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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Anthropologie politique de la mémoire

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

2e et 4e mardis du mois de 16 h à 19 h (IISMM, salle de réunion, 1er étage, 96 bd Raspail 75006 Paris), du 24 octobre 2017 au 27 mars 2018

Ce séminaire en anthropologie politique de la mémoire vise à explorer les pratiques mémorielles et les usages du passé pour l’action politique, au sens large d’engagement dans la vie publique. Deux thématiques qui soulèvent des questions communes sur les liens histoire/mémoire/identité seront plus particulièrement traitées cette année : les commémorations, les musées et les sites patrimoniaux ; les usages des écrits passés comme sources ou « archives ordinaires » de production des origines. Le séminaire traitera plus spécifiquement des pratiques mémorielles et mémoriales en Afrique, mais des cas d’études pris dans d’autres espaces du monde seront aussi convoqués. On alternera des lectures de textes, communiqués en amont, et la présentation d’études de cas par des intervenants extérieurs venus de différentes disciplines des sciences sociales. Les étudiants seront incités à participer activement.

Dans le premier axe, on portera notre attention sur la question des usages du passé et de la mémoire à partir de la commémoration, du musée et des monuments. Produits de logiques, d’échelles et d’acteurs variés (État, associations, réseaux, communautés, groupes d’intérêt, etc.) ayant des capacité d’action et des objectifs variées, ces politiques ou pratiques commémoratives, muséales et monumentales permettent d’étudier les phénomènes de négociation et de collaboration, mais aussi de résistance ou de confrontation associés à l’écriture de l’histoire et et la production de l’identité. On s’intéressera notamment, pour l’Afrique, à un nouveau nationalisme patrimonial postcolonial qui réinvestit d’anciens lieux ou en crée de nouveaux pour favoriser le sentiment national et faciliter l’entreprise hégémonique de l’État.

Dans le second axe, on s’intéressera aux formes commémoratives et théâtrales de mise en scène des « origines » qui s’inscrivent dans une répétition des narrations qui les ont précédées et qu’elles transforment sans cesse. Dans ce cadre, nous analyserons des contextes dans lesquels des écrits ont été intégrés et interprétés non seulement comme des vecteurs du changement socioculturel, mais aussi comme des sources mémorielles, faisant d’eux des sortes d’archives ordinaires. Nous étudierons ainsi diverses productions textuelles et visuelles – savantes (ethnologiques, sociologiques, historiques, etc.), fictionnelles (littéraires et filmiques), de vulgarisation ou de propagande (coloniale, missionnaire, patrimoniale) – à travers leurs effets de réception et leurs élaborations créatives à des échelles locales et globalisées.

Ce séminaire s'organise en deux parties : une première partie présente et discute des textes choisis sur la « mémoire » (de 16 h à 17 h 30) ; une seconde partie fait intervenir un invité qui présente ses travaux et réflexions (de 17 h 30 à 19 h). Ce programme concerne la seconde partie, à laquelle vous êtes cordialement conviés.

24 octobre 2017 : Jérôme Souty (Université de Rio de Janeiro) : « Usages du passé et pratiques mémorielles dans plusieurs espaces afrobrésiliens à Rio de Janeiro (candomblés, quilombos, vestiges de la traite) »

14 novembre 2017 : Raphaël Rousseleau (Université de Lausanne) : « Politique de l’histoire mythique : autour du dieu Jagannath (Odisha, Inde) »

28 novembre 2017 : Nora Greani (Université de Nice) : « Art officiel et mémoire(s) de la colonisation en République du Congo »

