Iran : transformation sociale et mutation politique
S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.
1er, 3e et 5e mardis du mois
de 11 h à 13 h
(salle 11, 105 bd Raspail 75006 Paris),
du 16 janvier 2018 au 19 juin 2018. La séance du 19 juin se déroulera de 9 h à 13 h (salle 11)
Fondée sur une double souveraineté, divine et populaire, la République islamique est prise dans une contradiction inhérente à son modèle. En effet, les progrès de la société civile et la parenthèse des « réformistes » ont ébranlé le statut et les prérogatives du Guide, représentant de la souveraineté divine ici-bas et par là-même du système de la République islamique. Déployant tous les dispositifs du système pour stopper cette poussée venue d’en bas, ce dernier a enfoncé le régime dans une crise périlleuse qui pourrait précipiter le pays dans un devenir politique inquiétant.
Cette première année sera consacrée à l’analyse du système de la République islamique et à la dynamique d'étatisation d'un genre nouveau qu’elle a engendrée pour imposer sa discipline et ses visées au corps social.
16 janvier 2018 : Marie Ladier-Fouladi, Présentation et objectifs du séminaire
30 janvier 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « La souveraineté divine : la gouvernance du jurisconsulte (velâyat-e faghi) »
6 février 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « Les élections politiques et les limites de la souveraineté populaire »
20 février 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « La résistance de la société civile : naissance et déclin des "réformistes" »
6 mars 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « La reconquête des instances électives par des forces extrémistes : la mutation du régime politique »
20 mars 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « Populationnisme et subversion des générations émancipées »
3 avril 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « Tenir la société : réformer le système des subventions ou comment fabriquer des sujets assistés »
15 mai 2018 : Mehrdad Vahabi (économiste, professeur des universités, Université Paris 13), « L’emprise des Pasdaran sur l’économie iranienne »
29 mai 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « Contrôler les esprits : islamiser les universités et les sciences sociales »
5 juin 2018 : Marie Ladier-Fouladi, « Fabriquer un nouvel "imaginaire politique" fondé sur les mythes historiques de l’Iran et le culte du 12ème Imam des chiites »
19 juin 2018 (de 9 h à 13 h) : Présentation de travaux d’étudiants ; conclusion du séminaire
- Kayvan Jafarinejad (M2, Musique, EHESS), « Le nouveau battement dans la musique du rituel de Shour en Iran »
Le rituel en tant que pratique interactive au sein d’une communauté se (re)produit dans un échange entre des performeurs et des participants. Cet échange rituel par la musique peut être interprété comme la relation entre le musicien et son public, et se constitue par la performance et par l’écoute. Je tenterai de les analyser dans le cadre du rituel chiite d’Achoura, plus spécifiquement d’une de ses subdivisions, le Shour qui est dédié à la commémoration du massacre de l’Imam Hussein, troisième Imam des chiites.
Dans un premier temps, j’analyserai l’évolution de l’aspect musical du rituel d’Achoura en le mettant en lien avec les mutations de l’industrie musicale et ses inspirations prises dans la musique militaire, mais aussi et surtout dans la musique populaire occidentale. Je m’intéresserai ainsi particulièrement à l’incorporation de la pulsation de la musique techno et à l’intégration de certains codes des raves dans le Shour. Pourquoi et comment le Shour incorpore-t-il la musique techno et ses pratiques ? Alors que la techno est interdite par les politiques culturelles de la République Islamique, pourquoi les performeurs sont-ils autorisés à faire cette combinaison ? Autrement dit, d’où la légitimité du Shour vient-elle ? Par quoi est-elle justifiée ? Dans un second temps, et à travers l’analyse des textes et des éléments scéniques de cette subdivision, j’étudierai la réception politique de la musique en tant que révélateur de la nature de ce rituel.
- Nour Kharboutly (M1 études politiques, EHESS), « Le rôle du régime iranien dans l’oppression de la révolution syrienne »
Dans mon exposé j’essaie de parler de quelques détails du rôle du régime iranien dans l’oppression de la révolution syrienne. Je commence par donner plusieurs versions qui racontent le début de ce rôle et comment se fait le recrutement afin de former les milices. Puis je parlerai du rôle de Qassem Soleimani le chef de la brigade Al Qods. Ensuite, j’aborderai le changement démographique causé par l’installation des familles des milices à la place des habitants dans plusieurs villes, puis, du transfert des combattants étrangers vers la Syrie. Enfin, je termine sur le fait que le régime iranien commence à cueillir les fruits de son intervention en Syrie.
