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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

La rationalité comme enjeu de luttes

  • Mehdi Arfaoui, doctorant contractuel à l'EHESS ( IMM, IMM-CEMS )
  • Fanny Charrasse, doctorante contractuelle à l'EHESS ( IMM, IMM-LIER )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

  • Gautier Mariage, doctorant contractuel à l'EHESS ( IMM, IMM-LIER )

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

Vendredi de 15 h à 17 h (salle AS1_23, 54 bd Raspail 75006 Paris), le 2 novembre 2017 ; puis 4e vendredi du mois de 15 h à 17 h (salle A06_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 24 novembre 2017 au 22 juin 2018. La séance du 25 mai est reportée au 1er juin (de 15 h à 17 h, salle AS1_23, 54 bd Raspail 75006 Paris)

Cet atelier se donne pour objectif de constituer un collectif de chercheurs et de rédiger un travail scientifique sur la rationalité en tant qu’enjeu de luttes entre groupes sociaux. Les diverses séances auxquelles il donnera lieu en constitueront la base empirique et théorique. Pour se donner les moyens de ses ambitions, cet atelier se veut avant tout un espace de discussion. Les participants y seront invités à présenter leurs données de terrain afin qu’elles soient discutées et analysées collectivement.

En partant de la partition du monde entre le « cru et le su » de nombreux anthropologues ont cherché à étudier les croyances des autres. Opposant la ligne droite à suivre (soit la rationalité) à la ligne courbe que certaines personnes empruntent par erreur (soit l’irrationalité), leurs études cherchent à expliquer les raisons poussant certains acteurs sur la voie de l’irrationalité, et trouvent la plupart du temps une explication à ce fourvoie.

Au lieu de prétendre savoir tandis que d’autres croiraient savoir, et au lieu d’étudier les causes de la croyance de ces autres sans chercher à comprendre ce qui nous pousse, nous, à croire que les autres croient, nous proposons d’adopter une position agnostique : soit de ne pas invoquer le « choix rationnel » d’un acteur, mais d’opter pour une définition non réductionniste de la rationalité. Une telle approche nous amène à restituer le fondement pratique de toute « croyance », et le caractère rationnel des actions que certaines personnes considèrent « irrationnelles ». Cela ne revient pas à affirmer que toutes les « croyances » se valent, mais nous permet d’observer, par une position symétrique, les luttes pour la domination d’une forme de rationalité sur d’autres. Soient les processus d’imputation d’irrationalité (qui dénonce une pratique comme irrationnelle et parvient à la proscrire en tant que telle) et de rationalisation (comment certains acteurs, grâce à des dispositifs spécifiques, réussissent à imposer leur définition de la rationalité).

Intitulés généraux :

Centre : IMM - Institut Marcel-Mauss

Renseignements :

par courriel.

Niveau requis :

master 2.

Adresse(s) électronique(s) de contact : fannycharrasse(at)hotmail.fr, gautier.mariage(at)ens-cachan.fr, mehdi.arfaoui(at)ehess.fr

Compte rendu

Compte-rendu

Séminaire d’écriture - La rationalité comme enjeu de luttes

Organisateurs

- Fanny Charrasse (LIER/IMM) – fannycharrasse@hotmail.fr

- Gautier Mariage (LIER/IMM) – gautier.mariage@ens-cachan.fr

- Mehdi Arfaoui (CEMS/IMM) – mehdi.arfaoui@ehess.fr

 

L’objectif de cet atelier était de constituer un collectif de chercheurs et de rédiger un travail scientifique sur la rationalité en tant qu’enjeu de luttes entre groupes sociaux. Pour se donner les moyens de ses ambitions, cet atelier a été pensé, avant tout comme un espace de discussion. Et les participant.e.s qui y ont participé  ont donc été invité.e.s à présenter leurs données de terrain afin qu’elles soient discutées et analysées collectivement et qu’elles constituent une base empirique et théorique.

Question de départ :

En partant de la partition du monde entre le « cru » et le « su » de nombreux anthropologues ont cherché à étudier les croyances des autres. Opposant la ligne droite à suivre (soit la rationalité) à la ligne courbe que certaines personnes empruntent par erreur (soit l’irrationalité), leurs études cherchaient à expliquer les raisons poussant certains acteurs sur la voie de l’irrationalité, et donc à  élucider ce « fourvoiement ».

