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2e et 4e jeudis du mois de 11 h à 13 h (salle A07_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 23 novembre 2017 au 14 juin 2018. Deux séances supplémentaires auront lieu le 5 avril (salle A06_51, 54 bd Raspail 75006 Paris) et le 17 mai (salle AS1_23, 54 bd Raspail 75006 Paris). La séance du 12 avril se déroulera en salle A06_51
Depuis la période coloniale, un lien privilégié entre le sous-continent indien et la notion moderne de « spiritualité » a été progressivement construit, notamment par le discours d’acteurs et de mouvements, tels que Vivekananda ou la Société théosophique, circulant entre l’Asie du Sud, l’Europe et les États-Unis. Aujourd’hui encore, force est de constater que l’Inde occupe une place privilégiée dans le marché globalisé de la spiritualité. En témoignent non seulement la popularité de certaines pratiques auxquelles on prête une origine indienne (yoga, méditation, astrologie védique, médecine ayurvédique, etc.), mais aussi le succès de nombreuses organisations et mouvements internationaux autour de figures spirituelles hindoues, ou encore l’intégration de termes d’origine sanskrite (gourou, karma ou chakra, par exemple) dans le lexique des adeptes.
Dans notre approche, la « spiritualité », loin d’être opposée à la corporéité et à la matérialité, fait l’objet de processus sociaux, matériaux et idéologiques de fabrication, façonnage, communication, politisation et marchandisation qu’il s’agira d’étudier. Ce séminaire interrogera ces processus en privilégiant une perspective interactionnelle qui prends en compte non seulement les dynamiques contemporaines de transnationalisation, mais aussi les échanges et circulations depuis la période coloniale. Il le fera non seulement à partir d’une discussion critique de la littérature existante sur le sujet, mais également à partir d’études de cas inédites portant sur un certain nombre de mouvements et de pratiques dites « spirituelles » qui jouissent d’une grande popularité en Inde et ailleurs.
Mots-clés : Anthropologie sociale, Circulations, Corps, Cosmologie, Ethnographie, Ethnologie, Fait religieux, Histoire des idées, Imaginaire, Nationalisme, Orientalisme, Religieux (sciences sociales du), Savoir-faire, Savoirs,
Aires culturelles : Asie méridionale, Inde,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous.
Réception :
sur rendez-vous.
Niveau requis :
ouvert à tous.
Adresse(s) électronique(s) de contact : guenzi(at)ehess.fr, raphael.voix(at)gmail.com
Depuis la période coloniale, un lien privilégié entre le sous-continent indien et la notion moderne de « spiritualité » a été progressivement construit, notamment par le discours d’acteurs et de mouvements, tels que Vivekananda ou la Société théosophique, circulant entre l’Asie du Sud, l’Europe et les États-Unis. Aujourd’hui encore, l’Inde occupe une place privilégiée dans le marché globalisé de la spiritualité. En témoignent non seulement la popularité de certaines pratiques auxquelles on prête une origine indienne (yoga, méditation, astrologie védique, médecine ayurvédique, etc.), mais aussi le succès de nombreuses organisations et mouvements internationaux autour de figures spirituelles hindoues (Maharishi Mahesh Yogi, Rajneesh/Osho, Amma, Sathya Sai Baba, etc.), ou encore l’intégration de termes d’origine sanskrite (gourou, karma ou chakra, par exemple) dans le lexique des adeptes.
Dans l’approche développée dans le cadre de ce séminaire, la « spiritualité », loin d’être opposée à la corporéité et à la matérialité, fait l’objet de processus sociaux, matériaux et idéologiques de fabrication, façonnage, communication, politisation et marchandisation qu’il s’agit d’étudier. Plutôt qu’aborder la spiritualité en tant que catégorie analytique permettant de désigner et qualifier un certain type de comportement humain qui serait universel, nous avons examiné la manière dont cette notion a été construite, à partir du XIXe siècle, en tant que spécificité orientale et, plus en particulier, indienne (notamment par certains discours nationalistes visant à faire de l’Inde une « nation spirituelle »). Sans essayer de définir ce qu’est « la » spiritualité, nous nous sommes donc intéressés aux acteurs ou aux mouvements religieux qui se qualifient eux-mêmes ou sont qualifiés par autrui de « spirituels ». Deux interventions, respectivement de Véronique Bouiller (CNRS) et Catherine Clémentin-Ojha (EHESS), ont ainsi interrogé, à partir d’études de cas, les représentations collectives entourant, dans l’imaginaire occidental ou dans la société indienne, les deux figures « spirituelles » de l’ascète (sādhu, yogi, etc.) et du guru. La mise en perspective par contraste entre un guru « local », Sriji Maharaj de Salemabad (Rajasthan, 1930-2017), maître d’une secte visnouite, et un guru « global », Sathya Sai Baba (1926-2011), producteur de « miracles » transnationaux, à permis de faire ressortir la diversité des procédés de légitimation et des « pouvoirs spirituels » à l’œuvre dans les différents contextes.
Si les premières séances ont été consacrées à l’étude des processus par lesquels un individu est reconnu en tant que maître spirituel au sein d’une communauté, les suivantes ont privilégié l’étude de pratiques de nos jours qualifiées de « spirituelles ». Dans ce cadre, nous avons examiné l’émergence, chez les classes moyennes et hautes des métropoles indiennes, de pratiques de type « New Age » (méditation, Reiki, Feng Shui, etc.), tout en questionnant la pertinence de cette catégorie pour les décrire. Puis nous nous sommes intéressés au « yoga », pratique d’origine indienne qui connaît un engouement international sans précédent. À partir des travaux récents publiés dans le domaine, nous avons montré que ce qui se qualifie de « yoga » aujourd’hui est le fruit de la rencontre en Inde au XIXe siècle de traditions sotériologiques anciennes – le hatha-yoga, dont les formulations textuelles les plus précises remontent à l’époque médiévale – et de traditions gymniques modernes importées d’Europe. Ainsi, ce yoga dit « moderne » se trouve à la croisée d’un ensemble de discours distincts sur le corps que l’État indien d’aujourd’hui s’attache à uniformiser à des fins nationalistes et de patrimonialisation. L’intervention de Mark Singleton (SOAS, Londres), auteur de l’ouvrage Roots of Yoga (Penguin 2017) et membre de l’ERC « Hatha-yoga project », a contribué à étayer nos réflexions.
Nos questionnements à propos de l’engouement occidental pour la spiritualité hindoue et le yoga en tant que pratique corporelle d’origine indienne ont été nourris par l’intervention de Véronique Altglas (Queen’s University, Belfast) qui a consacré une séance à la discussion de la notion d’« exotisme religieux », en tant que perception esthétique de l’altérité produite dans une relation asymétrique de domination. La présentation des travaux de Dilek Sarmis (EHESS) et Alexandre Toumarkine (INaLCO) sur l’appropriation et la réception des « spiritualités indiennes » en contexte musulman (Turquie) ont permis de nous sortir de l’approche souvent eurocentrée qui oriente le regard sur l’Inde et les productions orientalistes.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 30 mars 2018.