Cet enseignant est référent pour cette UE
S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.
Vendredi de 10 h à 12 h (INALCO, salle 6.11, 65 rue des Grands Moulins 75013 Paris), du 9 mars 2018 au 15 juin 2018
Ce séminaire se propose de mener conjointement l’examen de corpus de natures et d’époques différentes (inscriptions des grandes « maisons » aristocratiques angkoriennes, décrets royaux et inscriptions modernes ou encore recueils de contes) en relevant, dans chacun des cas, les éléments susceptibles d’alimenter une première réflexion sur la pratique de l’écrit (et son inscription plus ou moins profonde dans l’oralité), sur les formes de la mémoire et sur l’élaboration des principes du droit. Ce faisant, il s’agit de s’interroger sur la nature de nos sources (qui ne l’ont pas toujours été en ce sens) en prêtant attention, ici comme ailleurs, à leurs conditions de production, d’usage et de réception.
Le second semestre de l’année 2017-2018 sera à nouveau consacré à l'étude du corpus épigraphique en vieux khmer du temple de Banteay Srei. Construit dans le troisième quart du Xe siècle par le guru du souverain Jayavarman V (r. 968-1000/1001), le sanctuaire eut une période d’activité exceptionnellement longue, qui se prolonge sur plus de trois siècles, jusqu’au début du XIVe siècle. De cette longévité témoigne en particulier le petit groupe d’inscriptions du temple. Une telle continuité de la pratique épigraphique en un même lieu, par-delà les générations (les auteurs du XIVe siècle célébrant ceux du Xe siècle) et les grandes périodes définies par l’historiographie (l’âge « classique » du Cambodge ancien et les prémices de l’époque « moyenne » lui faisant suite), en fait un objet d’étude privilégié dans le cadre de ce séminaire, entre examen de la langue et histoire culturelle du Cambodge sur le temps long. L'attention se portera plus particulièrement cette année sur l'inscription la plus tardive du temple et sur celles qui, ailleurs au Cambodge, lui sont sensiblement contemporaines.
Mots-clés : Analyse de discours, Anthropologie historique, Droit, normes et société, Écriture, Histoire culturelle, Langues, Linguistique, Mémoire, Orientalisme, Temps/temporalité,
Aires culturelles : Asie sud-orientale,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)
Intitulés généraux :
Centre : CASE - Centre Asie du Sud-Est
Renseignements :
séminaire commun EHESS-INALCO.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous uniquement, au CASE ou à la Maison de l'Asie.
Réception :
contacter Éric Bourdonneau par courriel.
Niveau requis :
première connaissance de l'histoire du Cambodge et du khmer souhaitable.
Site web : http://case.vjf.cnrs.fr/
Site web : http://www.inalco.fr/
Adresse(s) électronique(s) de contact : eric.bourdonneau(at)efeo.net, deltadumekong(at)yahoo.com, joseph.thach(at)inalco.fr
Cette année le séminaire a pris pour point de départ l’inscription K.569 du XIVe siècle (1306) et son pendant sanskrit (K.568), dont la lecture, entamée l’année dernière dans le cadre de l’étude du corpus de Banteay Srei, avait fait émerger des passages susceptibles d’interprétations contradictoires.
Deux thèmes connexes essentiels à la compréhension du document ont retenu l’attention : la déesse (vraḥ śakti / śrī) et l’épée comme insigne de souveraineté royale (śrī / khan jayaśrīy). Le texte pose en effet la concomitance entre le mariage du yuvarāja avec la fille du roi et la dation de l’épée comme première étape de l’investiture. Cette concomitance trouve une résonance jusque dans l’onomastique du couple royal, le roi Śrī Śrīndravarma et sa reine principale Śrī-Sūryalakṣmi, à travers l’itération du mot Śrī, la « fortune royale », qui renvoie à la déesse, singulièrement Lakṣmi, mais aussi, comme on l’a montré, à l’épée royale. Il s’est alors agi de périodiser les occurrences de ces thèmes (la déesse, la fortune royale, l’épée du roi) et des termes qui les expriment dans les inscriptions du Cambodge ancien mais aussi de Sukhoday, non seulement pour comprendre le texte au plus près du sens des contemporains, mais aussi pour saisir l’évolution et l’articulation de ces thèmes sur le temps long, notamment en ce qui concerne la construction de la personne royale, laquelle est une dimension constitutive du complexe archéologique de Banteay Srei (comme on l’avait posé lors des précédents séminaires).
Une première série d’interventions est revenue sur la présence significative de la déesse dans le temple de Banteay Srei, que l’onomastique tardive a conservée (cf. « Le sanctuaire de la Fortune royale (śrī) »), avant de considérer l’historiographie de la déesse et de la dimension féminine du sacré dans le monde khmer et au-delà, en insistant sur les diverses formes qu’elle a pu incarner à travers les siècles : la śakti, la Fortune (śrī), les me sa et les brāy à époque plus tardive. Un relevé des occurrences de śakti dans le corpus des inscriptions a montré son usage évolutif, de même que les termes désignant l’épée (khaḍga) qui, de stéréotype littéraire, devient par étape un attribut iconographique du roi au XIIe siècle.
Une seconde série d’interventions s’est concentrée sur les associations sémantiques que ces thèmes suggèrent, en s’inspirant de l’approche de Au Chhieng, le fondateur de la « philologie indo-khmère », dont on a rappelé l’apport historiographique en même temps qu’exposé l’importance décisive qui fut la sienne dans la genèse du débat sur la nature du Devarāja. Plusieurs associations littéraires – entre l’épée (khaḍga), le rhinocéros (khaḍga-nasa), la monture d’Agni et le feu d’une part, entre la śakti, la lance, l’éléphant et l’eau d’autre part – permettent d’accéder à une construction symbolique complexe renvoyant justement aux rôles et fonctions de la déesse dans les manifestations tardives du culte du Devarāja (XIIe-XXe siècles). On a cherché en particulier à retracer les évolutions du thème du sacrifice sanglant offert à la déesse, un thème auquel est associée la lance qui deviendra tardivement le second des regalia du royaume après l’épée royale. Les « danseuses » du ballet royal, dont l’étude « généalogique » a montré qu’elles s’apparentaient à un corps sacerdotal au service de la déesse, paraissent avoir été chargées de la garde de cette lance.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 6 juillet 2017.