En 2006, la dépouille de Pierre Savorgnan de Brazza, qui permit à la France de prendre possession du territoire congolais grâce à un traité de paix signé en 1880 avec le roi Makoko 1er, est transférée d’Algérie à Brazzaville et ré-inhumée dans un imposant mémorial revêtu de marbre. La décoration du rez-de-chaussée est confiée à un collectif de peintres, membres d’une célèbre institution culturelle locale, l’Ecole de peinture de Poto-Poto. Ceux-ci réalisent une vaste fresque composée de différents « morceaux choisis » de l’histoire du contact de l'explorateur avec la population locale. Edifié au bord du fleuve Congo, la première pierre de ce mausolée avait été posée en février 2005 en présence des présidents congolais Denis Sassou N’Guesso, gabonais Omar Bongo et français Jacques Chirac. Son inauguration s’inscrit dans un contexte de vives polémiques concernant les « bienfaits » de la colonisation française et la réhabilitation de la mémoire du premier colonisateur. 
À cinq minutes à pied dans le centre-ville, une autre fresque historique avait été réalisée au début des années 70, par quatre peintres congolais supervisés par un artiste italien. Il s’agit de la Fresque de l’Afrique qui retrace sur des carreaux de céramique d’autres « morceaux choisis » de l’histoire nationale, depuis la période précoloniale jusqu’à la mise en place d’une République populaire d’inspiration marxiste-léniniste. Astucieusement insérée dans l'accès d'un marché, cette fresque était intimement liée à la vie quotidienne des Congolais qui, en la franchissant, jouissaient du décor élaboré par les peintres (et donc par le gouvernement) à leur intention.
Au sein de ces deux fresques, il est remarquable de trouver une même scène réalisée à près de quarante ans d’intervalle et traitée par les deux collectifs de peintres de manière quasi identique. Elle représente l’épisode du pacte entre Savorgnan de Brazza et Makoko, à partir d’une gravure de l’époque coloniale. Bien qu’elles réactivent la même archive, le message politique de ces oeuvres n'en demeure pas moins puissamment antagoniste : dans un cas, le pacte semble fondé sur un échange équitable et est acclamé par le peuple, dans l'autre il est un véritable marché de dupes. Quelle est l’évolution du rapport à la colonisation au cours du temps ? De quels imaginaires ces deux oeuvres ont-elles été investies localement ? Telles sont les questions auxquelles nous proposons de réfléchir, sur la base d’une analyse iconographique et du recueil de témoignages dans le cadre de recherches de terrain.

12 décembre 2017 :

De 16 h à 17 h 30 : Patrick Garcia (Université de Cergy Pontoise) - "Les Présidents de la Vème République et l’histoire"

Résumé : Tous les présidents de la Ve république ne se sont pas livrés avec le même enthousiasme et le même goût à la convocation de l'histoire. Mais au-delà de cette disparité des hommes et des temps, l’histoire qu’énoncent les présidents – qu’il faut distinguer de la relation intime que chacun d’eux entretient à l’histoire – présente une unité. Tous ces discours sont marqués par un régime d’historicité dans lequel le futur escompté construit le sens du présent et du passé. Il s'agit ici de confronter les discours et gestes présidentiels et l’hypothèse présentiste en privilégiant les sources littéraires pour interroger la modification du rapport à l’historicité.
Biographie : Patrick Garcia est historien, professeur des universités à l'Université Cergy-Pontoise et chercheur associé permanent à l’Institut d’histoire du temps présent. Il enseigne aussi à l'Institut des sciences politiques de Paris. Il est responsable du programme ANR Histinéraires ("La fabrique de l'histoire telle qu'elle se raconte"). Il achève un ouvrage sur les présidents de la République française et l'histoire à paraître chez Gallimard.

De 17 h à 19 h : Shamil Jeppie (University of Cape Town, South Africa) - "Collecting in the Sahel: Timbuktu and beyond"

Résumé : The relatively recent and ongoing attention to manuscript libraries in Timbuktu raises questions about how these institutions were created. What are their histories? Is it possible to reconstruct how libraries were made, how collections were formed over time? What logics informed the gathering of books and were they only books that were collected? This seminar will explore the biographies and collectors and collections in Timbuktu as well as elsewhere in the Sahel.
 
