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2e vendredi du mois de 10 h à 13 h (salle A07_51, 54 bd Raspail 75006 Paris), du 10 novembre 2017 au 8 juin 2018. La séance du 8 décembre se déroulera de 15 h à 18 h (salle A09_51, 54 bd Raspail 75006 Paris)
Le séminaire explorera cette année l’analyse des enquêtes de terrain menés par des chercheurs chinois, tant dans l’histoire du XXe siècle qu’avec des praticiens de l’enquête aujourd’hui. Plutôt que de proposer une histoire de la sociologie chinoise, il s’agira de revenir sur des études, articles ou ouvrages, qui reposent sur des enquêtes ayant marqué, parfois tardivement, les débats sur les rapports entre enquêteurs et enquêtés, sur les enjeux de la description, sur la collecte d’archives. Si le séminaire débutera par la présentation et la discussion de l’ouvrage de Paul C.P. Siu, The Chinese Laundryman, A Study of Social Isolation (New York University Press, 1987), il se poursuivra par l’étude de travaux portant sur la Chine au XXe siècle avec le souci de faire intervenir, en visioconférence, des chercheurs chinois susceptibles de nous éclairer sur les enjeux des enquêtes menées et leur contexte.
12 janvier 2018 : Xie Jing (enseignante à la faculté de philosophie de l'université Fudan à Shanghaï), « La Chine antique par-delà le dualisme (II) : les pratiques ascétiques »
Les pratiques d’ascèse constituent un autre type de personnalisation en Chine. Nous en analyserons deux sortes que l'on tient d'habitude pour opposées, à savoir la culture de soi pour devenir des hommes vertueux (idéal confucéen), et la conservation de soi pour devenir des hommes véritables et saints (idéal taoïste). Tout en soulignant les nombreux traits qui les opposent, nous essayerons de montrer que leur points communs rendent réductrice la thèse selon laquelle l’homme chinois serait soit une personne hors du monde soit un statut hiérarchisé dans le monde.
Xie Jing est membre associée du LIER (EHESS/CNRS, Paris). Elle a fait une thèse à l’EHESS de Paris sous la direction de Vincent Descombes sur la philosophie sociale holiste en France. Ses domaines de spécialité comprennent : la philosophie sociale, l’histoire conceptuelle de la sociologie française et de l’anthropologie structurale, les théories de la modernité.
Mots-clés : Archives, Corps, Enquêtes, Ethnographie, Sociologie,
Aires culturelles : Asie,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Sociologie
Intitulés généraux :
Renseignements :
pour tout renseignement, contacter Isabelle Thireau par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
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Réception :
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Adresse(s) électronique(s) de contact : thireau(at)ehess.fr
Cette année, le séminaire a souhaité revenir sur l’histoire de la discipline sociologique en Chine, une histoire qui est aujourd’hui encore à écrire tant la sociologie a été partie prenante des projets de réforme ou de transformation révolutionnaire de la société chinoise, et donc tributaire d’un agenda politique très contrasté depuis les débuts du XXe siècle. Nous avons choisi comme fil rouge de revisiter quelques grandes enquêtes, des enquêtes réalisées par des sociologues dont la légitimité est pleinement établie et revendiquée en Chine, mais aussi des enquêtes jugées extérieures à la tradition sociologique chinoise même si elles ont connu une grande notoriété à l’étranger. En proposant ainsi d’élargir les corpus conventionnels, de questionner les catégories et les hiérarchies instituées, il s’agissait également pour les participants à ce séminaire de contribuer aux débats sur la nécessaire « indigénisation des sciences sociales chinoises » qui animent aujourd’hui les milieux académiques en Chine.
Le séminaire a donc alterné les séances internes et les séances en visioconférence avec des chercheurs et des institutions étrangères, ces dernières étant préparées de manière collective par l’ensemble des participants au séminaire. Il a eu pour interlocuteur privilégié tout au long de l’année 2017-2018 les étudiants et chercheurs du département de sociologie de l’université de Pékin (Beida). Il a été organisé en trois séquences principales.
