Cet enseignant est référent pour cette UE
S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.
3e mercredi du mois de 15 h à 18 h (salle 8, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 15 novembre 2017 au 20 juin 2018. La séance du 20 décembre se déroulera en salle 11 (même horaire, même adresse). La séance du 16 mai est reportée au 23 mai et se déroulera dans l'amphithéâtre Furet (même horaire, même adresse)
« Comment te débrouilles-tu avec la vie » ? Telle était la question autrefois posée par Flaherty à Nanook dans les années 20, reprise en 1960 sur le tournage du film de Jean Rouch et Edgar Morin Chronique d’un été. Bien connus des chercheurs en sciences sociales, ces films pointent ce vers quoi le séminaire souhaite inscrire ses réflexions sur le contemporain : le film comme une proposition capable d’accueillir, de décrire, de critiquer, de réfléchir l’espace commun de nos manières de vivre.
Le film exhibe ce que le texte sociologique tend à refouler, le visage et le corps du sujet pensant. Pour Gilles Deleuze « Ce qui fait partie du film c’est de s’intéresser aux gens plus qu’au film, aux « problèmes humains » plus qu’aux « problèmes de mise en scène », pour que les gens ne passent pas du côté de la caméra sans que la caméra ne soit passée du côté des gens ». Un nombre croissant de cinéastes, d’artistes procèdent ainsi au sein de collectifs qui décident d’agir en immersion dans des territoires. Est-ce une nécessité de se rapprocher d’un réel démantelé et fracturé, de trouver une manière de s’y inscrire ? Comment se pensent aujourd’hui ces gestes d’engagement ? De quelles critiques du vivre le film peut-il se révéler l'enjeu ? Comment se négocient les temporalités du récit « avec » les filmés ? Que cherche t-on, ensemble ?
Au cours de l’année 2017-2018, le séminaire invitera ces cinéastes et filmés pour lesquels « faire du cinéma » dans des environnements conflictuels c'est parfois faire le choix de ce que Deleuze nomme « la fonction fabulatrice des pauvres » : attention portée au faux, aux doubles et aux métamorphoses pour laisser le récit (ad)venir dans la vie.
Le séminaire est associé à une initiative étudiante : le ciné-club PSL-Filmer le champ social, qui organise des cinés-débats au cinéma Le Champo (75005) le 3e lundi du mois, à 20 h, en présence des cinéastes documentaristes : https://fcs.hypotheses.org/
Mercredi 15 novembre 2017 : « Filmer en immersion avec les jeunes mineures d'une prison de Téhéran », en présence du réalisateur et anthropologue iranien Mehrdad Oskouei
Extraits du film Starless Dreams (Des rêves sans étoiles) Iran, 2016, 76' de Mehrdad Oskouei,
Le réalisateur pose sa caméra dans un milieu fermé, auprès de jeunes filles incarcérées en Iran. Il porte un regard sensible sur ces jeunes femmes à la fois dures et tendres. Elles ont tué, volé, mais ont aussi été abusées, violées. Pour ces victimes d’un système familial et social injuste, le film devient un temps pour proposer une forme à leurs vies.
Prix Nanook du Festival Jean Rouch 2016
Prix Amnesty International de la Berlinale 2016
Mercredi 20 décembre 2017 : « Expérimenter en prison : le collectif Lieux Fictifs filme aux Baumettes », en présence des cinéastes
Ce film est issu d'une expérience cinématographique menée en milieu carcéral. Une cellule décor a été construite à l’intérieur du studio audiovisuel de l’établissement pénitentiaire. Huit détenus ont été dirigés durant neuf mois par deux réalisateurs sur un travail de filmage en plan-séquence et d’interprétation. Ils ont été mis en scène deux par deux dans cette cellule et passent tour à tour de la situation d’interprète, à la situation de filmeur. Le regard est ici inversé : ce sont les détenus qui filment et qui s’expriment sur leur vécu avec une caméra-poing ...
Anima nous raconte comment des personnes détenues et libres - jeunes, adultes et vieux - parlent la fraternité du monde, sa nécessité solidaire et consciente d’un être ensemble, d’un faire ensemble pour réparer le vivant qui nous relie. Anima est le souffle de vie qui renait dans l’altérité, dans l’inconnu qu’est cet autre, étranger et proche. Inventer, imaginer et construire ensemble des sons, des mouvements, des textes et des images pour mettre en partage ce temps commun fait de désirs, de rêves et de réel bousculé.
