Cet enseignant est référent pour cette UE
S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.
2e lundi du mois de 13 h à 16 h (salle AS1_23, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 13 novembre 2017 au 11 juin 2018
Dans le cadre de ce séminaire mensuel, nous proposons d’interroger les notions d’espace et de territoire en Asie orientale (Chine, Japon, Mongolie). À partir d’approches anthropologiques et de matériaux ethnographiques diversifiés, nous réfléchirons à la façon dont les individus et les communautés habitent, occupent et traversent des espaces, identifient des territoires et (se) les représentent. Comment manifeste-t-on, justifie-t-on l’appartenance, la (dé)possession ou le partage d’un lieu, mais aussi de quelle façon ce lieu est-il représenté, (re)qualifié dans le temps et dans l’espace ? Notre intérêt ne se limitera pas aux espaces physiques, qu’ils prennent la forme d’un espace rituel, public ou privé, d’un ensemble architectural, d’une région frontalière ou d’une zone sinistrée. Nous prendrons également en compte les espaces imaginés, le monde des entités spirituelles et de l’au-delà.
Nous explorerons le rapport à l’espace et au territoire selon des échelles d’observation variées (famille, lignage, communauté, quartier, ville, région, nation, État, etc.) et à partir d’éléments discursifs et figuratifs recueillis sur le terrain, en mettant à l’épreuve les méthodes d’enquêtes, les cadres théoriques mobilisés et les modes d’analyse des données.
Ce séminaire est ouvert à tous, spécialistes ou non de ces aires culturelles.
13 novembre 2017 : Séance d’introduction
Thématique 1. Duplication et transfert de lieux
11 décembre 2017 : Objet des transferts (K. Le Mentec, M.-P. Hille)
Lectures de la séance :
8 janvier 2018 : D’un espace à l’autre, imaginaire et réel (C. Vidal, M.-P. Hille)
12 février 2018 : Nommer et caractériser les espaces (K. Le Mentec, C. Vidal)
Thématique 2. Mondes des morts et des âmes
12 mars 2018 : Les Enfers transposés au Japon : dioramas, projections et réinventions de sites (M. Picone)
9 avril 2018 : Les lieux de refuge de l’âme humaine après la mort en Mongolie (S. Ruhlmann)
14 mai 2018 : Lieux de vie des morts et espaces chamaniques. Ethnographies funéraires chez les Yi-Sani (Yunnan) (A. Névot)
11 juin 2018 : Séance de conclusion
Mots-clés : Anthropologie sociale, Comparatisme, Enquêtes, Espace, Ethnographie, Imaginaire, Spatialisation, territoires, Symbolique, Techniques,
Aires culturelles : Asie orientale, Chine, Japon,
Suivi et validation pour le master : Mensuel annuel/bimensuel semestriel (8x3 h = 24 h = 6 ECTS)
Intitulés généraux :
Centre : CCJ - Chine, Corée, Japon
Renseignements :
CCJ-CECMC, bur. A7_34, 54 bd Raspail 75006 Paris, tél. : +33 (0)1 49 54 20 90
Direction de travaux d'étudiants :
contacter l'enseignante référente par courriel
Réception :
sur rendez-vous auprès de l'enseignante référente par courriel
Niveau requis :
Séminaire ouvert à tous. La connaissance d’une langue asiatique est souhaitée mais non requise pour suivre le séminaire
Site web : http://cecmc.ehess.fr/
Adresse(s) électronique(s) de contact : katianalementec(at)yahoo.fr
Pour sa première année, le séminaire s’est articulé autour de deux thématiques principales : 1) Duplication et transfert de lieux, 2) Mondes des morts et des âmes. La dernière séance a été consacrée aux travaux des étudiants.
