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De 10 h à 13 h et de 14 h à 17 h (54 bd Raspail 75006 Paris), cf. calendrier des séances et salles ci-dessous
Le séminaire « Cosmopolitiques des attachements » se propose d’inventorier et comparer les manières dont les communautés locales, notamment les peuples dits autochtones, ré-agissent aux bouleversements que rencontrent leurs attachements à la terre et aux êtres qui peuplent leurs territoires.
En effet, là où l’Occident, par le récit de l'Anthropocène, commence à mettre en doute l’idéal d’une humanité détachée de sa terre, les autres collectifs non anthroposcénisés témoignent d’un récit de l’humanité distinct, qui fait souvent valoir un mode d’attachement plus « encastré » et « intégré » à la multitude d’êtres qui peuple leur terre.
Face aux bouleversements environnementaux devenus particulièrement saillants ces dernières décennies, il apparaît clairement que ce qui émeut et met en mouvement ici, n’émeut pas de façon symétrique là-bas. Les détachements induits par la globalisation (à l’égard des esprits, des mers, des terres, des lieux, des êtres humains et non humains, des moyens de production et d’échange, etc) ne produisent pas les « rattachements » escomptés par l’Occident. On voit plutôt apparaître la création de nouvelles attaches aux êtres, qui conditionnent l’émergence de nouveaux collectifs et reconfigurent l’écologie des mondes partagés.
C’est l’émergence de ces nouveaux assemblages locaux et globaux, spécifiques et interspécifiques, que nous souhaitons appréhender en portant toute notre attention sur les interrelations liant les humains aux non humains défiés par les métamorphoses de leur habitat partagé.
Pour ce faire, nous proposons de nous appuyer sur le concept d’attachement tel que l’a redéfinit René Zazzo (1974) à partir des travaux pionniers des éthologues Lorenz et Harlow et du psychanalyste John Bowlby (1969).
L’attachement y est entendu comme une disposition d’être au monde partagée, une tendance originelle et permanente à rechercher dans son environnement la relation à autrui et à promouvoir l’interaction et la coopération entre les individus. Cette propension à se lier à l’autre répondrait d’un besoin primaire de l’être humain qui ne lui serait pas propre puisqu’elle s’observe chez d’autres êtres non humains, ce qui explique la faculté de l’attachement à lier des individus d’une même espèce ou de deux espèces différentes.
Ce séminaire entend évaluer la fertilité de ce concept dans la compréhension des transformations qui animent aujourd’hui les collectifs d’humains et de non humains face aux transformations climatiques et autres phénomènes mondialisés.
À partir d’études de cas ethnographiques, nous chercherons à inventorier et comparer les multiples formes d’attachements et de détachements aux êtres et à la terre, lesquels constituent autant de « cosmopolitiques des attachements » mises en œuvre par les humains.
Le séminaire se tiendra de 10 h à 16 h et se déroulera sous la forme d’ateliers d’une journée au cours de laquelle un chercheur présentera une étude de cas ethnographique. Cette présentation sera suivie d’une discussion collective visant, à partir de ces données, à explorer les problématiques liées à la cosmopolitique des attachements. Le séminaire sollicitera donc l’anthropologie et l’ethnographie en premier chef. D’autres disciplines telles que l’écologie, l’éthologie, les sciences cognitives, la psychanalyse, la biologie, la linguistique, l’histoire, les sciences politiques, le droit, les arts ou la philosophie seront également mobilisées.
Il est ouvert aux étudiants en master 1 et 2 qui pourront le valider par la présence aux 4 séances et la remise d’une fiche de synthèse libre sur une ou l'ensemble des journées.
La bibliographie référente au séminaire et aux chercheurs est à découvrir sur le site du Laboratoire d’anthropologie sociale : http://las.ehess.fr/
29 novembre 2017 : la première séance du séminaire sera consacrée en matinée aux diverses compréhensions et approches des notions d’attachement et détachement.
Références:
L’après-midi Barbara Glowczewski présentera les images tournées à Lajamanu (Australie), au sein de la communauté des Warlpiri du désert central, et à Broome avec des Djugun de la côte nord-ouest australienne, et avec un cleverman (ngangkari), guérisseur Yalarrnga, invité en France pour un festival de chamanisme en avril dernier : https://vimeo.com/233652286
« Depuis la colonisation de l'Australie, les Aborigènes tentent de résister à une catastrophe sans cesse renouvelée. Créateurs de diverses stratégies de survie, ils sont confrontés à la perte de leurs modes d’existence du fait d'une destruction de la terre qui menace toute l’humanité. En écho à l’écosophie guattarienne et à l’appel aux Terriens de Latour, les Yolngu, Djugun et autres peuples autochtones du monde incitent à penser notre avenir commun selon d'autres vitesses que la course au soleil de l'anthropocène ». Résumé de B. Glowczewski, « Au coeur du soleil ardent : les Aborigènes face à la catastrophe », Communications 96, Vivre la catastrophe, 2015.