Mercredi 17 janvier 2018 : « Filmer la mémoire en forêt camerounaise » en présence de la cinéaste Marie Voignier
Au Sud-Est du Cameroun, un homme arpente la jungle et les berges boueuses des rivières depuis plusieurs années à la recherche d’un animal inconnu de la zoologie : le Mokélé-Mbembé. Les pygmées que l’explorateur rencontre au cours de ses expéditions décrivent cet animal comme une sorte de rhinocéros à queue de crocodile et à tête de serpent. Certains affirment l’avoir déjà rencontré près de la rivière. Animal mythologique ou animal réel ? L’explorateur est depuis longtemps convaincu de l’existence de cette bête. Il nous entraîne dans une quête acharnée pour trouver des traces de l’animal ou des témoignages de son existence dans un univers où le vraisemblable se mêle au légendaire, nous ramenant aux sources de la croyance et de la fiction.
Aux confins du Sud-Est camerounais, la grande forêt primaire abrite un territoire que les puissances coloniales se sont disputées, exploitant par le travail forcé les ressources prodigieuses de la nature. Une région au cœur de laquelle la population s’organise aujourd’hui autour d’une économie de survie, héritage immédiat de cette histoire dont les paysages constituent aujourd’hui les plus puissants des monuments.
Ce film s'accompagne de l'ouvrage préfacé par l'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch La Piste rouge, Colonisation, travail forcé et sorcellerie dans le Sud-Est camerounais qui rassemble les entretiens menés par Marie Voignier auprès des habitants de la région, interrogeant la mémoire de l'exploitation forcée de la main d'oeuvre locale, organisée par les grandes compagnies de l'Etat colonial français.
Ce film est projeté dans sa totalité dans la séance du ciné-club Filmer le champ social du lundi 15 Janvier au Champo à 20 H.
La séance du Ciné-club Filmer le Champ Social du lundi 15 janvier à 20 h au cinéma le Champollion, (75005) accueille le film Tinselwood de Marie Voignier, en sa présence. S'inscrire sur cineclub.fcs@gmail.com pour bénéficier de places à prix réduit (3 euros).
Mercredi 21 février 2018 : « Filmer les vies dans les institutions totales ». La séance accueille les cinéastes Nazim Djemaï et Daniel Friedmann
C’est de La Borde qu’il s’agit, clinique fameuse pour son site en pleine campagne, son château côtoyant sur 40 hectares de bois et d’étangs, un jardin potager, une serre, un poulailler. Mais plus célèbre encore pour le choix fait par son fondateur, le docteur Jean Oury, en 1953, d’y remettre radicalement en cause la pratique psychiatrique, les rapports et la hiérarchie de l’accès au savoir entre patients et soignants. Pour décrire ce paysage rare, fait de lieux autant que d’êtres, Nazim Djemaï déroule simplement une suite de portraits, longues séquences en plans fixes, chaque protagoniste décidant de l’endroit, quelquefois insolite (tel ce jeune homme debout près d’une machine qui assourdit ses propos), où il souhaitait s’exprimer. Dans cette succession de discours, du flux de paroles jusqu’au mutisme, de pensionnaires et de membres de l’équipe de soin, la surprise, l’émotion, la gravité, le comique parfois aussi, singularisent autant chacun d’eux «devant les hautes solitude de la maladie » (N. Djemaï) que la distribution des rôles attendue en est perturbée.
J’ai filmé pendant près de deux ans, juste avant la canicule de l’été 2003, les résidents de la MGR (maison de retraite et de gériatrie) de la Fondation de Rothschild, la plus importante maison de retraite de Paris. Le film capte le vécu des gens, fait revivre la mémoire de leur passé tout en questionnant le présent où tant bien que mal, le sujet se confronte à l’imprévu de la vie en train de se faire et se défaire. Le film s’efforce d’envisager l’avenir ; leur reste-t-il un espace pour de possibles projets, quelque espoir en une frange de futur où s’investir ? Filmer une maison de retraite, ce n’est donc pas forcément lugubre, c’est se mettre à l’affût de la puissance de vie des naufragés du temps pour capter les vibrations de la pulsion de vie encore étincelante dans la lutte éternelle d’Eros avec Thanatos.
Mercredi 21 mars 2018 : « Filmer l’enfermement du dedans ou du dehors, pendant ou après ». En présence des réalisateurs
Le réalisateur filme clandestinement la traversée du cargo Labici B qui transporte une cargaison de sucre vers le port de Béjaïa. Ils sont onze membres d'équipage, de 7 nationalités différentes. Ils ne savent pas que leur voyage sera le dernier. À l'arrivée en Algérie, leur bateau est saisi par les créanciers et l'armateur disparaît plutôt que de payer ses dettes. Oubliés et déchus, bloqués des mois durant dans le cargo, ils sont filmés par le réalisateur qui se fait passer pour marin avec l'accord de l'équipage, et son film nous entraîne dans leur descente aux enfers.