Objet des transferts. À partir d’une lecture critique du texte de D. Julia et S. Baciocchi (« Reliques et Révolution française (1789-1804) » 2009), Marie-Paule Hille a analysé le transfert de reliques musulmanes d’un endroit gardé secret vers leur demeure d’origine purifiée, dans la région de l’Amdo (Gansu méridional), dans un contexte de profonds bouleversements marqués par les réhabilitations politiques post-maoïstes. La difficulté pour identifier le lieu où les reliques ont été préservées après 1958 et les conditions du retour à leur lieu d’origine en 1979 ont été au cœur de la réflexion sur les pratiques d’enquête. Katiana Le Mentec a ensuite fait un exposé sur des arbres centenaires et des rochers étranges déplacés des berges du Yangtze avant leur immersion par la formation du réservoir du barrage des Trois Gorges (Chine). Objets de différentes initiatives de « sauvegarde », ils ont été transférés dans le même mouvement que les déplacements des habitants, des lieux de culte et de la ville de Yunyang. Les caractéristiques de ces artefacts naturels, les modalités et motivations des acteurs de leur transfert, le rôle et l’efficacité qui sont attendus d’eux ainsi que la manière dont ils sont saisis par les habitants ont été discutés au regard du contexte de profonds bouleversements territoriaux que connaît la région. La mise en perspective de ces deux cas a permis d’interroger tant la nature des objets qui sont transférés, dupliqués, reproduits que celle de leur lieu d’origine et de destination. Nous avons également discuté de la manière dont ces objets sont pris dans divers enjeux ainsi qu’aux dispositifs (politiques, mémoriels, etc.) auxquels leurs transferts contribuent.
D’un espace à l’autre, imaginaire et réel. Partant de l’étude de cas du site de pèlerinage du Putuoshan (Zhejiang), considéré comme la duplication sur les mers de Chine de la montagne mythique indienne du Potalaka, Claire Vidal a analysé les dispositifs spatiaux et mythologiques qui conduisent les dévots bouddhistes à croire qu’ils sont en présence du divin. À partir d’une lecture commentée des travaux sur les « paysages » (dont ceux d’A. Berque, de Y. Escande et d’A. Cauquelin), elle a questionné les modalités par lesquelles les réalités paysagères du site sont doublées de l’imaginaire de l’espace saint. Cette réflexion fut prolongée par l’exposé de Marie-Paule Hille qui présenta le cas du transfert d’un lieu où un Saint musulman a effectué une retraite cellulaire de dix années. Reprenant la proposition de B. Latour (1990) sur « la transformation du message », elle a analysé les choix qui ont rendu possible cette transformation de l’espace saint et les reconfigurations rituelles qui en découlent. La mise en regard de ces deux cas ouvre un espace de réflexion sur les modalités de (re)fondation des sites saints chinois à la jonction du réel et de l’imaginaire.
Nommer et caractériser les espaces. Partant de leurs données ethnographiques respectives, Katiana Le Mentec et Claire Vidal ont examiné les pratiques de nomination associées aux constructions sociales de deux espaces : le chef-lieu de Yunyang, ville déplacée en raison de la montée des eaux en amont d’un grand barrage d’une part, ainsi que l’île de Putuoshan, montagne mythique volante et lieu de pèlerinage du bodhisattva Guanyin d’autre part. Cette séance a tissé des pistes de réflexion à partir de travaux en cours pour penser les usages de la toponymie dans le contexte de la Chine contemporaine. On s’est intéressé par exemple à l’élaboration de marques locales associées à ces deux sites, pris non seulement dans les enjeux de sens pour les habitants et les visiteurs mais aussi dans les logiques marketing et touristiques propres à ce début de XXIe siècle. Porteuse de sens, de valeurs, dans un espace construit et pour un temps donné, en lien avec les groupes sociaux en présence (Lima, 2008), la toponymie permet d’accéder à une grille d’interprétation du social telle qu’elle est façonnée dans un cadre politique et normatif. Nommer un espace est une manière de se l’approprier, de lui façonner une certaine identité ; c’est aussi dans certains contextes un acte de résistance, un objet de tension et de controverse, ou un sujet de négociation. Au cours de cette séance, Katiana Le Mentec a examiné les désignations successives données à la nouvelle ville de Yunyang, mais aussi son tissu urbain ainsi que quelques sites importants : noms des écoles, des commerces, des lieux de culte. Claire Vidal a discuté quant à elle des registres de discours qui sont élaborés, jouant avec les carcans politiques et religieux, pour présenter aux voyageurs un paradis terrestre où ils peuvent se rendre et un culte bouddhique compatible avec la modernité.
