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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Notre connaissance des ouvrages de l’Antiquité et du Moyen Âge n’est généralement qu’indirecte : la plupart des lecteurs n’accède aux textes qui ont façonné notre civilisation que par le biais d’éditions imprimées modernes, fruit d’un travail savant de reconstruction philologique, ou dans des livres numériques. Un tel biais, s’il livre un texte rigoureux du point de vue ecdotique, éloigne le lecteur de la dimension matérielle de l’Histoire : en effet, les ouvrages que nous lisons dans nos livres, furent conçus et circulèrent, au cours des siècles, sous forme de manuscrits dont les structures, les caractéristiques graphiques et la mise en page différaient profondément de celles auxquelles nous sommes habitués aujourd’hui. Cet atelier propose de lire les ouvrages du passé directement dans les livres manuscrits de leurs époques : nous lirons, par exemple, une ancienne théogonie sur le fac-similé d’un papyrus du IV^e siècle av. J.-C. ; les Sicyoniens de Ménandre sur son témoin le plus ancien, un papyrus de la Sorbonne du III^e siècle av. J.-C. ; quelques extraits du philosophe Philodème de Gadara dans les rouleaux carbonisés de la villa où il vivait à Herculanum, et qui fut détruite un siècle après sa mort, par l’éruption du Vésuve de 79 ap. J.-C. . Nous choisirons un ouvrage par siècle, traversant ainsi l’époque impériale romaine (grâce entre autres à un papyrus du II^e/III^e siècle qui contient la Vie du philosophe Secundus, le savant qui dialogua avec l’empereur Hadrien) et le Moyen Âge byzantin : nous lirons directement les paroles de Photius et de Jean Mauropode dans des livres médiévaux du IX^e et du XI^e siècle qu’ils eurent entre leurs mains, et qui sont encore conservés, l’un à la Marciana de Venise et l’autre à la Biblioteca Apostolica de la Cité du Vatican. En adoptant une démarche chronologique, nous choisirons toujours des manuscrits plus ou moins contemporains de l’auteur et de l’ouvrage qu’ils contiennent. À chaque fois, nous nous concentrerons sur les aspects paléographiques et matériels des supports, en reconstruisant des rouleaux à partir de fragments de papyrus et en analysant des codices en parchemin. Notre parcours constituera donc un aperçu de l’histoire aussi bien de l’écriture libraire grecque, que du livre en tant qu’objet social, entre l’Antiquité et l’époque moderne. En travaillant de manière collaborative sur des reproductions en haute définition ou, plus rarement, directement sur les originaux, dans les bibliothèques, nous élaborerons pour chaque document une transcription et une traduction. Ce travail collectif vise à donner naissance à une « anthologie manuscriptologique », un ouvrage collectif à visée pédagogique.

Vendredi 15 décembre 2017 : rencontre concernant l'un des plus anciens livres en langue grecque parvenus, le Papyrus de Derveni : 

Filippo Ronconi se concentrera sur les caractéristiques bibliologiques et paléographiques du papyrus (dans le cadre de son séminaire Lire les ouvrages du passé dans les livres de leur époque

Ce séminaire naît de la constatation que notre connaissance des ouvrages de l’Antiquité et du Moyen Âge est généralement indirecte, en ce sens que la plupart des lecteurs contemporains n’accèdent aux textes anciens et médiévaux que par le biais d’éditions imprimées ou de livres numériques. Un tel biais éloigne le lecteur de la dimension matérielle de l’Histoire, car bien avant d’être reproduits par des moyens mécaniques ou numériques, les textes furent conçus et circulèrent sous forme de manuscrits dont les structures matérielles, les caractéristiques graphiques et la mise en forme différaient profondément de celles auxquelles nous sommes habitués. Afin d’illustrer ce décalage et de le documenter, nous avons donc sélectionné une série de manuscrits anciens et médiévaux dont les contenus sont presque contemporains à leur fabrication. Nous avons commencé par le « papyrus de Derveni », l’un des plus anciens livres en langue grecque qui nous soient parvenus. Il s’agit d’un rouleau mi-carbonisé trouvé dans un tombeau en Macédoine et qui contient des fragments d’une ancienne théogonie. Nous avons consacré quelques séances à l’analyse ponctuelle du fac-similé, nous concentrant sur son écriture, sa structure et son support, en préparant ainsi une journée d’étude à laquelle ont participé entre autres Claude Calame, Christian Jacob et Aurélien Berra. Au cours de cette journée, nous avons donc conjugué l’analyse du texte et de ses significations culturelles avec l’étude de l’objet-livre qui le contient, et du contexte archéologique dans lequel celui-ci a été retrouvé. Dans les séances suivantes nous nous sommes concentrés sur quelques rouleaux d’Herculanum contenant des textes épicuriens presque contemporains à leur fabrication. Une journée d’étude a suivi, au cours de laquelle Daniel Delattre et Gianluca Del Mastro ont illustré les conditions de la découverte de deux rouleaux carbonisés par l’éruption du Vésuve de l’an 79 et les techniques de leur déroulement et de leur lecture, au moyen, entre autres, de la microtomographie. Dans les séances suivantes nous nous sommes concentrés sur des codices réalisés entre le VII^e et le X^e s. de notre ère, contenant, entre autres, le Sur les poids et les mesures d’Épiphane de Salamine et les Miracles de Cyr et Jean par Sophrone de Jérusalem. Ce séminaire continuera au cours de l’année 2018-2019, prenant la forme d’un atelier Condorcet. Le but de cette initiative est de donner naissance, au bout de quelques années, à une « anthologie manuscriptologique », un ouvrage collectif à visée pédagogique. Dans le cadre de ce séminaire, nous avons visité l’Institut de Papyrologie de la Sorbonne : à l’aide de Florent Jacques, le papyrothécaire responsable de la collection, nous avons ainsi analysé le fameux « Ménandre de la Sorbonne » (le plus ancien témoin manuscrit de l’auteur, contenant les Sicyoniens et remontant au III^e s. av. J.-C.). En outre, nous avons pu analyser livres et documents réalisés dans les différents matériaux qui ont été utilisés dans l’espace méditerranéen entre l’Antiquité et le haut Moyen Âge (papyrus, parchemin, papier, métal, céramique…), ainsi que les formats les plus répandus (rouleaux, codices, tabellae etc.).