Les participants du séminaire sont priés de visionner avant le séminaire sur You tube la totalité du film Les hommes du Labici B.
Hilda est la dernière survivante du premier convoi arrivé à Auschwitz le jour de l'ouverture du camp pour femmes, le 26 mars 1942, avec 1000 jeunes femmes juives de Slovaquie. Elle y reste jusqu'à l'évacuation du camp par les nazis, en janvier 1945, face à l'avancée de l'Armée rouge.
Hilda est filmée dans un lointain après coup, à partir de 1997 pendant plus de 15 ans. Le film tente de saisir la vie de Hilda dans l’enfer du camp à travers ses paroles de témoin, ainsi que par ces médiations que constituent la fictionnalisation de son récit par une pièce de théâtre inspirée de son histoire et montée à Bratislava en 2012 et le recours à quelques unes des photos prises par les SS et retrouvées extraites de L'Album d'Auschwitz (2005).
Mercredi 23 Mai (exceptionnellement) de 15 h à 18 h dans l’amphithéâtre François-Furet 105 bd Raspail (75006) : Le séminaire accueille les cinéastes Anna Roussillon et Aminatou Echard pour la séance Filmer les rebellions intimes, avec le temps
Extraits des films : * Je suis le peuple, 2014, 112' d’Anna Roussillon
« La révolution ? T’as qu’à la regarder à la télé ! », lance Farraj à Anna quand les premières manifestations éclatent en Egypte en janvier 2011. Alors qu’un grand chant révolutionnaire s’élève de la place Tahrir, à 700km de là, au village de la Jezira, rien ne semble bouger. C’est par la lucarne de sa télévision que, Farraj va suivre les bouleversements qui secouent son pays. Pendant trois ans, un dialogue complice se dessine entre la réalisatrice et ce paysan égyptien : lui, pioche sur l’épaule, elle, caméra à la main. Leurs échanges témoignent du ballottement des consciences et des espoirs de changement : un cheminement politique lent, profond et plein de promesses…
* Djamilia, 2018, 84' d'Aminatou Echard
Au Kirghizistan, le film part à la recherche de Djamilia, le personnage principal du roman de Tchinghiz AÏtmatov, une jeune fille en rupture avec les règles de la société khirghize. Nous rencontrons des femmes qui nous parlant de Djamilia, libèrent une parole intime, nous parlent de leurs désirs, de règles et de liberté.
Extraits du journal de tournage de la réalisatrice : « Quelques femmes me disent qu’elles prennent du temps pour elles la nuit, avant le coucher, lorsque la maison est silencieuse. L’une regarde les étoiles, écoute les respirations, une autre écrit. J’imagine des détails de la maison. Ombres. Allées et venues dans le silence. Images que je ne pourrai pas filmer. La maison n’est pas le lieu de l’intime ici, j’ai fait erreur. Je me retrouve dehors avec peu de temps, dans des lieux chaque fois changeants, au pied levé, à devoir fabriquer un environnement de confiance, en retrait des regards et des oreilles, le temps d’un échange, toujours très bref…Filmé cette petite fille en équilibre sur le rebord de la fenêtre. Sur le seuil, entre le dedans et le dehors, toujours. Penser des passages. Toujours sur le fil ».
La séance du Ciné-club PSL Filmer le Champ Social du Lundi 21 Mai à 20H au cinéma le Champollion, (75005) accueille le film Les champs brûlants de Catherine Libert et Stefano Canapa, en leur présence. S'inscrire sur cineclub.fcs@gmail.com pour bénéficier de places à prix réduit (3 euros)
Site web : https://fcs.hypotheses.org/
Mots-clés : Anthropologie visuelle, Cinéma, Collectifs, Enquêtes, Ethnologie, Image, Méthodes et techniques des sciences sociales, Sociologie, Visuel,
Aires culturelles : Contemporain (anthropologie du, monde),
Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)
Domaine de l'affiche : Méthodes et techniques des sciences sociales
Intitulés généraux :
Renseignements :
le séminaire est ouvert aux étudiants ainsi qu’à toute personne qui porte intérêt aux pratiques filmiques documentaires contemporaines. Auditeurs libres acceptés.
