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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Identités et conduites lettrées dans la Chine des Song (960-1279) : les formes de l'écriture

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

Lundi de 13 h à 16 h (salle A06_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), les 6 et 20 novembre, 4 et 18 décembre 2017, 8 et 22 janvier, 5 et 19 février 2018

Le séminaire inauguré en 2016 se poursuivra autour de l’œuvre et de la personnalité de Wang Yucheng (954-1001). Après la lecture de textes qui marquaient son ascension, depuis la réussite aux examens jusqu’aux charges occupées à la cour de Taizong, nous aborderons cette année une nouvelle étape de sa carrière, celle de l’exil. Wang quitte la capitale à l’automne 991 pour le Shaanxi où il doit vivre dans le dénuement et une solitude intellectuelle certaine. L’écriture se fait plus personnelle : poésie et rhapsodie, ou correspondance. Nous étudierons cette nouvelle écriture, indissociable des lectures faites en méditant l’expérience de la disgrâce. Nous reprendrons le précédent questionnaire en nous interrogeant plus particulièrement sur la cohérence d’une démarche qui permet au fonctionnaire exilé de conserver sa conduite de gentilhomme lettré, alors que ses idéaux s’éloignent au risque de devenir inaccessibles. Comment conçoit-il alors l’acte d’écriture et sa vocation à transmettre sa culture de l’écrit ?

Aires culturelles : Asie orientale, Chine,

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Asie

Intitulés généraux :

  • Christian Lamouroux- Territoire et savoirs en Chine : la formation de l’État prémoderne
  • Renseignements :

    envoi des dossiers à : Alain Arrault ou Christian Lamouroux, Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine, 54 bd Raspail 75006 Paris ; à Stéphane Feuillas, Université Paris Diderot-Paris 7, UFR Langues et civilisations de l'Asie Orientale (LCAO) - bât. Les Grand Moulins - accès C - 4e étage, case 7009, 16, rue Marguerite Duras, 75013 Paris.

    Direction de travaux d'étudiants :

    pour une inscription en thèse, un projet de recherche écrit sera demandé aux étudiants. Pour une inscription en master, une lettre de motivation sera demandée aux étudiants.

    Réception :

    sur rendez-vous pris auprès du secrétariat du CECMC (Alain Arrault et Christian Lamouroux), tél. : 01 49 54 20 90 ; et du secrétariat du LCAO (Stéphane Feuillas), tél. : 01 57 27 64 08.

    Niveau requis :

    connaissance de base du chinois indispensable.

    Site web : http://cecmc.ehess.fr/index.php?2416

    Site web : http://www.crcao.fr/spip.php?article203

    Adresse(s) électronique(s) de contact : arrault.alain(at)yahoo.com, lamourou(at)ehess.fr, stephane.feuillas(at)univ-paris-diderot.fr

    Compte rendu

    Ce troisième séminaire consacré au parcours du grand lettré de la fin du Xe siècle, l’académicien Wang Yucheng (954-1001), avait pour thème le premier exil qu’il a connu au cours de sa carrière, une période comprise entre octobre 991 et l’été 993. Nous avons d’abord éclairci le contexte de cette disgrâce : chassé de la cour pour avoir voulu respecter les procédures légales de l’enquête sur un fonctionnaire accusé dans une affaire de mœurs, Wang est victime d’une véritable purge qui a pour arrière-plan les vives tensions provoquées par la question de la succession impériale. Wang semble dès lors se replier sur l’écriture. Les poèmes composés dès le départ de la capitale, sur le chemin de l’exil puis dans la préfecture où il est assigné à résidence, Shangzhou (sud-est du Shaanxi actuel), ont été lus pour ce qu’ils traduisent de son état d’esprit mais aussi comme une forme stratégique d’écriture. Les premiers textes, qui traduisent sa désillusion, voire son amertume devant ce qu’il considère comme une injustice, lui permettent de tester la solidité de certaines amitiés, puis ils rapportent simplement et crûment les difficultés matérielles de sa vie quotidienne en espérant parfois une aide, alors que certains autres visent clairement à maintenir une sociabilité lettrée, un réseau capable de l’informer sur les événements marquants de la capitale. En tout état de cause, ils se présentent tous comme une forme de correspondance adressée à des pairs, afin de maintenir son statut et de se rappeler habilement au bon souvenir de ceux qui le lisent. Des premiers textes de l’exil, nous avons également retenu une lettre et un poème. Dans la lettre, Wang cherche adroitement et dans l’urgence du voyage à se concilier l’estime lettrée du préfet de Shangzhou, celui-là même qui avait dû rejoindre ce poste sur sanction, à la suite des investigations conduites par Wang lui-même ! Le poème est une réaction nostalgique à la lecture émue de quelques lignes d’un de ses propres poèmes, composées quelques années auparavant à la demande de l’empereur à l’occasion des examens métropolitains et calligraphiées sur un mur du monastère bouddhiste où il a trouvé refuge à son arrivée. Nous avons ensuite abordé un texte remarquable, véritable œuvre de pensée se présentant comme un commentaire d’un court passage du Zhuangzi que l’empereur Taizong avait choisi pour sélectionner les candidats de l’examen au Palais, une sentence qui avait dérouté les meilleurs. En montrant au souverain qu’il avait eu raison de voir en lui l’un des meilleurs lettrés de l’empire, Wang y déploie une analyse brillante sur le statut ambigu de la parole, « fluctuante et instable », jamais totalement transparente et dont l’origine mystérieuse est comparée à un tube à bascule qui « se relève quand il est vide et s’incline quand il est plein ». Il entretient ainsi sa réputation en attestant sa capacité à réagir savamment aux demandes de l’empereur malgré sa lointaine solitude et son désœuvrement forcé. Maître intransigeant des classiques, Wang démontre là sa connaissance intime de la pensée taoïste avec laquelle il affiche une proximité certaine, surtout dans l’épreuve qu’il traverse. Parallèlement, il choisit de rédiger le texte d’une longue stèle dédiée au souvenir de quatre grandes figures des Han célébrées pour leur engagement éthique et politique, tel que le prônent les confucéens : ces quatre sages intègres, réputés s’être retirés dans les montagnes de Shangzhou, loin du pouvoir mais vigilants en matière de gouvernement de l’empire, sortirent de leur retraite pour contribuer à remettre de l’ordre à la cour en rétablissant l’héritier légitime. On se doute que cette écriture, au-delà de l’hommage, destinée à demeurer pérenne et offerte aux regards de tous, visait aussi à mettre l’accent sur la droiture, le courage et la fidélité de Wang à ses convictions en rappelant dans une allusion à peine voilée la situation de Kaifeng qui avait abouti à son propre exil. Enfin, nous avons repris la lecture de poèmes qui attestent la volonté de l’exilé de s’inscrire dans la vie locale, en s’appropriant un territoire où le passé de l’empire affleure : ces textes permettent de suivre Wang dans ses visites sur des sites célèbres, qui l’invitent à dialoguer avec le passé prestigieux de ces lieux qui ont vu les débuts de l’épopée impériale. Wang est ainsi tenté de rappeler qu’aucun grand destin impérial n’est possible sans dignité lettrée.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 5 septembre 2017.

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