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Vendredi de 10 h à 12 h (Campus Jourdan, 48 bd Jourdan 75014 Paris), les 3 et 10 novembre, 1er et 15 décembre 2017, 19 janvier, 1er et 16 février, 16 et 30 mars, 13 avril, 11 et 25 mai 2018
Si la sociologie de l’engagement et des mobilisations a fait preuve depuis plus de vingt ans d’un dynamisme incontestable, elle n’est pas à l’abri de formes de routinisation. Il n’est pas certain que l’engouement pour l’évocation des résistances, la célébration de l’agency et des subjectivations soit tout à fait une solution à ce problème, en particulier quand elle se fait sur un mode subjectiviste et/ou populiste et qu’elle oublie ce que les formes du dissentiment doivent à ce qui les contraint. Or la contrainte ne renvoie pas seulement à l’État et à ses redéploiements (et par exemple à la nécessité de faire le point sur la sociologie des violences dans l’activité des forces de l’ordre) : l’activité répressive et de conformation des acteurs économiques semble, aujourd’hui, paradoxalement négligée dans la littérature sur les mouvements sociaux et la protestation. L’envisager ne suppose pas seulement de revenir à la sociologie des luttes dans le monde du travail, au Nord comme au Sud.
Qu’en est-il de la capacité d’acteurs économiques puissants à réduire au silence qui les conteste, par le droit et les sanctions financières en particulier (cf. les lanceurs d’alerte) ou par des façons de laisser faire ou d’orienter l’ordre social et les inégalités à leur profit ? Que fait l’économie aux mouvements sociaux, sur le plan du crédit, de la propriété, ou d’un ordre social où devoir passer de plus en plus de temps à se protéger des autres (plus pauvres et menaçants), et à avoir les ressources de le faire, sera autant de temps passé à ne pas militer ou protester ? Qu’en est-il enfin de la production de l’indifférence à l’égard du malheur des autres – bref, comment saisir empiriquement ce qu’ordre social et économique (et pas seulement l’État), singulièrement dans les déclinaisons récentes du capitalisme, font à la répression et aux mouvements sociaux ?
Un autre aspect de ce séminaire tentera de combiner la question du gouvernement par les indicateurs à celle des conformismes ou des refus en pratique. Qu’en est-il de la production de l’obéissance en actes, à défaut de consentement dans les âmes, et de la sanction, du point de vue des institutions ? Nombre de formes du gouvernement semblent aujourd’hui fonctionner sur le registre du « je ne suis pas dupe » de la part des gouvernés. Cette question du consentement en pratique, quand bien même on se persuaderait de garder son quant à soi, mérite d’être investiguée pour analyser comment l’on peut refuser en théorie un dispositif de gouvernement, et en même temps le laisser en pratique orienter ses comportements (on peut être critique du classement de Shangaï et s’en prévaloir pour son université, s’opposer aux GAFA et stocker ses données sur quelque serveur états-unien soumis au Patriot act, critiquer le fichage mais passer plus rapidement les frontières avec le système Paraphe, etc).
Un dernier volet de ce séminaire porte sur les effets biographiques et en termes de socialisation de la répression, sous deux angles qui sont ceux de l’expérience de la violence d’une part (torture et autres violences, dans divers contextes politiques) et ses effets sur les trajectoires, et ceux du coût à terme de certains engagements et de leur sanction : car penser l’engagement, ce n’est pas seulement envisager ses rétributions mais aussi ses coûts.
Le propos du séminaire serait au final de réfléchir aux pistes empiriques et théoriques qu’il est encore possible d’ouvrir à propos des formes de la protestation et du non consentement, en tentant d’y intégrer de façon renouvelée l’activité des autorités et des acteurs économiques, connectant le « faire obéir », l’obtention de la conformité en pratique, à l’obéissance ou son refus.
La validation repose sur un compte-rendu de recherche et dépend des établissements d’inscription (ENS, EHESS, Paris 1-Panthéon-Sorbonne...).
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : johanna.simeant(at)ens.fr
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 19 juillet 2017.