalités du suivi des travaux de master : dossier ou mémoire.
Réception :
sur rendez-vous.
Niveau requis :
niveau master en Lettres et/ou SHS pour les étudiants. Sans condition de cursus pour les auditeurs libres.
Site web : http://www.ethnocritique.com
Adresse(s) électronique(s) de contact : jean-marie.privat(at)univ-lorraine.fr, marie.scarpa(at)univ-lorraine.fr
Après une introduction destinée à présenter, définir et situer l’ethnocritique dans le champ des herméneutiques littéraires et dans ses relations avec l’anthropologie du symbolique, Marie Scarpa consacre plusieurs séances à une forme « problématique » : la nature morte littéraire. Ni rapportable exclusivement à son modèle pictural ni simple description d’objets, cette « forme » est appréhendée ici plutôt en termes d’effet-nature morte. Après une incursion du côté de la peinture et de l’histoire de l’art, Marie Scarpa tente de montrer comment l’on passe d’une poétique à une ethno-poétique littéraire. Prenant appui sur les travaux récents de Philippe Hamon (voir en particulier « Une nature morte littéraire ? » dans la Revue d’Histoire Littéraire de la France, 2018-2), elle revient sur une série d’exemples pris dans les récits de la littérature narrative du XIXe siècle - des fameuses « natures mortes colossales » du Ventre de Paris aux « tables servies » dans Madame Bovary (voir aussi Jean-Marie Privat, RHLF, op. cit.).
Dans cette même optique, Marie-Christine Vinson, chercheure invitée, étudie précisément le rôle de la nature morte dans le processus de narrativisation d’un récit d’A. Daudet, Les trois messes basses (RHLF, op. cit.). Elle montre comment une table/tableau gourmand évoquée in absentia induit la confusion du sacré (Sainte Table) et du profane (table du réveillon). Elle expose aussi comment l’économie imaginaire du texte joue avec la parodia sacra et se joue des frontières qui sépare à l’ordinaire le monde des vivants et des (mauvais) morts.
Le dossier nature morte est provisoirement clos par une série d’analyses consacrées à la poésie d’objets, de Baudelaire à Ponge, dans laquelle M. Scarpa retrouve l’accentuation posée par la littérature sur la question du « passage », de l’entre-deux états, du continuum – entre extériorité et intériorité, entre domestication et ensauvagement, entre corps/oralité et mise en ordre littératienne du monde. Autant de déclinaisons et d’explorations de la frontière symbolique entre le vivant et le mort, qui subsume toutes les autres ici.
Les six autres séances sont consacrées au recueil de Blaise Cendrars, Feuilles de route (1924). Jean-Marie Privat se propose d’explorer cette poésie sous le triple registre d’une expérience du monde, de soi et du langage. Les signes intertextuels de la traversée sont pointés rapidement : grands récits historiques et/ou mythiques de découverte de nouveaux mondes, ethnographie des Tropiques, modernisme brésilien de l’ici, etc.. Il s’agit en particulier de saisir la dynamique poétique et politique du poème soit quand il dissone d’avec les grands textes fondateurs de la modernité coloniale et scripturale occidentale (D. Defoe, Robinson Crusoé), soit de consoner avec d’autres récits de conquête quand ils tracent au noir des systèmes d’exploitation inhumains (J. Conrad, Au cœur des ténèbres). L’exploration se focalise ensuite sur la traversée des signes à partir de quelques micro-lectures de poèmes dont le célèbre Îles.
L’étude s’est intéressée d’abord aux dimensions mimographiques du poème : lisibilité/visibilité de l’espace de signifiance, puissance d’engendrement lexicographique du mot-thème (île/elle, éloignement/isolement, microcosme/exotopie, etc.), dispositif formel du vers libre et rêverie sémantique toujours recommencée, dessins originaux de l’artiste brésilienne Tarsila do Amaral, etc.
Nous avons essayé ensuite d’approcher la tresse des oralités qui viennent se lover dans l’écriture de Cendrars, « quête de voix perdues et revenantes dans nos sociétés “scripturaires” (de Certeau, 1980) : chant votif de la litanie et de la parole incantatoire, oralité rituelle du passage symbolique vers des expériences anthropologiques inédites, oralité originelle des univers mythiques indiens et oralité élémentaire arasée des imaginaires “par trois ou quatre siècles de travail occidental” » (id.).
Enfin, nous avons commencé à envisager le simultanéisme des imaginaires scribaux et des oralités empoétisées comme une quête langagière d’une présence au monde, d’une « immédiate présence » (Hegel) à la présence du monde. Mais ce sera sur une autre feuille de route…
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 11 avril 2018.