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Mardi de 15 h à 17 h (salle 3, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 21 novembre 2017 au 13 février 2018
Le séminaire porte sur l’histoire longue de la formation des catégories raciales en Europe et dans ses colonies du XIVe au XIXe siècle. La recherche en cours compare les dispositifs de ségrégation négative ou de sélection positive qui s’appuient sur des causalités naturelles. Notre thèse centrale est qu'ils ont été actifs pendant toute la période considérée. Il ne s’agit pas d’affirmer que la question raciale au XIVe siècle en Europe se pose dans les mêmes termes que dans les colonies au XVIIIe siècle, ou à l’époque de l’eugénisme triomphant. L’objectif demeure cependant de montrer que ces phénomènes (règles formelles, pratiques sociales, idéologies) ne sont pas aussi distincts du Moyen Âge aux régimes contemporains que ne l’affirme l’historiographie dominante. Notre démarche porte l’accent sur les dimensions politique et culturelle du phénomène de racialisation. Les perspectives convoquées sont plurielles : histoire intellectuelle des théorisations de la différence raciale, histoire sociale et politique des processus de discrimination, histoire des formes artistiques engagées dans la représentation des distinctions raciales.
Nous examinerons les processus de stigmatisation et de ségrégation qui opèrent contre le bas de la société, tout comme les processus de sélection en son sommet. De quelles façons se trouve-t-on « naturellement » privilégié ou « naturellement » exclu ? C’est en ces deux extrémités que se joue la mise en ordre de toute la société au tour de notions telles que la pureté, l’hérédité, l’immutabilité, la déchéance. Les questions abordées seront : l’antijudaïsme médiéval et moderne comme matrice de la pensée raciste en occident ; l’hérésie comme tache indélébile ; la hantise de la dégénérescence en situation coloniale ; régulation sociopolitique des populations métisses ; l’esclavage et ses justifications naturalistes ; genre et discrimination raciale ; descriptions hiérarchiques des populations humaines ; antinomie de la fixité et de la dégénérescence ; l’histoire naturelle comme sociographie ; les savoirs médicaux et l'imagination raciale ; arts et la production de l'altérité.
Les étudiants inscrits en master 1 et master 2 devront présenter, dès la première séance, un commentaire de deux pages sur les lectures programmées pour chaque séance. L’ensemble des documents sera disponible sur l’ENT avant le début des séminaires. Un devoir de dix pages est attendu pour la validation en fin de semestre.
Ce séminaire est accessible sur la plateforme d'enseignement de l'Environnement numérique de travail de l'EHESS :
21 novembre 2017 : Introduction du séminaire : critique de la critique de l’emploi du terme race dans les sciences historiques.
28 novembre 2017 : Naturalisation de la différence juive dans le judaïsme du XIIe au XXe siècle. La question des chronologies.
5 décembre 2017 : Sources religieuses de la ‘déshumanisation’ et de l’animalisation des Juifs à l'époque médiévale. Religion, sciences de la nature, politique.
12 décembre 2017 : Philippe II d’Espagne (1559-1598) premier roi biopolitique d’Europe. Comment la « guerre des races » et la « bio-politique » doivent être pré-datés au vu de l’expérience hispanique.
19 décembre 2017 : Déshumanisation du corps, animalisation des corps juif et africain.
9 janvier 2018 : L’histoire de l’art en tant que discipline et question de la race.
16 janvier 2018 : Quand les conversos admis dans la compagnie de Jésus ne cessent pas d’être conversos. Ni les métis jésuites d’être métis. En présence de Pierre-Antoine Fabre
23 janvier 2018 : L’Abbé Grégoire, les Noirs, les juifs. En présence de Rita Hermon-Belot.
30 janvier 2018 : « Altérité, races et hybridation dans l’histoire de la philosophie autour de 1800 »
6 février 2018 : Sur la comparaison établie par Yerushalmi des deux antisémitismes (espagnol 16e siècle- allemand völkisch).
13 février 2018 : Réalité du crypto-judaïsme : quand la ségrégation fabrique ses victimes. Comparaisons avec d’autres cas de ségrégation.
16 février 2018 (lieu et heure à déterminer) : Conclusions du séminaire.
