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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Usages de la littérature, XIXe-XXe siècles

  • Judith Lyon-Caen, directrice d'études de l'EHESS (en cours de nomination) ( CRH-GRIHL )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

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1er, 3e et 5e vendredis du mois de 11 h à 13 h (salle 2, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 3 novembre 2017 au 1er juin 2017. La séance du 4 mai se déroulera de 10 h à 13 h (salle 2)

Les recherches présentées dans ce séminaire portent sur trois domaines articulés :

  1. l’histoire des usages sociaux et politiques de la littérature, principalement au XIXe siècle ;
  2. l’histoire des liens entre l’expérience historique, individuelle et collective, et la production d’écrits conçus et reçus comme « littéraires » au XIXe siècle et au XXe siècle ;
  3. de façon plus globale, les relations entre littérature et les sciences humaines et sociales dans l'histoire.

Les questions portant sur la valeur (documentaire, testimoniale, indiciaire…) de la littérature pour les historiens, la réflexion sur la qualité spécifique des « savoirs littéraires » ne sont pas considérées ici comme des questions de méthode: elles sont envisagées comme des objets d'histoire, des objets pour l'histoire.

On propose ainsi une histoire avec la littérature, une histoire des usages de la littérature qui associe l’étude des formes d'action par l'écriture littéraire à celle des lectures, des appropriations, des savoirs sur les écrits conçus, reçus, qualifiés comme « littéraires ». On cherche à dégager des modes historiquement et socialement situés, depuis le début du XIXe siècle, de production de la croyance en la « vérité de la littérature » – c'est-à-dire en la puissance de figuration, de représentation, de description ou d'intervention des écrits littéraires. On cherche à observer dans l’histoire l’ensemble des gestes, des pratiques d’écriture, de mise en livre, de publication, de lecture et de commentaire, qui inscrivent la « littérature » dans l’ordre du monde vécu : au delà de la « littérature » instituée – la littérature identifiée comme telle, bonne ou mauvaise, bourgeoise ou populaire, qui se publie, se lit, se commente, voire se transmet –, on s’intéresse aussi aux formes de dissémination du littéraire dans des écrits qui demeurent « hors-champ » des études littéraires, parce qu’ils ne concernent pas la littérature mais sa présence. On ambitionne, plus généralement, de proposer une perspective d’histoire « non littéraire » de la littérature, qui ne tienne pourtant pas les « textes littéraires » comme des documents ou des sources, mais bien comme des faits de l’histoire.

En 2017-2018, on travaillera sur la littérature dans la ville – dans le Paris « capitale du XIXe siècle » –, en s’intéressant moins aux figurations de l’expérience urbaine dans la littérature des panoramas sociaux ou des romans, qu’en abordant d’abord la littérature comme un produit de la ville. La capitale parisienne n’est pas seulement un espace fortement littérarisé : la littérature est un secteur de la production économique, elle a ses lieux, ses géographies ; elle se consomme sur place et s’exporte en province et dans le monde entier. Le Palais-Royal de la Restauration, ses libraires-éditeurs et ses écrivains, sera le principal terrain d’investigation du séminaire de cette année et permettra de poursuivre l’exploration de deux continents littéraires qui se recoupent partiellement, la littérature licencieuse (écrits et images) et la littérature pratique, guides, manuels ou romans.

On continuera également le travail engagé sur les « historiographies littéraires » du XIXe siècle, c'est à dire sur la manière dont la littérature a pu être investie, par ses producteurs comme par ses lecteurs, d'une puissance historiographique singulière, et en particulier d'une capacité à dire l'histoire contemporaine. Les « politiques de la littérature », autour de 1848, nous arrêterons enfin particulièrement, dans la poursuite du travail sur la « littérature des ouvriers » entre 1830 et 1870 et en ouvrant une nouvelle enquête sur l’administration de la littérature sous le Second Empire, qui viendra discuter les grands récits de « l’engagement » et du « repli sur l’art » fondateur de la modernité littéraire.