Nous avons choisi de prendre le contre-pied de cette approche. C'est-à-dire qu’au lieu de prétendre savoir tandis que d’autres croiraient savoir, et au lieu d’étudier les causes de la croyance de ces autres sans chercher à comprendre ce qui nous pousse, nous, à croire que les autres croient, nous avons proposé d’adopter une position agnostique consistant à ne pas invoquer le « choix rationnel » d’un acteur, et donc à opter pour une définition non réductionniste de la rationalité. Une telle approche nous a mené à restituer le fondement pratique de toute « croyance », et le caractère rationnel des actions que certaines personnes considèrent « irrationnelles ». Il ne s’agissait pas d’affirmer, par-là, que toutes les « croyances » se valaient, mais d’observer, par une position symétrique, les luttes pour la domination d’une forme de rationalité sur d’autres. Soient les processus d’imputation d’irrationalité (qui dénoncent une pratique comme irrationnelle et parviennent à la proscrire en tant que telle) et de rationalisation (comment certains acteurs, grâce à des dispositifs spécifiques, réussissent à imposer leur définition de la rationalité). Nous avons ainsi mené cette restitution à travers l’observation d’une multiplicité d’objets et de terrains d’enquête.  Et avons notamment observé les croyances qui émergent de la rationalité économique et comptable, celles qui dominent grâce aux dispositifs démocratiques, scientifiques et juridiques, celles dominées en tant que « folkloriques » ou « traditionnelles », ou encore celles cherchant aujourd'hui à s’imposer, telles les parasciences.

Contenu des séances :

  • Séance 1 :
    • Introduction : Rappel du positionnement méthodologique et épistémologique de l’atelier par Mehdi Arfaoui et Gautier Mariage.
    • Exposé de Fanny Charrasse sur les processus rationalisation et d’irrationalisation à partir de trois auteurs de l’anthropologie classique. Qu’est-ce qui se joue à la frontière entre croyance et savoir ?
  • Séance 2 :
    • Exposé de Mehdi Arfaoui sur la question de la rationalité dans la science économique. Analyse à partir du traitement historique de la rationalité des acteurs par les économistes, et les disputes qui accompagnent ce traitement. 
  • Séance 3 :
    • Exposé de Gautier Mariage sur la question de la rationalité des acteurs en sociologie et leurs catégories d’action à partir d’un corpus de textes. Dans quelle mesure la rationalité est-elle devenue un outil de comparaison ?
  • Séance 4 :
    • Travail à partir de cas empiriques issus des travaux de thèses des participant.e.s
  • Séance 5 :
    • Travail à partir de cas empiriques issus des travaux de thèses des participant.e.s
  • Séance 6 :
    • Réflexion sur l’avenir de l’atelier et sa traduction dans un article.

Développements notables :

Résolution du problème de descriptibilité : Comment observer la rationalité lorsque les acteurs ne s’y réfèrent pas, lorsqu’elle n’est pas explicitement mentionnée – et ne fait pas l’objet de conflits ? Comment ne pas être amené à « voir de la rationalité partout » ? En effet, prendre les acteurs au sérieux suppose de ne pas remettre en cause le caractère rationnel de leur pratique. Après discussions, nous avons conclu qu’il valait mieux partir des conflits autour de la rationalité : observer comment, quand, pourquoi les pratiques de certains acteurs sont critiquées comme étant irrationnelles ou peu rationnelles.

Résolution du problème de conceptualisation : Entre raison / rationalité / rationalisation : pourquoi choisir le terme « rationalité » ?  Ce problème se pose notamment du fait de notre ambition comparative. Comparer six cas empiriques relativement différents nous a conduit à user des concepts « lâches » : nous avons notamment parlé de « confrontation de mondes », « phagocytage », « intégration de la critique ». Il convient de repartir des cas empiriques pour réajuster ces concepts.

Résolution du problème de comparabilité : Comment comparer nos cas alors qu’ils paraissent différents de prime abord ? Est-il bien question de « rationalité » à chaque fois ? Nous proposons de répartir les cas empiriques en différents groupes. Deux groupes semblent se distinguer :

  • Groupe 1 : Interne aux formes de rationalité – Comment les acteurs qualifient-ils ce qu’est la bonne/vraie rationalité ? Les acteurs luttent pour imposer une forme de rationalité sur une autre. Il s’agit de comprendre la transformation qui s’opère dans les classifications des acteurs (du fait d’un conflit de rationalité) qui acceptent l’impératif moderne de rationalité de l’action.
  • Groupe 2 : Externe aux formes de rationalité – Comment les acteurs fabriquent l’inclusion/l’exclusion de ce qui est un mode d’action rationnel ? Des acteurs sont critiqués comme irrationnels et luttent pour défendre leurs pratiques, ne reconnaissent pas voire tentent de se défaire de l’impératif rationnel propre à la modernité.

 

Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 14 mai 2018.

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