- Pierre Ramond (M1, Études politiques, EHESS), « Deux lectures opposées de la Révolution iranienne de 1979 »
L'intervention essaiera de confronter deux lectures de la révolution iranienne : celle, d'une part, de Nikkie Keddie, qui insiste dans Roots of revolution (1983), sur la récurrence, dans l'histoire iranienne, à partir du dix-neuvième siècle, de l'alliance entre le clergé et les radicaux, pour parvenir à la mise en place d'une République islamique ; celle, d'autre part, que propose Farhad Khosrokhavar dans, entre autres ouvrages, L'utopie sacrifiée et Anthropologie de la révolution iranienne, qui met davantage l'accent sur le rôle des jeunes.
- Sofia Scialoja (M2, Études politiques, EHESS), Compte rendu des séances : « La souveraineté divine : la gouvernance du jurisconsulte (velâyat-e faghi) » et « Les élections politiques et les limites de la souveraineté populaire »
D’après la Constitution adoptée en 1979, la République islamique d’Iran est bâtie sur une double souveraineté : divine et populaire.
Nous allons chercher à comprendre dans quelle mesure cette double souveraineté a été, pendant la gestation et les premières années de l’État islamique, instrumentalisée et manipulée par Khomeiny afin d’instaurer un régime que lui-même avait conçu. En ce sens, nous allons analyser, d’un côté, la légitimation du gouvernement du jurisconsulte (d’où l’accord d’un pouvoir presque illimité au Guide suprême) par le biais de l’islamisation de la Constitution et l’interprétation de la doctrine du chiisme duodécimain (en focalisant sur la figure du douzième imam), base et expression de la souveraineté divine; et, de l’autre, la légitimation de l’instauration du régime islamique se fondant sur le soutient incontesté de la souveraineté populaire (notamment, à partir du referendum du 30 et 31 mars 1979).
- Léo Remyot (M1, Études politiques, EHESS), « L'emprise des Pasdaran sur l'économie nationale, moyen de l'influence régionale de la République Islamique ? »
L'Iran, grande puissance du Moyen-Orient exerce une influence politique sur de nombreux pays de la région. En Palestine, les différentes factions nationales entretiennent des rapports particuliers avec la République Islamique d'Iran. Son influence a permis de faire monter en puissance le Hamas. Comment se positionner pour les partis de gauche (PPP - FPLP) et nationalistes (Fatah) qui entretiennent des rapports tendus avec leur frère-ennemi palestinien alors que la République Islamique d'Iran a toujours largement soutenu la cause palestinienne ? Cette interrogation nous entraînera à nous questionner sur la séance ''L'emprise des Pasdaran sur l'économie nationale''. La branche Al-Quds des Gardiens de la Révolution, agissant à l'étranger, n'est jamais loin quand il s'agit de l'action de l'Iran dans les autres pays de la région (Liban, Syrie, Yémen…). En quoi les réformes, privatisant de grands secteurs de l'économie nationale à la faveur des Pasdarans, sous le mandat de Mahmoud Ahmadinejad, ont-elles permis de renforcer les moyens des Pasdarans et par ce biais, l'action politique extérieure du Guide.
- Jonathan Benzion (M2, Histoire des relations internationales et des mondes étrangers : Amériques, Asies, Europes, Paris 1 Panthéon Sorbonne), « Le Mexique, les grandes puissances et le rôle de l’Histoire: apprendre du passé sur l’importance géostratégique du Mexique pour les puissances mondiales et ses implications potentielles au présent pour la République Islamique d’Iran »
Le sujet traite de l'importance géostratégique du Mexique pour les puissances mondiales aux XIXe et XXe siècles. France et Allemagne respectivement. On observe la manière dont ces puissances ont voulu tirer profit de la position géographique du Mexique –– par rapport aux États-Unis –– et de ses troubles intérieurs pour contrer les politiques de Washington. Ainsi, on tente de tirer des leçons de ces événements historiques qui pourraient être répétés aujourd'hui par de nouveaux acteurs, qui pourraient voir les États-Unis comme un adversaire principal ou une menace existentielle. Alors qu'on essaie d'illustrer –– a travers ces exemples historiques –– comment la situation géopolitique actuelle du Mexique, et encore une fois l’emplacement géographique de ce pays d'Amérique latine, pourrait devenir un désavantage pour les intérêts de la sécurité des États-Unis et une opportunité géostratégique pour les adversaires de Washington, à savoir la République islamique d'Iran.