Les Enfers transposés au Japon : dioramas, projections et réinventions de sites. Les enfers japonais ont été élaborés en grande partie par des importations successives d’éléments du bouddhisme chinois, syncrétisés avec des représentations autochtones. Les sites encore identifiés comme « enfers » ne se limitent pas aux temples d’Enma, roi et juge infernal, autrefois bien plus nombreux qu’aujourd’hui : il y a également des lieux naturels tels que les cratères de volcans éteints (Osorezan ou Tateyama) ou des pointes rocheuses désertées donnant sur la mer (identifiée comme sai no kawara, la rivière qui marque la frontière entre notre monde et l’au-delà). D’autres enfers constitués par un hybride d’attractions foraines et de mini parcs à thème religieux, sont aussi construits à partir des années 70 dans des endroits perdus afin d’attirer des touristes. Certains lieux tels que le complexe dans la montagne à Tateyama, malgré son prestige historique, combinent tous ces genres. Mary Picone a essayé de déterminer si aujourd’hui l’enfer est peu « porteur » en tant que site d’attraction religieux ou touristique par rapport à des sites associés à la prospérité, la « paix en famille » ou la guérison. Elle a montré que les jeunes générations comprennent de moins en moins les concepts anciens de l’au-delà et que les réinterprétations continuent.
Les lieux de refuge de l’âme humaine après la mort en Mongolie. À partir de différentes enquêtes de terrains ethnographiques, menées en Mongolie de 2000 à 2017 sur les pratiques alimentaires d’une part, sur la perception-gestion des maladies animales d’autre part, Sandrine Ruhlmann a montré comment elle avait recueilli des données sur des pratiques funéraires, en l’occurrence le traitement du cadavre d’un humain après la mort et celui de son âme (süns). Elle a présenté la manière dont les Mongols définissent l’âme humaine et quelles actions sont déployées aux différentes étapes de la vie biologique et sociale où son sort est en jeu (naissance, petite enfance, Nouvel An lunaire mongol, maladie, mort), la conception de l’âme reposant en Mongolie sur l’articulation de deux principes concurrents (bouddhisme et chamanisme) de renaissance de l’âme. La question du « stock » a été abordée, en référence au travail de Roberte Hamayon sur le chamanisme sibérien et mongol ; puis celle de ce qui fait monde, à savoir le cycle de vie d’une unité de vie ou âme (süns), de la perpétuation des lignées et de la reproduction de l’organisation de la société mongole contemporaine. Sandrine Ruhlmann a donc présenté des cas d’action sur l’âme humaine selon les mondes, les lieux et les espaces où elle évolue, où elle se loge, où elle est appelée, rappelée ou expédiée, selon que cette âme est de bonne ou de mauvaise composition, qu’elle est vengeresse ou bienveillante, qu’elle est à renaître ou condamnée à errer. Enfin Sandrine Ruhlmann a abordé les rites de protection de l’âme, les rites d’inversion de l’ordinaire pour duper les âmes errantes et protéger l’âme, et pour finir la vie de l’âme dans l’au-delà, qui est une sorte de calque de la vie des humains ici-bas. Cette présentation a reposé sur des matériaux ethnographiques bruts, des observations-descriptions, des discours et anecdotes, appuyés par des dessins, schémas et photographies, mettant la focale sur les gestes, les techniques et la culture matérielle.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 22 janvier 2018.