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Mercredi de 14 h à 17 h (salle AS1_08, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 10 janvier 2018 au 14 mars 2018. La séance du 21 février se droulera en salle AS1_23. Pas de séance les 7 et 28 février 2018. Séance supplémentaire le 28 mars (salle 13, 105 bd Raspail 75006 Paris)
Turquie, 1934-1950. Tous les 26 septembre les Maisons du Peuple sont à la fête. On y célèbre la « révolution de la langue », c’est-à-dire l’abandon des caractères arabes (1928) et la purge du vocabulaire officiel. Au programme : discours du sous-préfet ou du chef du parti, conférences de l’instituteur, récitations de poésie, dépôt de gerbe à la statue d’Ataturk, hymne national, fanfare, foot, volley, thé et cigarettes, parfois un bal populaire.
Plus de 200 procès-verbaux aujourd’hui conservés à Ankara documentent ces solennités telles qu’elles se déclinent d’une année sur l’autre, dans les grandes villes comme dans les plus modestes bourgades du pays. On y trouve même les copies des discours prononcés chaque année, d’Edirne à Hakkari, de Zonguldak à Antalya. C’est en soi une rareté archivistique : les historiens de la fête politique en France, par exemple, ont souvent déploré l’impossibilité de connaître verbatim le contenu de la prédication républicaine.
Ce matériau dactylographié n’a jamais été exploité. Nous l’avons intégralement photographié, recopié et digitalisé au format texte. Il autorisent à présent le lancement d’une enquête expérimentale, à la fois qualitative et quantitative (une utilisation du logiciel Prospéro est prévue), qui réunira des chercheurs issus de l’équipe ANR Transfaire ; tout personne intéressée et ayant quelque connaissance du turc est invitée à nous rejoindre en vue d’une publication collective.
Mercredi 10 janvier 2018 : Introduction au fonds des Fêtes de la langue et premiers défrichages
Mercredi 17 janvier 2018 : Circulaires et procès-verbaux. Où est le pouvoir linguistique dans la Turquie du parti unique ?
Mercredi 24 janvier 2018 : Les discours des conférenciers comme performance et prise(s) de parole
Mercredi 31 janvier 2018 : La presse et les imprimés. Savoirs et instruments de la diffusion scientifique
Pas de séance le mercredi 7 février 2018
Mercredi 14 février 2018 : Poésie, devinettes, néologismes : révolution et littératures
Mercredi 21 février 2018 : Radios et haut-parleurs. Les contraintes techniques du changement linguistique
Pas de séance le mercredi 28 février 2018
Mercredi 7 mars 2018 : Séance étudiante
Mercredi 14 mars 2018 : Conclusion. Présentation d’un argumentaire élaboré en vue du dépôt d’un projet ANR
Mercredi 28 mars 2018 (salle 13, 105 bd Raspail 75006 Paris) :
Mots-clés : Action publique, Administration, Analyse de discours, Anthropologie et linguistique, Archives, Argumentation, Citoyenneté, Écriture, Éducation, Émotions, État et politiques publiques, Ethnicité, Génocides (études des), Globalisation, Histoire, Histoire culturelle, Histoire des idées, Histoire des sciences et des techniques, Histoire intellectuelle, Humanités numériques, Informatique et sciences sociales, Intellectuels, Islam, Langues, Linguistique, Littérature orale, Minorités, Nationalisme, Oralité, Orientalisme, Philologie, Poétique, Politique, Politiques publiques, Post-coloniales (études), Pragmatisme, Pratiques, Psychanalyse, Racismes et races, Révolutions, Savoirs, Sociohistoire, Symbolique,
Aires culturelles : Arabe (monde), Asie, Asie centrale, Contemporain (anthropologie du, monde), Europe, Europe centrale et orientale, Europe sud-orientale, Méditerranéens (mondes), Musulmans (mondes), Transméditerranée, Transnational/transfrontières, Turc (domaine),
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe
Intitulés généraux :
Adresse(s) électronique(s) de contact : emmanuel.szurek(at)gmail.com
Turquie, 1934-1950. Tous les 26 septembre les Maisons du Peuple sont à la fête. On y célèbre la « révolution de la langue », c’est-à-dire l’abandon des caractères arabes (1928) et la purge du vocabulaire officiel. Au programme : discours du sous-préfet ou du chef du parti, conférences de l’instituteur, récitations de poésie, dépôt de gerbe à la statue d’Atatürk, hymne national, fanfare, foot, volley, thé et cigarettes, parfois un bal populaire. Plus de 200 procès-verbaux aujourd’hui conservés à Ankara documentent ces solennités telles qu’elles se déclinent d’une année sur l’autre, dans les grandes villes du pays comme dans les plus modestes bourgades de l’Anatolie ; on y trouve même les copies des discours prononcés année après année, d’Edirne à Hakkari, de Zonguldak à Antalya. C’est en soi une rareté archivistique : les historiens de la fête politique en France, par exemple, ont souvent déploré l’impossibilité de connaître verbatim le contenu de la prédication républicaine. Ce matériau dactylographié n’avait jamais été exploité : en amont du séminaire, nous l’avons intégralement photographié, recopié et digitalisé au format texte.
Deux premières séances ont servi d’introduction au fonds et aux logiques de classement, multiples et sédimentées, dont il est le produit ; au rituel festif et commémoratif dont il est l’expression dans le calendrier officiel de la Turquie républicaine ; à ses entrepreneurs institutionnels enfin, la Société de la langue, le Parti et les Maisons du Peuple. On s’est ensuite attelé à explorer plusieurs pistes relevant de champs historiographiques éloignés. La question de l’idéologie des prédicateurs (populisme, purisme, militarisme, racialisme et anti-impérialisme linguistiques, inter alia) s’est imposée d’emblée. Celle de l’articulation des Fêtes, comme mobilisation démopédique, avec d’autres opérations de planification linguistique nous a également retenus : c’était inévitablement apprécier l’articulation du corpus des fêtes avec d’autres composantes du massif documentaire de la « révolution de la langue » (coupures de presse, littérature grise, manuels, grammaires, dictionnaires et autres accessoires de standardisation) ; les supports techniques (papier, machine à écrire, télégramme, radio) et plus largement les conditions matérielles de l’événement, jalonné de difficultés et d’accommodements, ont tout autant mobilisé notre attention.
Les Fêtes de la langue impliquent en somme, nous est-il apparu, plusieurs langues qui constituent autant d’objets d’étude à part entière, et requièrent de s’adosser à des bibliothèques scientifiques hétérogènes. Une analyse des archives dans la perspective d’une histoire ou d’une sociologie politique s’impose pour faire la lumière sur le répertoire linguistique des correspondances administratives. Les textes des discours et conférences prononcés lors des festivités peuvent, dans la lignée des travaux d’anthropologie linguistique, être analysés comme élément du rituel, en tant que « performance » travaillant à enchâsser une structure abstraite de croyances dans l’action concrète de la fête. Les poésies et chansons omniprésentes dans le corpus, enfin, nous ont incités à étudier les schémas de « poéticité » à l’œuvre — et à poser, dans une perspective diachronique, la question des continuités possibles entre l’ars poetica de la République et l’éthique littéraire turco-persane des époques antérieures, que structurait une dialectique de l’imitation comme forme d’originalité.
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 14 mars 2018.