3 novembre 2017 : Introduction générale, « Histoire et littérature »

17 novembre 2017 : Fiction/non fiction, 1850

1er décembre 2017 : Effets de réel et griffes du temps : pour une lecture historienne des détails littéraires

15 décembre 2017 : La littérature dans la ville I. Autour du Palais Royal, années 1820.

19 janvier 2018 : La littérature dans la ville II. « La littérature pratique » (atelier Paul de Kock)

2 février 2018 : La généalogie falsifiée, histoire et politique. Restif de la Bretonne, Gérard de Nerval, Eugène Sue.

  • Invitée : Keiko Tsujikawa (Université Shirayuri, professeure invitée à l’EHESS)

16 février 2018 : Histoires d’auteurs. Réécriture et écriture collective à l’époque romantique.

  • Invitée : Keiko Tsujikawa

16 mars 2018 : Histoires de lecteurs I. Autour de Gradiva. S. Freud lecteur de W. Jensen.

  • Invité : Christian Jouhaud (EHESS)

30 mars 2018 : Histoires de lecteurs II. « Les lectrices dans la France du premier XIXe siècle : pratiques, savoirs et appropriations »

  • Invitée : Isabelle Matamoros (Université de Poitiers)

6 avril 2018 : La littérature dans la ville III. « Écrits de prostituées sous la Révolution  ».

  • Invitée : Clyde Plymauzille (EHESS, CRH)

4 mai 2018 : Histoires de lecteurs III. Journée d’études « Crimes littéraires en perspective, 1830-1950 », de 11h à 17h.

  • Avec Ian Curtis (Yale University), John Finkelberg (University of Michigan). Sous réserve

18 mai 2018 : Clyde Plumauzille (Université Paris-Sorbonne) présentera ses recherches sur le thème : "Écrits de prostituées sous la Révolution française"

1er juin 2018 : Que fait-on avec la littérature ? Autour de quelques publications récentes.

Aires culturelles : Europe, France,

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe

Intitulés généraux :

  • Judith Lyon-Caen- Écritures et expériences du monde social dans la France du XIXe siècle
  • Direction de travaux d'étudiants :

    sur rendez-vous, dans le cadre du master mention "histoire et civilisations", "arts et langage" ou "théorie de la littérature.

    Réception :

    sur rendez-vous.

    Niveau requis :

    le séminaire est ouvert à tous.

    Adresse(s) électronique(s) de contact : jlc(at)ehess.fr

    Compte rendu

    Ce séminaire a accompagné en 2017-2018 l’achèvement de mon livre (La griffe du temps. Ce que l’histoire peut dire de la littérature, Paris, Gallimard, Collection NRF, Essais, 2019) autour de deux questions :

    • celle des détails (construits/perçus) dans les textes littéraires, traités ni comme des témoignages sur une réalité extérieure, ni comme de purs « effets de réel », mais comme des marques du temps dans les textes, des marques d’expériences qui peuvent être aussi des expériences d’écriture (décembre 2017). Cette réflexion a par ailleurs donné lieu à une conférence de « vulgarisation » auprès des classes préparatoires littéraires du lycée Henri IV (mars 2018 : « du détail à la trace »).
    • L’inscription de l’activité littéraire dans l’espace parisien du xixe siècle, qui permet de questionner les relations entre mises en écriture littéraires de la ville et autres formes d’activité, en particulier l’activité prostitutionnelle autour du Palais Royal (décembre 2017 et janvier 2018). Cette question a été prolongée par l’invitation de Clyde Plumauzille en avril 2018.

