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Vendredi de 9 h à 13 h (105 bd Raspail 75006 Paris), cf. calendrier des séances et salles ci-dessous
Cette année, le séminaire explorera la manière dont des expériences de l’anticapitalisme se dotent en savoirs efficients (opérants) quand elles sont plus volontiers pensées dans une logique immanente du devenir (Deleuze et Guattari) que dans celle du telos de l’histoire. L’une des manières de constituer de tels savoirs peut consister en la documentation des expériences, l’organisation de leur circulation et de leur transmission. Quels services les expériences d’aujourd’hui requièrent-elles de celles qui ont eu lieu ? De quoi est fait l’acte de constituer une expérience en ressource, de la proposer ou de la remettre au travail ? Quelles en sont les modalités, les conditions et les effets ? Comment les expériences d’aujourd’hui équipent-elles les moyens et les fins d’un « faut le faire » (Derrida) ? À l’instar des jeteurs de sonde (Pignarre et Stengers), mobilisant et énonçant au plus près de l’action le savoir d’expériences déjà faites, il s’agit d’interroger la nécessité d’un faire et d’expérimenter sa puissance dès lors qu’il ne serait pas contraint de se déployer sur la carte stratégique déjà dressée d’un horizon anticapitaliste.
Vendredi 9 février 2018 : Questions de démocratie
Les débats sur la démocratie sans cesse ont traversé les tentatives de résistance au capitalisme et de son dépassement. La démocratie peut être pensée comme la forme d’une rétivité, de l’arrachement du monopole oligarchique de la vie publique ou comme le principe même du politique dans l’effectuation d’un principe égalitaire (Rancière). À l’opposé sa critique peut être radicale lorsqu’elle est identifiée à la raison marchande (Badiou) ou un mode de gouvernement (Brossat), le mot est parfois identifié comme un signifiant vide (Brown). Sur un autre plan, ce sont les rapports entre société instituante et société instituée (Castoriadis), entre événement et régime politique qui sont en jeu.
Cette séance se propose tout d'abord d’interroger, avec le film de Mariana Otero, L’Assemblée (2017), les modalités d’une réappropriation de l’espace public se revendiquant de la démocratie et de l’horizontalité et, dans un deuxième temps, de discuter, avec Ali Kebir, les relations entre démocratie, capitalisme et anticapitalisme.
Cette séance sera commune avec le séminaire Anthropologie des processus de citoyenneté de Catherine Neveu et Maxime Vanhoenacker.
Vendredi 9 mars 2018 : Penser avec Daniel Bensaïd aujourd’hui ?
Daniel Bensaïd fût un acteur majeur de l’extrême-gauche en France de 1968 à 2010. Surtout peut-être, il tenta dans les années 80 – « époque thermidorienne », écrivait-il – d’élaborer une nouvelle théorie critique, tentant de hisser le/un marxisme à la hauteur des temps, le confrontant et l’alimentant à d’autres traditions politiques (Benjamin, Blanqui, Bourdieu mais aussi « les nouvelles sociologies »…) pour penser l’époque, prenant ses distances avec une conception positiviste et téléologique du temps pour faire place à l’incertain et à l’irruption de l’événement dans l’histoire, rompant avec une lecture sociologisante des mondes sociaux pour les saisir en tant qu’ils se constituent dans des relations d’opposition. Moins universitaire que « penseur d’actes », théoricien et militant, sa pensée est ancrée dans les questions stratégiques de l’époque et certains entendent faire que sa voix ne se taise pas. Que signifierait alors hériter de/entendre Daniel Bensaïd, penser avec lui, lui qui s’est tant livré à cet exercice de penser avec d’autres ?
avec les participations de :
Une évidence largement répandue veut que démocratie et capitalisme soient deux choses opposées. Celui-ci serait responsable d’une dé-démocratisation affectant les États-Nation et les subjectivités, alors que celle-là serait notre unique rempart et notre seul espoir. Mais, cette évidence est à interroger. D’une part, il n’est pas certain que le capitalisme soit entièrement étranger à la démocratie car, au niveau de la mise au travail, il cherche aujourd’hui à renouveler ses outils en faisant de divers dispositifs démocratiques (holacratie, management participatif, etc.) de véritables techniques de gouvernement managérial. D’autre part, une généalogie de la démocratie tend à montrer que, pour une bonne part, la démocratisation de notre culture politique a consisté en une domestication des pratiques dont un journaliste républicain du XIXe siècle, ardent défenseur du droit de réunion, résume parfaitement : « on les laissera tout dire dans leurs réunions, mais on ne les laissera rien faire dans la rue ». Je voudrais ainsi montrer qu’une politique véritablement anticapitaliste ne peut se fonder sur une adhésion naïve à l’emblème démocratique.
