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Mardi de 17 h à 19 h (salle A05_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 16 janvier 2018 au 29 mai 2018
Si la politique se change en spectacle, le conflit se déplace des institutions vers le terrain de l'imaginaire. C’est à travers les nouveaux médias que le charisme se construit et qu'un « peuple » est imaginé. Nous distinguerons des populismes de droite et de gauche, sans cependant négliger les contaminations réciproques induites par les stratégies confusionnistes. Lire l’actualité à travers le passé se révèlera alors utile. Entre rémanences et réactualisations, les schémas fascistes circulent encore, mais les modèles d’analyses éprouvés sont-ils toujours applicables ? Les esthétiques produites, leur force de séduction ou de répulsion, seront analysées. Plusieurs disciplines seront mobilisées pour explorer le rôle central dévolu au corps dans les nouveaux dispositifs visuels de l’autorité, mais aussi dans les relations entre leaders et masses obscures du web, pour mieux relever le défi que cela pose aux ethnographes ?
16 janvier : Introduction
23 janvier : Lynda DEMATTEO, Populismes de droite et populismes de gauche, enjeux d’une distinction
30 janvier : Giuliana PAROTTO (Università degli Studi di Trieste), Le corps médiatique de Berlusconi
6 février : Giuliana PAROTTO, L’usage du corps dans le discours de Beppe Grillo
13 février : Anna SCHOBER-DE GRAAF (Klagenfürt University), A political iconography of everybody: figurations of the longue durée and postmodern appropriations http://www.annaschober.com
6 mars : Lynda DEMATTEO, Retours sur les élections italiennes du 4 mars
13 mars : Luciano CHELES (LUHCIE, Université de Grenoble-Alpes), Le corps des leaders politiques italiens dans la propagande figurative de l'après-guerre
20 mars : Robert JANSEN (University of Michigan, chercheur invité à l'EHESS), Practicing Populist Mobilization in Peru’s 1931 Election
27 mars : Elisa BELLÈ (Università degli Studi di Trento, Visiting Fellow Sciences Po), The Populist Eros. Flirt, Humour and Hegemonic Masculinity in the case of Lega Nord http://www.sciencespo.fr/centre-etudes-europeennes/fr/chercheur/elisa-belle
3 avril : Jayson HARSIN (American University of Paris), Reality TV and emotion: Keys to Donald Trump and Post-truth Populisms?
10 avril : Waddick DOYLE (American University of Paris), Habits of Desire, Habits of Language, Habits of Narrative. Imagining Communities and Constructing Audiences in Italy from Fascism to Berlusconi
15 mai : Jean-Yves CAMUS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) et Nicolas LEBOURG (CEPEL, Université de Montpellier), Tendances et structures de l’extrême-droite en Europe
22 mai : Valerio COLADONATO, Populisme et mélodrame en Argentine, à partir du film « Eva no duerme », https://www.youtube.com/watch?v=hi3rjt1fht4
29 mai (de 15 h à 19 h, salle AS1_24) : Présentation des travaux des étudiants
Mots-clés : Anthropologie, Cinéma, Genre, Imaginaire, Politique,
Aires culturelles : Amérique du Nord, Europe,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
par courriel.
Niveau requis :
à partir du master 1.