- Olivier Moharami (M1, Histoire, Paris 1 Panthéon Sorbonne), « La couverture médiatique française des fêtes de Persépolis »
Je reviendrai d’abord sur le contexte iranien de l’époque, avec un régime impérial renforcé autour de son monarque et qui semble être à l’apogée de sa puissance. Mes deux dernières parties sont une tentatives de classification des sources de presse recueillies en fonction des thèmes abordés par les différents journalistes autour des fêtes, ainsi qu’une évolution de ces thèmes une fois l’évènement fini, ce qui permet de se questionner sur la réussite de ces dernières pour le régime impérial.
Enfin, je ferai le lien entre mes recherches de cette année et l’apport du séminaire sur la République islamique pour mon travail et mes connaissances personnelles.
Mots-clés :
Biopolitique,
Classes sociales,
Démographie,
Développement,
Économie politique,
Inégalités,
Islam,
Politique,
Politiques publiques,
Politiques sociales,
Socio-économie,
Sociohistoire,
Sociologie,
Sociologie politique,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Sociologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
pour tous renseignements contacter l'enseignante par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous, demandé par courriel.
Réception :
sur rendez-vous, demandé par courriel.
Site web : http://www.iiac.cnrs.fr/article1921.html
Adresse(s) électronique(s) de contact : ladier(at)ehess.fr
Compte rendu
Fondée sur une double souveraineté, divine et populaire, la République islamique est prise dans une contradiction inhérente à son modèle. En effet, les progrès de la société civile et la parenthèse des « réformistes » ont ébranlé le statut et les prérogatives du Guide qui représente la souveraineté divine ici-bas et par-là même le système de la République islamique. Fragilisé, le Guide a déployé tous les dispositifs du système pour stopper cette poussée venue d’en bas et, ce faisant, a enfoncé le régime dans une crise périlleuse qui pourrait précipiter le pays dans un devenir politique inquiétant.
Pour mieux appréhender cette problématique, le séminaire, dans un premier temps, a exploré les fondements de la République islamique en analysant d’abord l’institution du Guide suprême et le système du gouvernement du jurisconsulte (velâyat-e faqih), puis les limites de la souveraineté populaire à travers l’examen de la procédure électorale. Bien que la souveraineté populaire soit subvertie par l’État et que le choix des électeurs soit très restreint, les Iraniens n’ont pas hésité à saisir cet espace pour influer par leurs votes sur les rapports de force des factions politiques au pouvoir. L’élection triomphale d’un candidat issu du sérail qui se voulait « réformiste » a signifié le désir de changement des Iraniens. Cette élection a eu un impact direct sur le champ politique et l’équilibre des rapports de force entre les factions. Dès lors, les factions politiques adverses, sous l’égide du Guide lui-même, ont déployé divers grands moyens pour mettre en échec la faction naissante des « réformistes ». L’élection de M. Ahmadinejad à la présidence de la République en 2005 a annoncé la reconquête de toutes les instances électives de la République islamique par les factions extrémistes. Mais c’est suite à sa réélection frauduleuse en juin 2009 – réélection qui a suscité une vague de protestations mettant en cause la légitimité de la République islamique – que l’État iranien a opté pour des nouvelles mesures politiques destinées à subvertir ces générations émancipées.
Sur cette toile de fond, le séminaire, dans un second temps, a examiné cette nouvelle orientation politique de la République islamique qui annonce la mutation du régime. Ont été tour à tour analysées : la politique populationniste mise en place pour faire en sorte que la population de l’Iran atteigne 150 millions d’habitants ; la réforme du système des subventions dont l’objectif principal consistait à supprimer les subventions à l’énergie pour proposer ces produits au prix du marché international et, par des mesures compensatoires, redistribuer aux ménages une partie des revenus ainsi générés, estimés à près de 20 milliards de dollars ; l’islamisation des sciences sociales qui, nées en Occident, sont désignées formellement par le Guide suprême comme le nouvel ennemi de la République islamique et de ses fondements idéologiques et théoriques ; enfin, la tentative d’instituer le « fait national », entreprise tout d’abord par M. Ahmadinejad qui a cherché à forger de nouveaux référents identitaires, oscillant entre références à l’iranité et à l’islamité, et ensuite par le Guide suprême qui a défini les composantes de l’identité nationale comme suit : iranienne, islamique et révolutionnaire. L’examen de ces nouvelles politiques a permis de déceler le fil qui les reliait et par-là même d’entrevoir le projet d’ingénierie sociale totale du chef de l’État.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 15 juin 2018.