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1er et 3e jeudis du mois de 13 h à 15 h (salle 6, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 2 novembre 2017 au 17 mai 2018. Pas de séance le 7 décembre. Séance supplémentaire le 14 juin (salle 3)
Nous essayerons de comprendre la transformation des pratiques des marchands en arts du négoce en étudiant leurs traces dans les calculs et les mesures. S'agissant de relations entre les êtres humains fondées sur des choses, les traces sont nombreuses : les biens, qu'ils soient des denrées agricoles ou des artefacts, devaient être produits et transportés; il fallait les mesurer avant et après le trajet. À ces gestes concernant les choses, en amont et pendant la transaction, s'ajoutaient les gestes concernant les êtres humains: contrats, registres et comptabilités.
Ces pratiques ne naissent donc pas en tant qu'échange de biens selon des systèmes de valeurs préétablis, dans un cadre économique précis, que ce soit un échange entre deux individus ou entre deux cités. Mais elles se constituent en une structure de plus en plus définie et articulée, une rationalité pratique, qui s’exprime à travers plusieurs actes comme par exemple écrire, calculer, peser, mesurer, contrôler, estimer, normer et qu’il appartient à l’historien de restituer. Cette tâche nécessite, d’une part, de repérer et d’étudier leurs traces matérielles à travers les différents types de sources épigraphiques, archéologiques, manuscrites et iconographiques et, d’autre part, de prendre conscience que les Anciens et les gens de la Renaissance eux-mêmes s’interrogeaient sur ces traces matérielles et sur les procédés de leurs savoirs, les organisant dans une écriture et une rhétorique. Les arts du négoce s’inscrivent donc dans cette relation complexe entre les pratiques marchandes, les arts de penser, les différentes formes de rhétorique et la culture matérielle. Ce séminaire se propose d’explorer les procédés, les expressions et les motivations des arts du négoce à travers plusieurs études de cas de l’Antiquité et de la Renaissance.
Jeudi 14 juin 2018 : Massimo Mazzotti (Berkeley, professeur d'histoire des sciences à l'université de Berkeley, professeur invité à l'EHESS), « Calculus as spiritual exercise »
An intepretation of Maria Gaetana Agnesi's Instituzioni Analitiche (1748), the first systematic presentations of the techniques of differential and integral calculus.
Mots-clés : Anthropologie sociale, Antiquité (sciences de l’), Circulations, Culture matérielle, Histoire culturelle, Histoire des sciences et des techniques, Histoire économique et sociale,
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire des sciences
Intitulés généraux :
Renseignements :
par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
oui.
Réception :
sur rendez-vous.
Niveau requis :
pas de niveau requis.
Adresse(s) électronique(s) de contact : giovanna.cifoletti(at)ehess.fr, gregory.chambon(at)ehess.fr
Cette année, la partie du séminaire consacré à la Renaissance a commencé par une description globale du contexte principal de l’enseignement des mathématiques du négoce pendant le Moyen Âge et la Renaissance européens : les écoles d’abaque, où l’on apprenait le calcul avec les chiffres arabes.
Après avoir développé un ample tableau transnational, nous avons étudié le cas particulier de l’école d’abaque de Vérone. Cette ville avait en effet financé depuis longtemps une école pour les enfants des négociants. Ces écoles préparaient la future génération de marchands mais se proposaient aussi de créer des fonctionnaires capables de dirimer les controverses comportant des calculs, notamment les disputes d’héritage et de fraude. Deux maîtres de cette école sont bien connus : l’un est Francesco Feliciano, un augustinien, auteur du Libro de abaco (1516) et d’une « summa » aussi complète que celle de Luca Pacioli de 1494 : Libro di arithmetica et geometria speculativa et praticale [BnF] (1526). Les deux textes eurent un important succès et plusieurs éditions.
Un autre maître de cette école d’abaque est maintenant bien plus célèbre : Nicolo’ Tartaglia. Après son ouvrage de balistique, Tartaglia publia en 1546 Quesiti et inventioni diverse, contenant plusieurs questions, dont la solution des équations du troisième degré, et entre 1556 et 1560 sa « summa » monumentale, le General Trattato de numeri e misure. Dans ce dernier tout le savoir des écoles d’abaque était examiné et développé du point de vue théorique et pratique, et le lecteur avait accès à un impressionnant échantillonnage de problèmes de calculs de toute sorte, selon les poids et mesures des villes italiennes ou ayant des échanges commerciaux avec l’Italie. Nous nous sommes intéressés particulièrement aux nombreux problèmes de troc, de leurs structures et de leurs solutions, afin de comprendre très concrètement comment la comparaison entre les marchandises passait par la définition d’une valeur exprimée en une unité de mesure et par la réduction à cette mesure. Cela permet aussi de voir différemment le développement de la forme des équations, depuis les écoles d’abaque du Moyen Âge au General Trattato de Tartaglia.
La partie du séminaire concernant le Proche-Orient ancien a commencé par une présentation des pratiques de marchands en Mésopotamie (du IIe millénaire av. J.-C.) selon les sources épigraphiques disponibles.
Nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux pratiques de mesures, qui offraient un éclairage important sur le moment de la transaction, comme interfaces entre le monde des marchands et les institutions (temples et palais). Plusieurs mesures de capacité sont associées à des divinités (Marduk, Šamaš) et nous nous sommes demandé si cela indiquait que ces mesures étaient sous le patronage de divinités du point de vue idéologique ou renvoyaient à des activités administratives du point de vue économique. Il semble en fait que le second principe (qui n’exclut pas le premier) ait été prédominant ; selon un système de taxes qui restent à définir, les échanges avaient lieu dans le cadre de conversion entre la « mesure de Marduk » et la « mesure de Šamaš ».
Nous avons poursuivi par l’étude de la circulation de biens dans le royaume de Larsa (sud de la Mésopotamie) en étudiant deux documents cunéiformes qui montrent que les produits du royaume étaient confiés à des marchands qui les revendaient en acquittant une taxe au Palais. Ce jeu de taxe est en fait visible dans l’analyse des données chiffrées et des pratiques arithmétiques, considérés habituellement comme des données objectives et faisant état de la réalité (stock, quantité de marchandises etc.).
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 4 mai 2018.