Site web : http://www.iiac.cnrs.fr/rubrique6.html
Adresse(s) électronique(s) de contact : dematteo(at)ehess.fr
Dans la continuité des travaux engagés en 2017 sur le terrain de l’imaginaire, nous nous sommes efforcés de mieux comprendre le lien spécifique qui unit le leader populiste à son « peuple » en focalisant l’attention sur la centralité renouvelée du corps dans l’exercice du pouvoir. Les médias, les productions cinématographiques et les réseaux sociaux contribuent aujourd’hui à l’élaboration du charisme politique. Les esthétiques produites, leur force de séduction ou de répulsion, ont focalisé notre effort d’analyse. Nous avons mobilisé l’anthropologie politique, les visual studies, les études cinématographiques et les études de genre pour explorer le rôle central dévolu aux images du corps. Comment les leaders sont-ils aujourd’hui représentés ? Comment décrire les dispositifs visuels qu’ils déploient ? Quels rapports établissent-ils avec ceux qui se reconnaissent en eux ? De quelles manières les masses obscures du web sont-elles mobilisées et quels défis spécifiques cela pose-t-il aux ethnographes ? Telles furent les questions que nous avons voulu explorer avec nos invités. La philosophe Giuliana Parotto (Università degli Studi di Trieste) est intervenue sur ce qui constitue la spécificité du corps médiatique de Silvio Berlusconi par rapport à la distinction classique opérée par Ernst Kantorowicz dans les années 1950. Selon elle, l’image médiatique s’inscrit déjà dans l’ordre de l’éternité : sur l’écran, le corps du leader est déjà mort, et cette caractéristique vient non seulement bouleverser les rapports établis entre pouvoir et temporalité, mais également menacer les règles de la représentation démocratique. Giuliana Parotto a ensuite exposé une recherche en cours sur le leadership de Beppe Grillo pour questionner le rôle de pourfendeur des vices de la nation qu’il assume depuis maintenant une dizaine d’années sans jamais se confronter directement à l’exercice du pouvoir. Valerio Coladonato est intervenu sur le charisme post-mortem d’Evita Peròn à partir du film du réalisateur argentin Pablo Agüero, Eva no duerme (2016), pour mieux illustrer combien le corps d’un dirigeant peut susciter la dévotion de ses partisans ou au contraire l’acharnement de ses ennemis dans les sociétés catholiques marquées par le culte des saints comme l’avait montré Sergio Luzzatto dans Le corps du Duce (2014). L’historien de l’art, Luciano Cheles (LUHCIE, Université de Grenoble-Alpes) est venu rappeler qu’après la Seconde Guerre mondiale, les politiciens italiens avaient banni toutes les représentations personnalisées sur leurs affiches de campagne, privilégiant les symboles partisans, et que les corps n’étaient progressivement réapparus qu’à partir des années 1980, brisant ainsi le tabou créé par l’omniprésence du corps de Mussolini sous la dictature. L’historienne Anna Schober-de-Graaf (Klagenfürt University) a rendu compte de la recherche qu’elle a mené dans le cadre d’un projet européen Marie Curie sur les représentations de monsieur-tout-le-monde (everybody, uomo qualunque, John Doe de Frank Capra) et leur étroite relation avec les figures du pouvoir populiste. Waddick Doyle (American University of Paris) a éclairé le succès de Silvio Berlusconi en expliquant comment il a réussi à capter l’imaginaire télévisuel italien en transférant les stratégies marketing du champ médiatique vers le champ politique. Jayson Harsin (American University of Paris) a montré que le succès de Donald Trump était en partie déterminé par les modèles d’expression diffusés par les reality show américains, ce qu’il appelle « emo truth politics » : au-delà de la vérité, l’expression des émotions atteste de la sincérité d’un homme politique et de l’authenticité de ses propos. Elisa Bellè (Università degli Studi di Trento, Visiting Fellow Sciences Po) a abordé dans une perspective féministe l’usage de l’humour comme mode d’affirmation de l’hégémonie masculine dans la Ligue. En s’appuyant sur des matériaux ethnographiques recueillis dans l’ouest des États-Unis, Lynda Dematteo a exploré les différences entre nationalismes classiques et populismes contemporains, mais aussi entre populisme de gauche et populisme de droite, soulignant les contaminations réciproques favorisées par les stratégies confusionnistes de l’extrême-droite. Dans une deuxième séance, elle est revenue sur le déroulement de la campagne électorale italienne du 4 mars 2018 et l’émergence politique de Matteo Salvini. Entre rémanence et réactualisations, les images du passé fascistes circulent encore, mais les modèles d’analyses du passé sont-ils pour autant toujours applicables ? Rien n’est moins sûr : Jean-Yves Camus (IRIS) est intervenu pour faire valoir que l’extrême-droite avait connu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale des évolutions politiques qui restent mal connues, car cette famille politique a été, pour diverses raisons, sous-étudiée, d’où les difficultés actuelles pour comprendre son renouveau. Robert S. Jansen (University of Michigan) est venu rappeler que la première mobilisation populiste qui s’affirma sur le continent sud-américain en 1931 fut très probablement inspirée par l’expérience fasciste dont le militaire péruvien Luis Miguel Sánchez Cerro avait été le témoin direct lors d’un séjour d’étude en Italie. Les nombreuses illustrations qu’il a mobilisées pour sa présentation orale sont venues attester d’une forte continuité thématique avec les mobilisations populistes actuelles.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 20 mars 2018.