Direction de travaux d'étudiants :
Monique Peyrière par courriel ou tél. : 06 13 02 52 09. Daniel Friedmann, par courriel ou tél. : 06 80 27 58 35.
Réception :
sur rendez-vous pris par courriel ou tél.
Niveau requis :
master pour les étudiants qui valident les ECTS. Les auditeurs libres sont acceptés quel que soit le niveau.
Validation : les étudiants ont le choix entre :
Site web : https://fcs.hypotheses.org/
Adresse(s) électronique(s) de contact : monique.peyriere(at)ehess.fr, daniel.friedmann(at)ehess.fr
Le séminaire déroule cette question récurrente du cinéma documentaire en tant que cinéma du réel, « Comment te débrouilles-tu avec la vie ? » posée depuis ses débuts par Flaherty à Nanouk (Nanouk l’esquimau, 1922) et notamment dans « Chronique d’un été » (1961), de Jean Rouch et Edgar Morin, film fondateur du « cinéma direct » ou « cinéma vérité ».
Cette question a été précisée au cours du séminaire de l’année écoulée à travers des cadres filmiques mettant en scène dans une gamme d’institutions totales très différentes les unes des autres, des situations distinctes par l’âge des personnages filmés et par l’espace social où ils sont ancrés.
Chacune des séances du séminaire a également cherché à mettre en interaction le vécu filmé des personnages sur l’écran et le vécu du réalisateur invité présentant et débattant de son film et de son immersion personnelle dans le film.
Le séminaire de 2017-2018 a construit un espace-temps filmique d’institutions totales depuis le film « Rêves sans étoiles » (2016), présenté à la première séance du séminaire, du cinéaste iranien Mehrdad Oskouei qui filme en immersion des jeunes filles mineures incarcérées dans une prison de Téhéran. Celles-ci projettent sur le réalisateur une image paternelle bienveillante articulée à sa proposition de donner le temps du film une forme gratifiante à leur vie. Une expérience complètement différente en milieu carcéral est représentée par le film « 9 m² pour deux » (2004) du réalisateur Joseph Césarini dans la mesure où le cadre du tournage est ici une cellule décor construite dans l’établissement pénitentiaire. En effet, le regard est ici inversé et ce sont les détenus qui filment et s’expriment sur leur vécu avec une caméra poing.
À une autre extrémité de cet espace-temps d’une institution totale, D. Friedmann filme une maison de retraite dans « Vivre chez Rothschild » (2004) ; il s’efforce de capter le vécu des résidents en fin de vie et de déceler s’ils ont le sentiment de conserver un espace pour un projet possible, un espoir où s’investir, une pulsion de vie qui s’exprime dans les dernières confrontations entre Eros et Thanatos.
Dans « La dernière femme du premier train » (2015), nous assistons au témoignage d’une ancienne déportée filmée en Slovaquie par D. Friedmann, qui relate et tente d’analyser les trois années qu’elle a passées dans une institution qu’on ne saurait qualifier d’institution totale ni même d’institution totalitaire puisqu’il s’agit du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, lieu de la confrontation exacerbée à l’extrême entre les pulsions de vie et de mort, entre bourreaux et détenus, où elle s’est efforcée de survivre durant trois ans, de 1942 à 1945.
Les dernières séances du séminaire ont porté sur des films où les situations d’enfermement ne constituaient plus un cadre fixe, une propriété stable de la situation filmée.
Un des films nous fait vivre le surgissement d’une situation d’enfermement venue de l’extérieur et l’autre montre un lent processus du changement social et politique.
Ainsi, « Les hommes du Labici B » (2003), film de François Chilowicz, suit et nous fait vivre la traversée d’un cargo, le Lacibi B, qui commence normalement son voyage mais qui, à son arrivée en Algérie, est saisi par les créanciers et dont les matelots restent des mois durant confinés dans le cargo. Le réalisateur se fait passer pour marin avec l’accord de l’équipage ; il vit au sein de l’équipage et filme l’odyssée du cargo et de son équipage privé de liberté.
Enfin « Je suis le peuple » (2014) d’Anna Roussillon filme le changement politique dans une société figée, à travers la relation complice entre la réalisatrice, caméra à la main, et un paysan égyptien, pioche sur l’épaule, dont elle est amie. Au début, lorsque commence le mouvement populaire qui mène à la chute du Président Moubarak, il lui lance « La révolution tu n’as qu’à la regarder à la télé ! » et puis, peu à peu, l’envie monte en lui de voir son village sortir de l’enfermement et de tenter le risque d’un changement…
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 14 mai 2018.