Voir également :
15 février 2018 :
• De 10 h à 13 h : « Éco-anthropologie des formes et des modalités des attachements au vivant. Exemples à partir des populations Taies (Asie du Sud-Est continentale) », Nicolas Lainé (LAS/ Université de Strasbourg)
S’appuyant sur un corpus collecté chez différentes populations Taies d’Asie du Sud-Est mon intervention souhaite éprouver la notion d’attachement au regard des défis posés par l’anthropocène. Elle s’appuie sur l’hypothèse selon laquelle grâce à leurs savoirs situés, leur approche et gestion des territoires et des ressources, les populations locales sont des acteurs indispensables pour relever les défis liés au risques sanitaires et environnementaux globaux. Or, comme le rappelle Anna Tsing, la place des populations locales n’a jamais été pensée que comme une allégorie guidant les politiques et agendas globaux, lorsqu’elles ne sont pas considérées comme des obstacles à la mise en place de politiques. Ces populations, nous dit-elle, ont pourtant la capacité d’être les « nœuds culturels au sein des réseaux globaux » (Tsing 2003 :164). A partir de l’étude de différents processus d’attachement et de détachement répertoriés localement, il s’agira de penser la manière de faire relier les populations locales aux préoccupations globales, ainsi, à « relocaliser le global » (Latour, 2015).
• De 14 h à 17 h : « L'attachement chez les Kasua de Nouvelle Guinée : chemin des affects et des sens vers l'altérité des mondes », Florence Brunois (CNRS, LAS)
28 mars 2018 :
• De 10 h à 13 h : « Instabilité des mondes et attachements animistes », Nastassja Martin (LAS)
À l’heure de l’anthropocène, les territoires et les habitants du Grand Nord sont au cœur de la tourmente. Comment les chasseurs-pêcheurs du Pacifique Nord (Alaska et Kamtchatka) font-ils face aux métamorphoses environnementales et aux politiques d’assimilation des états qui les régissent, et en quoi leur animisme peut-il constituer une réponse subversive et décalée face au monde tel qu’il advient ? Nous explorerons les manières dont ils nous permettent de repenser et de reconfigurer nos relations au vivant dans le contexte de changement climatique qui nous affecte tous.
• De 14 h à 17 h : « Comment s’est-on détaché du monde ? Le contrôle de l’invisible », Charles Stepanoff (EPHE/LAS)
Peut-on tenter de comprendre d’un point de vue anthropologique par quels chemins les sociétés modernes en sont arrivées à se détacher du monde qu’elles habitent, une situation vécue de plus en plus comme source d’angoisse ? Dans beaucoup de sociétés qui cultivent l’attachement aux mondes non humains, le rêve et les visions sont des médiums indispensables de communication. Quel rapport existe-t-il entre le détachement du monde, historiquement prôné dans certaines grandes religions, et les techniques de l’invisible ? La question de la spontanéité ou du contrôle des visions paraît ici discriminante.
14 mai 2018 :
• De 10 h à 13 h : « S’attacher à l’invisible. Pragmatique de l’attachement dans un centre chamanique d’Amazonie péruvienne », David Dupuis (Durham University-Fondation Fyssen/LAS)
La participation à des rituels exotiques perçus comme traditionnels et investis comme des pratiques thérapeutiques, religieuses ou de développement personnel connaissent depuis la seconde moitié du vingtième siècle un succès croissant auprès du public occidental. Nourri par l’engouement pour le breuvage psychotrope ayahuasca ainsi que par l’image mythifiée de la forêt « primaire », un afflux de voyageurs s’est dirigé à partir des années 1990 vers l’Amazonie péruvienne. De nombreux lieux d’accueil destinés à cette clientèle sont apparus en bordure des métropoles de la région, proposant la participation à des activités rituelles s’inspirant plus ou moins librement des pratiques du chamanisme métis péruvien.
La participation aux pratiques proposées a le plus souvent pour conséquence l’élargissement du réseau relationnel du sujet, qui prendra désormais en compte diverses figures pathogènes, soignantes ou protectrices: esprits animaux et végétaux, ancêtres, démons ou entités du panthéon catholique. La rencontre de ces êtres habituellement invisibles et l’attachement progressif à ces derniers se réalise de manière privilégiée par le biais de « visions » et « voix » perçues au cours de rituels impliquant l’ingestion d’un breuvage psychotrope : l’ayahuasca.
En m’appuyant sur les données récoltées au cours d’une enquête ethnographique au long cours réalisée au sein de l’un des principaux « centres chamaniques » d’Amazonie péruvienne, je m’appliquerais à rendre compte de la nature et de l'économie de ces attachements, des soubassements pragmatiques de leur élaboration et de leurs implications pour ceux qui les tissent.
• De 14 h à 17 h : Discussion comparative sur les propositions des quatre journées et présentations des étudiants en master 2.
Suivi et validation pour le master : Mensuel annuel/bimensuel semestriel (8x3 h = 24 h = 6 ECTS)
Intitulés généraux :
Renseignements :
le séminaire "Cosmopolitiques des attachements" est un séminaire de recherche (LAS/CNRS/EHESS) de l'équipe Anthropologie de la percetion : cosmopolitiques des attachements du LAS.
Direction de travaux d'étudiants :
le suivi des étudiants se fait sur rendez-vous. Pour la validation, les étudiants sont invités à suivre l'ensemble des séances du séminaire et à restituer une fiche synthétique à partir d'un cas ethnographique présenté au séminaire ou sur lensemble des interventions.
Pour une direction de master 1 et 2, contacter F. Brunois Pasina et B. Glowczewski.
Pour une direction de thèse de doctorat, contacter B. Glowczewski.
Réception :
contacter les chercheurs par courriel pour prendre rendez-vous.
Niveau requis :
le séminaire est ouvert sans niveau requis.
Site web : http://las.ehess.fr/
Adresse(s) électronique(s) de contact : flobrunois(at)gmail.com, barbara.glowczewski(at)gmail.com, nastafaride(at)hotmail.com, nicoelephant(at)gmail.com, david.dupuis2(at)gmail.com
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 2 mai 2018.