Biographie : Currently teaching at the University of Cape Town’s History Department. Formerly Director of the Institute for Humanities in Africa (Huma) at the same university. Also founder of the Tombouctou Manuscripts Project at the University of Cape Town. Author and editor of various studies on Timbuktu and on South African social history including The Meanings of Timbuktu (2008).

9 janvier 2018 : Sabina Loriga (EHESS) : « Le temps du trauma in Mrs. Dalloway de Virginia Wolf et Austerlitz de W. G. Sebald »

Vous pouvez lire un de ses textes en ligne sur la notion de trauma, utile pour cette intervention, au lien suivant : https://www.politika.io/fr/notice/du-trauma-historique

 

23 janvier 2018 : Arnauld Chandivert (Université Paul Valéry, Montpellier) : « La tentation des origines : l’histoire "comme les autres" de l’ethnologie de la France »

13 mars 2018 : Felicity Bodenstein (Technische Universität Berlin) : « Les objets de la cour royale de Benin City : lieux de mémoire, lieux de l’absence »

27 mars 2018 : Julie Garnier (Université de Tours) et Anaïs Leblon (Université Paris 8) « Au  fondement d’une revendication patrimoniale : entre militantisme culturel, développement territorial et migrations. L'exemple d’un écomusée peul dans la région de Matam (Sénégal) »

Aires culturelles : Afrique,

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie

Intitulés généraux :

  • Marie-Aude Fouéré- Anthropologie des pratiques non savantes de l'archive en Afrique
  • Renseignements :

    par courriel.

    Direction de travaux d'étudiants :

    Marie-Aude Fouéré : master uniquement : (marie-aude.fouere(at)ehess.fr) ; Gaetano Ciarcia : master et doctorat (ciarcia.gaetano(at)wanadoo.fr).

    Réception :

    sur rendez-vous par courriel.

    Niveau requis :

    master, doctorants, chercheurs.

    Adresse(s) électronique(s) de contact : marie-aude.fouere(at)ehess.fr

    Compte rendu

    Mon enseignement principal, « Anthropologie politique de la mémoire : acteurs, artefacts, archives », organisé avec Gaetano Ciarcia et Martin Mourre, combine études de textes et interventions extérieures. Le format adopté favorise une approche critique d’écrits traitant de l’objet mémoire, appuyé par des commentaires de texte et des discussions interactives, et la confrontation avec des travaux pointus de chercheurs invités. Les textes sélectionnés sont aussi bien des fondamentaux (Halbwachs, Assman, Nora, etc.) que des articles traitant d’une thématique plus ciblée mais qui entrent en dialogue avec la présentation de l’invité. Le séminaire a permis de revenir sur les concepts de « lieux de mémoire » et d’« abus de mémoire », de présenter la démarche de la mnéno-histoire, d’explorer les rapports entre histoire et mémoire ou mémoire et patrimoine, et de traiter des acteurs impliqués dans les pratiques mémorielles et les usages du passé. Les intervenants extérieurs ont abordé les thèmes de la patrimonialisation de l’esclavage à Rio (Jérôme Souty), de l’histoire mythique en Inde (Raphaël Rousseleau), des archives de Tombouctou (Shamil Jeppie) et de l’ethnologie française (Arnauld Chandivert), de l’art d’État en Afrique (Nora Greani), des usages de la notion de trauma (Sabina Loriga) ou encore des collections muséales coloniales du Bénin (Felicity Bodenstein) et d’un écomusée au Sénégal (Julie Garnier et Anaïs Leblon).

    Publications

    • Avec W. C. Bissell, Social Memory, Silenced Voices, and Political Struggle : Remembering the Revolution in Zanzibar, Dar es Salaam, Mkuki na Nyota, 2018.
    • « Tanzania’s 2015 elections : the success of political hegemony », Journal of Eastern African Studies, vol. 12, n° 1, 2018.
    • Avec A. Walker et N. Beckmann, « Traduction de “Voyages en Afrique orientale des années 1859 à 1865” de Von der Decken », Études Océan Indien, revue de l’INaLCO, Paris, n° 53, 2018, p. 349-396.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 22 janvier 2018.

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