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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Espaces sexués : masque et possession (suite et fin)

  • Emma Gobin, maître de conférences à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis ( Hors EHESS )
  • Klaus Hamberger, maître de conférences de l'EHESS ( LAS )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

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Jeudi de 13 h à 15 h (salle 4, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 8 mars 2018 au 28 juin 2018. La séance du 22 mars est reportée au 23 mars (même horaire, même salle). La séance du 12 avril est annulée. La séance du 24 mai est reportée au 25 mai en salle 7 (même horaire, même adresse). La séance du 14 juin se déroulera de 15 h à 17 h (salle AS1_08, 54 bd Raspail 75006 Paris)

Ce séminaire s’inscrit dans un programme de recherche consacré à la topologie sexuelle de l’espace social. À travers l’analyse comparative de la morphologie spatiale de sociétés voisines dans différentes régions du monde, notre objectif n’est pas seulement de préciser le rôle que joue la différence des sexes dans l’organisation de l’espace, mais de parvenir à une conception proprement topologique du genre.

Reprenant le fil des séminaires des deux années précédentes, consacrés respectivement aux dimensions « profanes » (division du travail, champ matrimonial-sexuel, espace domestique) et « sacrées » (autels et fétiches, sociétés initiatiques, performances rituelles, transformations corporelles) des espaces sexués ouest-africains, nous nous pencherons cette année sur l’analyse topologique des rites d’initiation, afin de comprendre comment ces rites, en façonnant à la fois l’habitat, le corps et le savoir, parviennent à différencier les genres masculin et féminin en tant que perspectives distinctes de l’espace social. L’outil heuristique qui guidera cette recherche est la distinction (premièrement proposée par R. Prince pour les cultes yoruba) entre systèmes « à masques » et systèmes « à possession ». Cette polarité est sexuée : le port des masques est largement réservé aux hommes, la possession généralement connotée féminine ; qui plus est, les systèmes « à masques » accentuent la complémentarité entre les sexes, tandis que les systèmes « à possession » favorisent l’indifférenciation.

Le principe qui distingue les deux systèmes consiste à différencier les sexes par le rapport topologique qu’ils entretiennent avec l’Autre, dont la réalisation radicale est le nonhumain. Ce rapport se présente comme une dichotomie entre intérieur et extérieur dans l’architecture de l’habitat, entre contenant et contenu dans le façonnage du corps, entre « secret tu » et « secret exhibé » (Houseman) dans l’orientation du savoir. « L’Autre » que les rites initiatiques mettent en valeur signifie ici moins une position déterminée que la limite constituante de l’espace social, qui se présente, selon le cas, comme brousse sauvage ou forêt ancestrale, enfant à naître ou matrice génitrice, petit génie ou monstre dévorant, tantôt pénétrant, tantôt enveloppant l’espace-corps humain. Si cette conception topologique du genre est liée à la reproduction sexuelle, ce n’est pas que celle-ci en fournirait le modèle naturel, mais au contraire, que la formation d’une sexualité reproductive présuppose que la topologie sociale soit taillée dans l’environnement, la chair et la pensée – opération dont les rites initiatiques fournissent le modèle par excellence.

Ce séminaire est accessible sur la plateforme d'enseignement de l'Environnement numérique de travail de l'EHESS :

8 mars 2018 : Introduction, Klaus Hamberger

15 mars 2018 : « The Red and the Black », Klaus Hamberger, Emma Gobin, Michael Houseman

23 mars 2018 : Analyse comparative I : Le départ, Klaus Hamberger

29 mars 2018 : Analyse comparative II : La marge, Klaus Hamberger

5 avril 2018 : Analyse comparative III : Le retour, Klaus Hamberger

12 avril 2018 : Analyse comparative IV : Le secret, Klaus Hamberger

17 mai 2018 : « Initiations kabyè », Marie Daugey

25 mai 2018 : « Initiations sèmè-bwaba », Anne Fournier

31 mai 2018 : « Initiations sénoufo », Marianne Lemaire

7 juin 2018 : « Initiations mandingue », Agnès Kedzierska-Manzon

14 juin 2018 : « Initiations djoola », Odile Journet-Diallo

21 juin 2018 : « Initiations bassari », Mimina di Muro & Laurent Gabail

28 juin 2018 : « The Red end the Black »

Aires culturelles : Afrique, Transnational/transfrontières,

Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie

Intitulés généraux :

  • Klaus Hamberger- Anthropologie de l’espace social
  • Renseignements :

    sur rendez-vous.

    Direction de travaux d'étudiants :

    sur rendez-vous.

    Réception :

    sur rendez-vous.

