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Vendredi de 13 h à 17 h les 13 et 20 octobre, 10 et 24 novembre, 8 et 22 décembre 2017, 19 janvier 2018. Cf. salles ci-dessous
Cette enquête vise à écrire une histoire de l'orientalisme par ses pratiques. Nous saisirons l’orientalisme dans son épaisseur sociale et intellectuelle, intime et politique, locale et transnationale. Pour ce faire, nous travaillerons directement à partir de la correspondance inédite (conservée à l'EHESS) de l’arabisant et berbérisant René Basset (1855-1924) qui fut le premier doyen de la faculté des lettres d’Alger. L'objectif de cet atelier est d’étudier la science orientaliste « en train de se faire » – c’est-à-dire sur le terrain, notamment colonial – plutôt qu’à partir de ses seules expressions publiques et publiées. Cette ethnographie de l’archive reposera sur une étroite collaboration entre archivistes, conservateurs de bibliothèque et chercheurs en sciences sociales. Les étudiants seront directement associés à cette recherche collective dont la validation se fera par un travail sur archives et dont l'objectif est, à terme, la parution d'un ouvrage expérimental.
Mots-clés : Administration, Anthropologie et linguistique, Archives, Circulations, Coloniales (études), Écriture, Empire, Enfance, Famille, Histoire, Histoire culturelle, Histoire des sciences et des techniques, Histoire intellectuelle, Intellectuels, Islam, Langues, Orientalisme, Philologie, Post-coloniales (études), Pratiques, Racismes et races, Religieux (sciences sociales du), Savoirs, Sciences, Transnational,
Aires culturelles : Afrique, Arabe (monde), Contemporain (anthropologie du, monde), Europe, France, Maghreb, Méditerranéens (mondes), Musulmans (mondes), Sahara, Sahel, Transméditerranée, Transnational/transfrontières,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : emmanuel.szurek(at)gmail.com
31 juillet 2014, bâtiment « Le France ». Un camion de location arrive des Vosges. Chargé de cartons, il convoie les archives personnelles de l’arabisant René Basset (1855-1924). Fils d’avocat, installé à Alger dès 1880 pour y professer la langue et la littérature arabes et berbères, ce dernier s’imposa bientôt comme une figure dominante de l’orientalisme international. En 1909, il devint le doyen de la nouvelle faculté des lettres d’Alger. Son ascension professionnelle est de fait étroitement liée au volet universitaire de la colonisation française de l’Algérie et du Maghreb. Le don de ses papiers (plusieurs dizaines de milliers de lettres) à l’EHESS a permis de lancer, en 2016-17, un enseignement original, mobilisant historien·ne·s (Marie Bossaert, Claire Fredj, Augustin Jomier, Alain Messaoudi, Aurélie Perrier, Emmanuel Szurek, Blaise Wilfert-Portal), archivistes de l’EHESS (Magali Nié, Noémie Russo) ainsi que le directeur scientifique de la BULAC (Benjamin Guichard). Le traitement du fonds, reconditionné, a d’abord permis de s’initier aux realia de l’archivistique. Puis un échantillon (1903-1907) centré sur le congrès des orientalistes d’Alger (1905), premier du genre à se tenir hors d’Europe – a été déposé sur une plateforme accessible aux étudiant-e-s. Il s’est ensuite agi d’établir un questionnaire : que faire d’une documentation où se mêlent étroitement l’intime et le quotidien d’une bourgeoisie lorraine expatriée à Alger, les pratiques collusives d’une administration scolaire et universitaire pleinement investie dans le projet colonial de la France au Maghreb, l’envergure intellectuelle d’un « maître » dont l’érudition et la réputation impliquent des circulations épistolaires et immatérielles à l’échelle du monde ? Comment ne pas araser, dans notre propre façon de faire de l’histoire, cet entremêlement si prégnant des travaux et des jours, qui laisse mieux que maints ouvrages théoriques appréhender l’ordinaire de l’orientalisme ?
Après une première année de jalonnement, 2017-2018 a permis de structurer l’enquête et le projet éditorial, résolument collectif. Suivant une introduction à la notion d’orientalisme (M. Bossaert, A. Perrier) et au fonds lui-même (A. Jomier, E. Szurek) on s’est intéressé aux outils et au métier d’orientaliste (A. Jomier), à Basset enseignant (V. Pinatel) ou publiant (Z. B. Ertuğrul). L’objectivation de son réseau (N. Moray), en particulier étranger (I. Charbonneau), et la mobilisation de compétences polyglottes (C. Emin) ont retenu notre attention ; on a planché sur les rapports d’obligation dans l’administration coloniale (V. Baudé), sur quelques interactions avec les Algériens (G. Tchuisseu), sur les usages patrimoniaux de Charles de Foucauld (B. Guichard). On a mesuré la division du travail dans le foyer Basset-Jeanmaire (S. Asset) ; l’importance de la maternité et de la mort en bas âge (M. Lolley) ; le rapport des colons à leur santé (É. Paysant), à l’environnement (M. Bernier). L’infrastructure métropolitaine de cet orientalisme colonial nous a aussi retenus : sur les usines à gaz de la famille Jeanmaire (J. Ronsin), belle-famille de René Basset ; sur le transport maritime, ferroviaire, hippomobile (M. Sigalas) ; sur la surface sociale de René Basset à Lunéville (E. Szurek). L’atelier a déjà donné lieu à deux mémoires de Master (S. Asset et M. Stemmelin : cette dernière poursuit en thèse) ; l’objectif est à présent la production d’un volume réunissant des contributions à quatre mains (un enseignant, un étudiant). Le fonds lui-même sera le personnage principal de cette histoire pratique de l’orientalisme : son autorité intellectuelle, politique ; ses conditions sociales et techniques de subsistance ; ses collusions, ses défaillances.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 22 novembre 2017.