Mots-clés : Anthropologie historique, Biologie et société, Biopolitique, Citoyenneté, Classes sociales, Collectifs, Coloniales (études), Corps, Cosmologie, Culture, Culture visuelle, Diaspora, Discrimination, Domination, Droit, normes et société, Dynamiques sociales, Émotions, Empire, Esclavage, Esthétique, Ethnicité, Fait religieux, Famille, Génétique, Génocides (études des), Genre, Globalisation, Guerre, Histoire, Histoire culturelle, Histoire des idées, Histoire intellectuelle, Historiographie, Imaginaire, Inégalités, Institutions, Migration(s), Minorités, Moyen Âge/Histoire médiévale, Objets, Patrimoine, Philosophie politique, Post-coloniales (études), Racismes et races, Religieux (sciences sociales du), Sociohistoire, Transnational, Visuel,
Aires culturelles : Afrique, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amériques, Atlantiques (mondes), Britanniques (études), Europe, Ibérique (monde), Méditerranéens (mondes), Musulmans (mondes), Transméditerranée, Transnational/transfrontières,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe - Monde ibérique
Intitulés généraux :
Renseignements :
contacts : Jean-Frédéric Schaub, Maurice Kriegel, Anne Lafont.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
contacts : Jean-Frédéric Schaub, Maurice Kriegel, Anne Lafont.
Niveau requis :
le séminaire est ouvert aux étudiants de M1, M2 et doctorat. Tout étudiant doit être au moins titulaire d'une licence et avoir été accepté par un tuteur.
Adresse(s) électronique(s) de contact : schaub(at)ehess.fr, maurice.kriegel(at)ehess.fr, annelafont(at)wanadoo.fr
Tout d’abord, nous avons conduit Anne Lafont, Maurice Kriegel et moi le séminaire La race à l’âge moderne : expériences, classifications, idéologies d’exclusion, au rythme intensif – et éprouvé – de douze séances de quatre heures. Dans ce cadre les séances que j’ai proposées ont porté sur plusieurs thématiques de recherche. D’abord, une critique de la critique de l’emploi du terme race dans les sciences historiques. Il s’agissait de montrer que l’anachronisme le plus présent dans l’historiographie n’est pas celui qui reviendrait à rétro-projeter dans le passé des expériences contemporaines, comme le nazisme, ce qu’en vérité à peu près personne ne fait. L’anachronisme le plus présent et le plus insidieux consiste à attribuer aux acteurs des sociétés anciennes le cadre de pensée constructiviste dans lequel nous insérons aujourd’hui la question raciale. C’est ce manquement dans l’analyse qui empêche d’imaginer que les gens du passé pouvaient croire à la réalité des races. Mes interventions ont également porté sur l’ensemble des démarches déployées par le roi Philippe II d’Espagne (1559-1598) aboutissant à la mise en place d’un premier programme de biopolitique en Europe. Comme pour le cas du thème de la « guerre des races », celui de la gestion « bio-politique » de l’autorité sur les populations doit être pré-daté, par rapport au sens commun dérivé des travaux de Michel Foucault, au vu de l’expérience hispanique. Il n’est guère surprenant que de même que l’histoire des situations coloniales est désormais tirée vers le dernier siècle du Moyen Âge, de même certaines questions qui se trouvaient placées dans l’orbite de l’Enlightenment/Lumières/Aufklärung apparaissent désormais comme méritant une histoire plus complexe et plus longue. Le long règne de Philippe II a, ainsi, été le moment au cours duquel, de façon graduelle, les conversos admis dans la compagnie de Jésus font l’expérience de l’impossible oubli de leur condition de conversos, fussent-ils nés catholiques. En parallèle, aux Amériques, les métis admis comme jésuites voient que leur condition est perpétuellement présente. Vers la fin du siècle, c’est leur admission qui devient impossible. Enfin, en examinant, autant que faire se peut, la réalité du crypto-judaïsme, il a été possible de comprendre comment la ségrégation fabrique ses victimes. Cette discussion prenait appui sur la comparaison établie par Yosef Haiym Yerushalmi des deux antisémitismes (l’espagnol XVIe siècle – l’allemand völkisch).
Au cours du séminaire, nous avons discuté le travail de Catherine König Pralong, professeure à l’Université de Fribourg sur le thème : « Altérité, races et hybridation dans l’histoire de la philosophie autour de 1800 ».
Publications
Jean-Frédéric Schaub
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 25 janvier 2018.