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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Dans les dernières décennies, de nombreux historiens ont salué l’avènement d’une histoire post-nationale. Certains ont même vu dans l’histoire un instrument efficace pour lutter contre la montée des nationalismes et pour favoriser la formation d’une « identité » et d’une « citoyenneté » européennes et démocratiques. Déjà en 1994, l’historien John Gillis a déclaré que « pour une majorité de personnes, la nation ne constitue plus le siège ou le cadre de la mémoire si bien que l’histoire nationale n’est plus le bon critère de leur connaissance effective du passé ». Cet effort de dénationalisation de l’histoire est-il en train de réussir ? N'assiste-t-on pas au contraire, dans certains cas, à un raidissement des récits nationaux et des politiques mémorielles autour de la Nation? Nous étudierons la diversité des contextes dans lesquels ces questions se posent en Europe, en analysant à la fois le rôle des pouvoirs publics, les mouvements d'opinion et la participation - ou la non participation - des historiens aux débats publics.

7 novembre 2017 : Présentation du séminaire

21 novembre 2017 : « 1870 : les historiens définissent la nation »

5 décembre 2017 : « 1983 : La nation en tant que construction sociale »

19 décembre 2017 : « Les lieux de mémoire de Pierre Nora : un nouveau roman national »

16 janvier 2018 : Maria Teresa Milicia (Université de Padoue), « Moving back to the future Kingdom of the Two Sicilies : History wars, revelation of the past and performative construction of the (post)memory of “Southerner’s genocide” in contemporary Italy »

30 janvier 2018 : Blaise Wilfert Portal (ENS, Paris), « Dans quel temps sommes nous ? "Nation" et "mondialisation" au début du XXI^e siècle en perspective historique »

6 février 2018 : « Écrire l’histoire de l’esclavage à l’ère post-nationale »

20 février 2018 (salle BS1_28, 54 bd Raspail 75006 Paris) : David Rieff présentera son dernier ouvrage Éloge de l’oubli. La mémoire collective et ses pièges, Paris, Premier Parallèle, 2018

6 mars 2018 (salle 8, 105 bd Raspail 75006 Paris) : Olof Bortz (Université de Stockholm), « Raul Hilberg et son histoire de la Shoah : l'historien et la genèse d'un évènement historique »

20 mars 2018 : Chiara Becattini  (Université de Venise), « Camps d’internement en France et Italie : stratifications d’histoires et mémoires »

Vendredi 18 mai 2018, de 15 h à 17 h (salle 1, 105 bd Raspail 75006 Paris) : Roman Krakowsi et Présentation des recherches en cours

29 mai 2018 : Alon Confino (Université du Massachusetts – Amherst), « Israeli Memory of 1948 War ».

Nous avons interrogé la tension existant entre nationalisation et dénationalisation de l’histoire d’une double manière. D’une part, nous avons interrogé les manières par lesquelles les historiens ont contribué à la définition de la nation. Dans cette perspective, nous avons travaillé sur deux moments-clés. Tout d’abord, les années 1870, avec l’étude des interventions de Theodor Mommsen (Lettere agli italiani), David Friedrich Strauss (cf. Maurice Mauret, « La querelle de Strauss et Renan », 1915), Fustel de Coulanges (L’Alsace est-elle allemande ou française ? Réponse à M. Mommsen), Auguste Geffroy (Un manifeste prussien), suivies par la célèbre conférence d’Ernest Renan (Qu’est-ce qu’une nation ?). Ensuite, les années 1980, quand les sciences sociales interrogent le « roman » de la nation, notamment grâce aux travaux d’Ernest Gellner (Nations and Nationalism, 1983), Eric Hobsbawm et Terence Ranger (The Invention of Tradition, 1983) Pierre Nora (Les lieux de mémoires, 1986-1992). Par ailleurs, nous avons commencé à réfléchir sur le retour du nationalisme dans la conscience historique d’aujourd’hui. Nous sommes partis du Sommet de Vienne en 1993, lorsqu’on a estimé qu’il fallait rompre avec les lectures nationalistes de l’histoire, afin de souligner les influences positives mutuelles entre les pays, les religions et les idées dans le continent européen. De nombreux historiens – à commencer par Jacques Le Goff, Bronislaw Geremek, François Étienne, Robert Stradling, et Elie Barnavi - ont adhéré à cette perspective qui voit dans la mémoire et l’histoire un instrument efficace pour lutter contre la montée des nationalismes et de la xénophobie et pour favoriser la formation d’une « identité » et d’une « citoyenneté » européennes et démocratiques. D’autres ont salué l’avènement d’une histoire post-nationale. Cependant, les recherches de Valérie Rosoux, Marco Antonsich, Pakier Malgorzata et Bo Stråth montrent que cet effort de dénationalisation de l’histoire semble se heurter à un raidissement des récits nationaux et des politiques mémorielles autour de la nation. À cet égard, le séminaire a pu bénéficier de nombreuses interventions extérieures : Maria Teresa Milicia (Université de Padoue) sur le mouvement, Blaise Wilfert Portal (Ens, Paris) sur la tension entre mondialisation et nationalisme dans l’historiographie actuelle, Chiara Becattini (Université de Venise) sur la dénationalisation de la mémoire des camps d’internement en France et en Italie, Roman Krakovsky (Université de Genève), sur les politiques de l’histoire en Europe centrale et orientale.