    Une autre série de séminaires a cherché à faire apparaître des usages invisibles ou oubliés du roman et/ou de la fiction : ainsi une séance consacrée à l’amendement Riancey de juillet 1850 qui taxait les journaux quotidiens publiant des romans-feuilletons, et à la lecture ironique des rapports entre fiction et non fiction proposée alors par Nerval dans son vrai-faux roman-feuilleton Les Faux-Saulniers (novembre 2018). Dans la même veine, j’ai par ailleurs poursuivi la réflexion entamée avec un groupe d’étudiants et de chercheurs sur l’écrivain Paul de Kock et les usages pratiques du roman au XIXe siècle, une recherche que je compte poursuivre dans les années qui viennent (janvier 2019). Par usage pratique du roman, on entend des formes de lecture du roman proches du guide urbain, du manuel de savoir-vivre ou du livre de recettes, des formes de lecture généralement invisibles ou dévalorisées, mais que les romans de Paul de Kock postulent très explicitement.
    L’histoire de la lecture et des pratiques de lecture restait donc au cœur des questionnements : plusieurs séances ont proposé des « histoires de lecteurs » (mars 2018), qu’il s’agisse d’un lecteur singulier (Freud lecteur de W. Jensen, par C. Jouhaud) ou d’ensemble de pratiques mal connues (les lectrices dans la France du premier XIXe siècle, par Isabelle Matamoros). En mai 2018, le séminaire, déplacé à Reid Hall pour des raisons conjoncturelles, s’est ouvert aux travaux de deux jeunes doctorants, John Finkelberg et Ian Curtis, tous deux intéressés par des cas de crimes imputés à la mauvaise influence des livres (mai 2018).
    L’invitation de Keiko Tsujikawa, professeur de littérature française à l’Université Shirayuri (Tokyo) a permis par ailleurs d’explorer un ensemble de questions liées à l’œuvre de Gérard de Nerval (février 2018) : modes de l’écriture de l’histoire dans les récits, réflexion sur l’auctorialité (écritures collectives, réécriture). On rejoint ici la tentative d’historicisation des relations entre fiction et non fiction qui avait ouvert l’année, et qui s’articule fortement avec mes recherches sur les politiques de la littérature autour de 1848 (j’ai fait à ce propos un séminaire à l’Atelier de l’EHESS à Budapest au mois de mars 2018, ainsi qu’en février, une intervention au colloque de la Sorbonne sur la « symbolique du blanc en Europe », consacrée aux lectures du célèbre espace blanc de la fin de L’éducation sentimentale).
    L’année s’est achevée sur la discussion du récent livre de Florent Coste, Investigations littéraires, qui propose une refondation des études littéraires autour de la question : « que peut-on faire avec la littérature ? », une anthropologie pragmatique qui, pour être peu historicisée dans le livre, entre en dialogue avec l’histoire des pratiques de lecture.

    Publications

    • « Les mots et les récits des morts », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2018/2, n° 65-2, p. 54-67.
    • « “Le chant, lui, s’échappera…”. Pour une histoire des sources littéraires de l’histoire de la Shoah », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2018/3, n° 139, p. 45-57.
    • « La littérature pour quoi faire ? », La Vie des idées, 25 mai 2018. ISSN : 2105-3030. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-litterature-pour-quoi-faire.html
    • « L’ombre de la littérature », Critique – Michelle Perrot, n° 843-844, 2017, p. 669-681.
    • « Voir le passé dans les ruines romantiques : une histoire politique et littéraire », Sociétés & Représentations, 2018/1, n° 45, p. 233-260.
    • « Suggestion, alcoolisation littéraire, identification. Le crime romantique de Lucien Morisset (1881) », Fabula / Les colloques, Le personnage, un modèle à vivre, URL : http://www.fabula.org/colloques/document5088.php
    • Contribution au livre anniversaire de l’EHESS : Quarante ans, quarante livres : « Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime de Roger Chartier (1987) », Paris, Éditions de EHESS, 2017.
    • « Michel Borwicz, un parcours vers l’histoire », dans Premiers savoirs de la Shoah, sous la dir. de J. Lindenberg, Paris, CNRS éditions, 2017, p. 77-87.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 9 mai 2018.

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