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Lundi de 11 h à 13 h (salle 2, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 13 novembre 2017 au 11 juin 2018. Cf. calendrier des séances ci-dessous
Nous poursuivrons cette année l’étude des « contes merveilleux » par la confrontation croisée de l’oral et de l’écrit, au travers des modalités de la production et de la réception. Toujours à partir du corpus de référence des contes de Perrault et des Grimm, nous pourrons notamment examiner les situations de contage, l’onomastique, la stylistique, l’analogie avec la dialectique musique savante/musique populaire. On réunira les informations éparses concernant les conteurs et conteuses traditionnels transmises par les collecteurs de la fin du XIXe siècle pour tenter de saisir les processus cognitifs de l’oralité. On poursuivra la confrontation entre textes d’oralité seconde et textes écrits permettant de faire apparaître les exigences des uns et des autres. Nous interrogerons des conteurs contemporains et leurs expériences de contage. Nous pourrons ainsi aborder les questions suivantes : variabilité (à travers le temps et l’espace) et fixité textuelle, linéarité et non-linéarité, manichéisme et ambivalence, etc.
13 novembre 2017 : Introduction / Processus de mémorisation et de remémoration des contes de transmission orale. Le cas d’un conteur canadien (N. Belmont)
27 novembre 2017 : Fausse linéarité des contes-de-Perrault (P.E. Moog)
11 décembre 2017 : « Les Fées », entre la tradition et Perrault (N. Belmont, P.E. Moog)
8 janvier 2018 : Processus « cognitifs » chez une conteuse de tradition orale, Nannette Lévesque, XIXe siècle (N. Belmont)
22 janvier 2018 : La notion de recueil des contes-de-Perrault (P.E. Moog)
29 janvier 2018 : « Le Petit Poucet » entre oral et écrit (N. Belmont, P.E. Moog)
12 février 2018 : Variabilité & fixité des contes (N. Belmont, P.E. Moog)
12 mars 2018 : Manichéisme & ambivalence (N. Belmont, P.E. Moog)
26 mars 2018 : « Riquet à la houppe » : entre une tradition orale incertaine et l’écrit (N. Belmont, P.E. Moog)
9 avril 2018 : Onomastique des contes (N. Belmont, P.E. Moog)
14 mai 2018 : Passage à l’écrit, passage à l’image (N. Belmont, P.E. Moog)
28 mai 2018 : « La Belle au bois dormant » (N. Belmont, P.E. Moog)
11 juin 2018 : Synthèses & analogie musicale (N. Belmont, P.E. Moog)
Mots-clés : Anthropologie sociale, Imaginaire, Littérature orale, Poétique,
Aires culturelles : Europe,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Réception : le jeudi de 14 à 17 heures (sur rendez-vous)
Niveau requis : recherches en cours dans le domaine
Adresse(s) électronique(s) de contact : belmont(at)ehess.fr, nicole.belmont(at)college-de-france.fr
Nous avons poursuivi la confrontation entamée l’an dernier des deux réalisations possibles de ce genre littéraire, en premier lieu de façon pragmatique, opposant frontalement un certain nombre de récits : les contes merveilleux repérables dans le recueil de Charles Perrault et les récits de transmission orale. Ont été mis en regard : Les Fées, Le Petit Poucet, Riquet à la Houppe et La Belle au bois dormant (titres de Perrault). Nous nous sommes heurtés, de manière prévisible, à cette difficulté qui révèle un premier écart notable entre eux : la diversité des versions orales, l’unicité du texte écrit. Cette diversité de l’oralité s’accompagne cependant de la possibilité d’identifier chez Perrault des récits comme appartenant à un conte-type (typologie ATU), devenus de ce fait en France archétypes de chacun de ces récits. Nicole Belmont relève cependant le cas de Riquet à la Houppe dont on a contesté l’origine orale, cependant présente pour elle, mais de façon cryptée, à travers le conte-type très répandu en France et en Europe : « Le Nom de l’aide » (ATU 500). Perrault y puise des éléments narratifs mais les insère dans un récit apparemment différent pour reconstruire une appréhension très différente du destin féminin.
Cette approche « pragmatique » en a soutenu une autre plus théorique. Nicole Belmont s’est intéressée à la question de la mémorisation et de la remémoration des récits par les conteurs grâce à une étude relatant le retour en mémoire d’un récit très complexe chez un excellent conteur canadien (Vivian Labrie, « Le sabre de lumière et de vertu de sagesse. Anatomie d’une remémoration », Canadian Folklore Canadien, n° 1-2, 1979, p. 37-70). On s’aperçoit que le travail mémoriel restitue peu à peu des mises en scène et des images mentales d’abord fragmentaires puis s’enchaînant peu à peu en narration. Le début du récit est l’une des parties les plus tardives à réapparaître, marquant la différence avec la mémorisation « par cœur », impossible pour des récits aussi longs. Au travers du répertoire d’une conteuse, recueilli dans sa totalité à la fin du XIXe siècle (M.-L. Tenèze et G. Delarue, Nanette Lévesque, conteuse et chanteuse des sources de la Loire, Paris, Gallimard, 2000, Le langage des contes) et d’autres témoignages plus épars, il a été possible de dégager divers processus cognitifs du contage, dont Nicole Belmont a tenté de présenter quelques-uns.
P.-E. Moog a interrogé une série de lieux communs génériques sur les contes, transfigurés par le travail littéraire de Perrault. Le fort ancrage spatio-temporel de ses récits s’oppose à l’idée de contes universels. Ses irrégularités au principe de l’issue heureuse transforment l’anti-conte en conte-fable. Échappant au manichéisme, l’ambivalence de ses personnages repositionne la notion de héros en incitant à considérer la relation dialectique entre les protagonistes comme objet réel du récit. Contre l’idée de personnages « plats » (Max Lüthi), leur caractérisation psychologique fait valoir, au-delà de la seule ruse, leur maîtrise émotionnelle. Par ailleurs nous avons examiné, en guise d’exemple de la finesse de la caractérisation, l’âge du Petit Chaperon rouge contrasté à celui de Rotkäppchen (Grimm). Loin de l’invraisemblance généralisée, le merveilleux occupe une place restreinte mais néanmoins essentielle dans son économie narrative, comme procédé littéraire de diversion et de densification textuelle. Son onomastique énigmatique repose à la fois sur la construction des noms et sur leurs usages parcimonieux combinés avec d’autres appellatifs. L’apparente linéarité temporelle des récits de Perrault est trompée par l’abondance des ellipses et les jeux sur le niveau de précision des durées temporelles, comme nous l’avons vu avec La Belle au bois dormant. Chaque texte, plutôt qu’un donné singulier et autonome, s’inscrit dans une série de deux recueils (contes en vers, contes en prose), ce qui produit des effets co-textuels qu’il est nécessaire de prendre en compte. Au-delà des textes, le passage de l’écrit à l’album illustré s’offre comme possible révélateur de l’implicite textuel (présentation avec Ghislaine Chagrot). Enfin, des analogies entre les genres narratifs oraux et littéraires avec les arts picturaux (art classique, art naïf, etc.) et musicaux (musique savante, musique populaire, jazz, etc.) ont été explorées.
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 23 janvier 2018.