Une première séquence a eu pour objet l’étude de Paul Siu, The Chinese Laundryman, a Study of Social Isolation, édité par Jack (John Kuo Wei) Tchen (New York, New York University Press, 1987). Originaire de Taishan (Guangdong), arrivé avec son père en 1927 à Chicago, Paul Siu fut l’étudiant d’Ernest Burgess et de Louis Wirth au département de sociologie de l’université de Chicago où il soutiendra sa thèse en 1953. Au cours du séminaire, l’analyse du processus de confection, de diffusion et de réception de l’ouvrage de Paul Siu, en Chine comme hors de Chine, a été considérablement enrichie par une séance, le 8 décembre 2017, en visioconférence avec Jack (John Kuo Wei) Tchen, professeur à la Rutgers University. Co-fondateur du Museum of Chinese in America, auteur notamment de New York before Chinatown : Orientalism and the Shaping of American Culture, 1776-1882 (2001) et de Genthe’s Photographs of San Francisco’s Old Chinatown, 1895-1905 (1984), Jack Tchen est également celui qui redécouvrira pendant les années 1980 la thèse non publiée de Paul Siu et en assurera l’édition, en collaboration avec l’auteur.
Une deuxième séquence du séminaire a été consacrée aux premières décennies de la discipline sociologique en Chine avant qu’elle ne soit désignée, en 1952, comme « science bourgeoise » et frappée d’interdiction. Si l’influence des milieux missionnaires réformateurs sur les premières enquêtes menées en Chine, la création de séminaires et de départements de sociologie, l’essor d’approches très variées comme la sociologie marxiste, le « mouvement pour la reconstruction rurale » ou le « mouvement pour les enquêtes sociales » ont été discutés durant le séminaire, ils l’ont été avec pour fil directeur la figure de l’éminent sociologue et anthropologue Fei Xiaotong. Le 9 mars 2018, une séance en visioconférence avec des chercheurs et étudiants de département de sociologie de Beida, et notamment l’intervention du professeur Neng Liu et les échanges qui ont suivi, a permis de revenir de manière beaucoup plus détaillée sur le paysage de la sociologie en Chine pendant la première moitié du xxe siècle et sur le type d’enquête qui était alors jugé possible, ou souhaitable.
Une troisième et dernière séquence s’est attachée à revenir sur les tentatives infructueuses déployées par des chercheurs chinois pendant les années 1950 pour permettre le retour de la discipline sociologique, sur l’importance des textes qui circulent alors même qu’ils n’ont pas l’effet attendu, sur les conditions très spécifiques, politiques et scientifiques, qui entourent la nouvelle légitimité accordée en Chine, à partir de 1979, à la sociologie. Le 9 juin 2018, une dernière séance du séminaire en visioconférence avec le département de sociologie à Beida a donné ainsi la parole au professeur Feizhou Zhou qui est longuement revenu sur la façon dont Xiaotong Fei s’est tourné dès 1979 vers plusieurs départements de sociologie à l’étranger (et notamment celui de Pittsburgh University) où séjournent alors d’anciens collègues pour former une nouvelle génération de sociologues chinois à l’enquête sociologique, pour rédiger ouvrages et manuels et créer des départements de sociologie tout en cherchant dans la pensée confucéenne, telle qu’elle se manifeste notamment sous la dynastie Song (960-1279), des notions susceptibles à ses yeux de rendre compte des réalités chinoises.
Jing Xie, maître de conférences en philosophie à l’université Fudan (Shanghai) invitée par l’EHESS, soulignera lors de son intervention l’importance de la voie ainsi frayée par Fei Xiaotong. La séance du séminaire qu’elle a animée, le 9 février 2018, a été en effet consacrée à des notions philosophiques susceptibles d’éclairer les enquêtes menées sur le monde chinois. De manière plus précise, Jing Xie a abordé un type spécifique de personnalisation en Chine : les pratiques d’ascèse. Elle a analysé deux de ces pratiques que l’on tient d’habitude pour opposées, à savoir la culture de soi (xiushen, 修身) pour devenir des hommes vertueux (junzi, 君子) – idéal confucéen –, et la conservation de soi (yangsheng, 养生) pour devenir des hommes véritables (zhenren, 真人) et saints (shengren, 圣人) – idéal taoïste. Tout en soulignant les nombreux traits qui les opposent, elle a montré que leurs points communs rendent réductrice à ses yeux la thèse selon laquelle l’homme chinois serait soit une personne hors du monde soit un statut hiérarchisé dans le monde. « Il se peut que dans le cas de la Chine, les polarités que les sociologues tiennent pour tranchées (égalité-hiérarchie, individu-statut, société-nature) donnent lieu à un mouvement de va-et-vient et participent ensemble à la formation d’une personne. »
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 22 janvier 2018.