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Mercredi de 10 h à 12 h (54 bd Raspail 75006 Paris), cf. calendrier des séances et salles ci-dessous
Ce séminaire s’intéresse aux savoirs techniques développés dans un contexte sans écriture, plus particulièrement aux savoirs musicaux relevant de l’ethnomusicologie. On entend par « modélisation » au sens large l’étude des principes de cohérence qui organisent ces savoirs et qui en déterminent la logique implicite. La question centrale qui se pose est de savoir dans quelle mesure cette logique est consciente pour les experts des savoirs concernés. On envisagera différentes manières de mener l’enquête auprès d’eux dans un contexte social donné. Une partie du séminaire traitera de répertoires musicaux traditionnels et d’activités techniques ancrés dans de petites sociétés en Afrique notamment. Une autre abordera la question générale de l’improvisation dans le contexte plus large du jazz, des musiques du monde et des musiques électroniques, du point de vue des savoirs qu’elle mobilise (rapport de l’anticipé et de l’imprévu) et des technologies qu’elle met en jeu (des instruments traditionnels aux dispositifs numériques). On montrera en particulier les résultats des recherches menées sur le développement d'un logiciel de modélisation et de simulation de l'improvisation. Aucune connaissance mathématique n’est requise.
Mots-clés : Anthropologie, Arts, Humanités numériques, Informatique et sciences sociales, Mathématiques et sciences sociales, Modélisation, Musique, Savoirs,
Aires culturelles : Afrique, Contemporain (anthropologie du, monde),
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Méthodes et techniques des sciences sociales
Intitulés généraux :
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
contacter l'enseignant par courriel.
Niveau requis :
séminaire de master 1 et 2.
Site web : http://ehess.modelisationsavoirs.fr
Site web : http://digitaljazz.fr
Adresse(s) électronique(s) de contact : chemilli(at)ehess.fr
Les travaux menés cette année ont porté comme les années précédentes sur des questions de recherche liées au logiciel Djazz qui est dédié à l’improvisation musicale. Celui-ci a été impliqué dans des manifestations scientifiques comme le workshop IMPROTECH organisé à Philadelphie en décembre dernier par le CAMS, l’Université de Pennsylvanie, l’IRCAM et le laboratoire IReMus de Paris-Sorbonne, et le colloque inaugural des locaux de l’ISC (Institut des systèmes complexes) le 9 novembre 2017, qui consacrait une large place à l’étude des comportements collectifs, notamment l’introduction d’éléments artificiels au sein de communautés animales (robots-poissons dans des bancs de poissons) pour analyser les phénomènes d’acceptation ou de rejet.
Or cette question d’acceptation est au cœur des travaux menés avec Djazz qui visent à son intégration dans un contexte musical fortement idiomatique (jazz, world music, musiques traditionnelles) où il doit passer un seuil d’acceptabilité pour jouer dans des conditions réelles de concerts en milieu professionnel. Cela a conduit à créer l’association « Improvisation et technologie » pour produire des spectacles vivants avec des artistes comme le jazzman Bernard Lubat ou le guitariste et chanteur malgache Charles Kely Zana-Rotsy. Avec ce dernier, l’association a réalisé un CD promotionnel dont l’enregistrement a été en partie filmé par le service audiovisuel de l’EHESS et mixé par Simon Garrette du CRAL. Les expériences menées en public révèlent un net conflit de valeurs entre les musiques privilégiant l’improvisation attachée à une relation de vivant à vivant entre musiciens et publics, et celles privilégiant la technologie critiquée par les partisans de l’improvisation comme source d’appauvrissement dans l’interaction entre les participants.
Cet antagonisme, enjeu principal du séminaire, a donné lieu à une étude de cas à propos du duo du saxophoniste de jazz Émile Parisien et du DJ techno Jeff Mills créé en septembre 2016 et présenté au festival Sons d’hiver le 16 février 2018. L’analyse comparée de deux enregistrements de leurs concerts mettant en regard, sur un axe vertical, les éléments communs aux deux flux audio (analyse paradigmatique) fait apparaître une longue citation commune tirée d’un enregistrement de John Coltrane datant de 1957, Straight Street (je remercie Yves Chaudouët pour son identification). D’un concert à l’autre, elle est pratiquement identique de sorte que pendant la diffusion presque immuable de ce sample, l’interaction entre le saxophone et les machines s’appauvrit substantiellement. La question de l’interaction se pose également dans l’évolution de l’instrumentarium utilisé par Jeff Mills, qui a introduit un pad lui permettant de jouer des rythmes manuellement. Absent des premiers concerts, ce dispositif favorisant l’interaction suggère qu’ils ont ressenti la nécessité d’une implication corporelle plus forte du DJ pour rivaliser avec le jeu expressionniste du saxophoniste.
Enfin, la question de l’antagonisme entre genres musicaux ne relève pas que du savoir des musiciens, mais dépend aussi de la segmentation du marché de l’industrie musicale. Deux sociologues spécialistes de l’Internet, Dominique Cardon et Jean-Samuel Beuscart, sont venus parler des bouleversements induits par le développement des plateformes de streaming et des algorithmes de recommandation.
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 23 mars 2018.