    Site web : http://las.ehess.fr/index.php?1712

    Adresse(s) électronique(s) de contact : Klaus.Hamberger(at)ehess.fr

    Compte rendu

    Le séminaire de cette année, dernier du cycle « Masque et Possession » consacré à la production spatiale du genre en Afrique de l’Ouest, s’est focalisé sur les rites d’initiation (dont six études de cas étaient présentées par des intervenant·es invité·es). Les rites d’initiation permettent en effet de mettre à l’épreuve la thèse principale du séminaire, selon laquelle la polarité féminin/masculin constitue une polarité topologique. Plus précisément, elle résulte d’une polarisation conjointe d’orientations spatiales (introverties/extraverties) et de dispositions corporelles (englobantes/pénétratives) : les corps se féminisent ou se masculinisent dans la mesure où les gestes qui les mobilisent comme contenants se concentrent dans les sphères intérieures de l’espace social, alors que les gestes qui les transforment en contenus s’accumulent à ses frontières extérieures. Cette sexuation des espaces-corps peut être comprise comme une polarisation des modes spatiaux d’interaction, si l’on y inclut non seulement les interactions entre corps humains, mais aussi celle avec la matière et avec des corps non-humains. Parmi ces corps, les êtres initiatiques (dont le caractère humain ou non-humain reste systématiquement ambigu) se distinguent par le fait qu’ils ne sont pas seulement des corps polarisés, mais des corps polarisants. Tantôt ils apparaissent comme des monstres énormes qui aspirent les novices vers l’extérieur, les attrapent, les dévorent, les digèrent puis les régurgitent ou les réenfantent en tant qu’hommes, c’est-à-dire en tant que corps mobiles capables d’entrer dans d’autres corps. Tantôt ils se présentent au contraire comme des génies minuscules qui retiennent les novices à l’intérieur, les envahissent, les occupent et les agitent puis en émergent comme leurs doubles ou rejetons, les ayant par-là transformés en femmes, c’est-à-dire en corps changeants capables de porter d’autres corps en leur sein.
    Le schéma classique des rites d’initiation (tel qu’il a été analysé de Van Gennep à Houseman) ne s’applique généralement qu’aux rites masculins : une entrée violente (enlèvement ou combat) dans un espace sacré extérieur plus ou moins identifié au corps de l’être initiatique ; une phase liminale caractérisée par des épreuves physiques et morales visant à broyer l’individualité des novices pour les fusionner en un corps collectif solidaire ; la révélation du secret, où les novices découvrent que le corps qui les a avalés n’est autre que ce corps solidaire dont ils font désormais partie ; enfin la sortie, où ce corps collectivement ré-enfanté retourne dans l’espace humain ou plutôt l’envahit, souvent encore marqué par l’aspect non-humain et transgressif. Aucun de ces éléments n’est caractéristique de l’initiation des femmes. Celles-ci ne sont généralement pas transformées par le passage au travers d’un autre corps, mais plutôt par une métamorphose qui se déroule invisiblement à l’intérieur de leur propre corps immobile, rappelant la nymphose plutôt que la dévoration. Là où les rites masculins soumettent les novices à une interaction violente avec l’espace-corps contenant, les rites féminins les envisagent eux-mêmes comme contenants (tantôt gavés, tantôt possédés), et même leur traitement externe (bains, onctions, parures) vise à les faire apparaître comme corps en mue incessante, portant en dessous de leur enveloppe une réplique virtuelle d’eux-mêmes. Ce façonnage initiatique des corps masculins et féminins n’est certes pas le seul ou même le principal processus de la polarisation sexuée. Il dépend foncièrement des processus quotidiens qui le précèdent et qui le suivent. En fait, l’initiation ne constitue qu’une mobilisation particulièrement intense et condensée de ces processus, que ce soit pour les renforcer, les contrôler et les orienter, ou pour les virtualiser, les objectiver et les explorer.
    Ce double aspect du rite initiatique comme expérience transformatrice et comme outil cognitif nous a encouragés à l’utiliser également comme outil pédagogique. Nous avons ainsi, en coopération avec Emma Gobin, adapté le rituel expérimental « The Red and the Black » (Houseman 2004), complété par un volet féminin et réparti entre deux séances, l’une au début et l’autre à la fin du semestre : initié.es au début, les participant·es sont alors resté·es pendant toute la durée du séminaire dans un état liminal marqué par une expérience partielle dont l’ensemble ne fut (réciproquement) dévoilé qu’à la fin. Bien au-delà des analogies évidentes que toute formation universitaire entretient avec une initiation, cet encadrement rituel a fait évoluer l’ensemble du séminaire, le transformant en un relais entre différents niveaux de réflexion qui a permis d’établir un rapport concret entre les matériaux ethnographiques discutés et l’expérience vécue des participant·es.

    Publication

    • « Comment on Dwight Read, The Generative Logic of Crow-Omaha Terminologies », Mathematical Anthropology and Cultural Theory, 12(4), 2018, http://mathematicalanthropology.org/toc.html

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 11 juin 2018.

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