Ali Kebir est doctorant en philosophie politique à l'Université Rennes I-CAPHI. Il a récemment publié Sortir de la démocratie (Éditions L'Harmattan, 2015).
Vendredi 4 mai : Du Chiapas au Rojava, expériences d’autonomie
On a comparé l’expérience du Rojava, soit un Kurdistan libertaire, révélé à l’opinion occidentale en 2014, à l’expérience des communautés autonomes du Chiapas, nées de l’insurrection zapatiste du 1er janvier 1994. Toutes deux ont en commun d’expérimenter à leur manière des alternatives à l’État-nation, fondées sur la démocratie directe, l’auto-organisation, le refus du capitalisme, l’écologie, l’égalité entre femmes et hommes. Cette séance sera l’occasion de mettre l’accent particulièrement, d’une part, sur le lien entre rituel et politique, i.e. entre le temps traditionnel et le temps révolutionnaire, d'autre part, sur des possibilités d’une émancipation micro-politique par l’écologie sociale.
Avec la participation de :
Les peuples originaires développent, dans leurs pratiques du rituel, des formes de politique et de communication qui leur permettent de se reconnaître dans un territoire commun avec des histoires partagées à travers le temps. A cet effet, je vais essayer de cerner les formes du politique impliquées dans un rituel maya tsotsil nommé k'in tajimol (les jeux du soleil). Ce rituel, qui fait la jonction entre la fin et le début de l'année dans le calendrier tsotsil, donne à voir un « moi collectif » incarné par les autorités de la fête liés aux ancêtres notamment à une mère ancienne (autorité principale des morts). Les morts (les ancêtres) sont une référence indispensable pour la manière d’agir des vivants dans la reconfiguration et le type de relations établies entre la tradition et l'autonomie. Elles sont associées à des propositions inédites quant à la pratique politique du "Bon Gouvernement" chez les peuples indiens du Mexique, qui construisent également de nouvelles relations entre indiens et non-indiens.
Rocio Noemi Martinez présentera à cette occasion des extraits de son film K'IN TAJIMOL, un carnaval maya-tsotsil à la la commune autonome zapatiste de San Pedro Polho (CD Film, 2014)
Rocio Noemi Martinez est historienne de l'art et anthropologue, enseignante à la FCS/Université Autonome de Chiapas (UNACH) et membre du seminaire Wallerstein, Université de la Terre, SCLC.
La force de l’« énonciation collective » de la nouvelle subjectivité kurde change les codes de la lecture de l’État-nation et ainsi la mécanisation raciale de la société majeure au Moyen-Orient. Il s’agira de saisir l’émergence d’une micropolitique de société sans État qui alimente l’espace de l’insurrection urbaine et les rituels d’une résistance hétérogène, qui produisent une réflexion transgressive sur la modernité de la culture dominante, et défendent une position subalterne émancipatoire/postcoloniale face aux dispositifs sécuritaires du macro-pouvoir. Nous proposons de problématiser l’expérience du Mouvement politique kurde du Bakur (Kurdistan du Nord en Turquie) et les expériences politiques et culturelles de municipalités autogérées et d’écologie sociale dans l’espace kurde du Rojava (appelé auparavant « Petit Kurdistan »). Perçue comme une anomalie, la subalternité kurde traduit une discontinuité micropolitique, un motif d’altérité envers la société majeure, et incarne une forme de subversion maudite de la contre-culture à l’encontre de la souveraineté de la culture coloniale. La dynamique de l’écologie sociale et du confédéralisme démocratique rejette la domination coloniale de l’Etat-nation, s’appuie sur une définition de l’éco-géographie (Rojava et Bakur) en tant que « géographie décolonisée » dans le cadre de la révolte autogérée, de l’insurrection urbaine kurde et mobilise ainsi toutes sortes d’acteurs-réseaux au cœur de la question politique et culturelle. Avec ses controverses et ses insurrections de micro-identités, celles des femmes, des LGBTI, des enfants, des acteurs de l’écologie sociale, l’espace kurde se configure à la manière d’une sorte de « révolution moléculaire ».
Engin Sustam est maître de conférences invité à l’Université de Paris 8 St. Denis, lauréat du programme PAUSE et chargé de cours à l’Institut de la Citoyenneté de l’Université de Genève. Il a récemment publié Art et subalternité kurde. L’émergence d’un espace de production subjective et créative entre violence et résistance en Turquie (L’harmattan, 2016).
Intitulés généraux :
Centre : IIAC - Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain
Adresse(s) électronique(s) de contact : noel.barbe(at)cnrs.fr, Jean-Louis.Tornatore(at)u-bourgogne.fr
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 2 mai 2018.