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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

Mémoires et patrimonialisations des migrations

  • Michèle Baussant, chargée de recherche au CNRS ( Hors EHESS )
  • Marina Chauliac, Anthropologue au ministère de la Culture (DRAC Auvergne-Rhône-Alpes), chercheure au IIAC-LACI ( Hors EHESS )
  • Irène Dos Santos, chargée de recherche au CNRS, URMIS, chercheure associée au IIAC/CEM et Centro em Rede de Investigaçao em Antropologia (Lisbonne) ( Hors EHESS )
  • Catherine Perron, chargée de recherche, Sciences Po, CERI ( Hors EHESS )
  • Évelyne Ribert, chargée de recherche au CNRS ( IIAC-CEM )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

3e jeudi du mois de 13 h à 17 h (bd Raspail 75006 Paris), cf. calendrier des séances et salles ci-dessous

Depuis 2010, le séminaire « Mémoires et patrimonialisations des migrations a porté, d’un point de vue théorique et empirique, sur les articulations dynamiques entre mémoires singulières des migrations, mémoires collectives et patrimonialisations. En tenant compte des apports des thématiques explorées les années précédentes, le séminaire 2017/2018 portera ici plus spécifiquement sur les formes alternatives (tourisme de la mémoire, espaces cultuels notamment interreligieux, espaces fictionnels, artistiques et virtuels, public history…) d’évocation et de production sur le passé des déplacements.

Comment ces initiatives s’articulent ou non avec des formes institutionnalisées (initiatives de réconciliation et de réparation, expressions de repentir, d’excuses, commémorations, enseignement, actions patrimoniales…) ? Quelles sont leurs visées : une meilleure connaissance du passé, une reconnaissance institutionnelle, la construction d’un échange et d’un partage des expé et des émotions ou au contraire de frontières et d’exclusions Et quels sont les effets concrets de ces actions sur des souvenirs qui circulent et interagissent dans un espace public mondialisé ? Parmi ces modes alternatifs de médiation de l’histoire, une attention particulière sera prêtée aux formes historiographiques, artistiques et patrimoniales portées par des individus, qui travaillent à la mise en visibilité des mémoires transnationales et translocales et des liens diasporiques : notamment via les pratiques artistiques, littéraires, numériques, les musées communautaires ou encore les pratiques touristiques. À travers cette thématique, il s’agira de questionner comment ces médiations alternatives et les représentations qu’elles reconstruisent, produisent ou non du commun à partir de souvenirs, d’ expériences, d’outils, d’espaces et de temporalités hétérogène.

La présence des chercheurs parmi les acteurs oeuvrant à la construction et à la mise en visibilité de ces mémoires, nous oblige par ailleurs à questionner les postures d’engagement sur le terrain (rapports aux associations, aux institutions publiques qui portent cette mémoire...) ainsi que les différentes approches disciplinaires qui déterminent le type de production mémorielle.

Jeudi 16 novembre 2017 (salle AS1_24, 54 bd Raspail 75006 Paris) : après une introduction générale, nous écouterons : Nicolas Prévot (Université Paris Nanterre), « Du "Patrimoine Musical des Nanterriens" au webdocumentaire “INOUI, Musiques du monde de Nanterre”. Un projet de formation et de recherche-action en ethnomusicologie »

Cette communication porte sur un projet de formation et de recherche-action en ethnomusicologie autour du « Patrimoine musical des Nanterriens », projet qui a donné lieu au webdocumentaire « INOUI, Musiques du monde de Nanterre » (dans le cadre du Labex « Les Passés dans le Présent »). Depuis 2010, il s'est agi de créer avec des étudiants en ethnomusicologie un corpus audiovisuel sur les pratiques musicales et dansées des habitants de Nanterre, ville pluriculturelle et chargée d'histoire. Au-delà de l'archivage de répertoires et de récits de vie, l'ambition de ce projet est de valoriser et de faire vivre les pratiques des Nanterriens, parfois détenteurs d'un savoir traditionnel remarquable que souvent leurs propres voisins ignorent.

Jeudi 21 décembre 2017 (salle AS1_24, 54 bd Raspail 75006 Paris) :

  • Nicolas Puig (IRD-URMIS), « La cause du rap : exil, esthétique et politiques dans la trajectoires d'un groupe de rap palestinien au Liban »
    Cette intervention prendra appui sur un travail filmique en cours sur le groupe de rap palestinien au Liban Katibé Khamsé (par Justin de Gonzague, réalisateur documentariste, et Nicolas Puig, anthropologue), dont les membres sont à présent tous réfugiés en Europe, pour approcher différentes narrations visuelles des engagements politiques, artistiques et sociaux des rappeurs depuis leurs débuts au début des années 2000.
  • Gilles de Rapper (IDEMEC-CNRS, Aix-en-Provence), « Photographie et mémoire du communisme en Albanie »
    « D’un certain point de vue, photographie et mémoire ont en commun de constituer une re-présentation du passé sous forme d’images. La photographie se distingue cependant de la mémoire en ce qu’elle consiste en la production d’images matérielles qui sont aussi des objets pouvant être transmis, échangés, modifiés ou détruits et pouvant servir de support à la remémoration. On peut aussi voir dans la photographie une mémoire « externe » ou « technique » suppléant ou venant en aide à la mémoire humaine. Mon objectif sera de débrouiller les relations entre mémoire et photographie en essayant de montrer ce que la prise en compte de la photographie peut apporter à notre compréhension de la mémoire. Partant de la production photographique de la période communiste en Albanie (1944-1991), considérable au plan quantitatif et dont une grande partie est parvenue jusqu’à nous, je montrerai à la fois comment elle répond, à l’époque, à une intention de fixer et de conserver sous forme de « souvenirs photographiques » certains aspects de l’expérience communiste et dans quelle mesure elle participe, aujourd’hui, à la formation et à la transmission d’une mémoire de cette même expérience. » 
Jeudi 18 janvier 2018  (salle AS1_24, 54 bd Raspail 75006 Paris) :
  • Méropi Anastassiadou (INaLCO, CERMOM), « Touristes-pèlerins en quête de leur patrimoine identitaire en Grèce et en Turquie »  
    Avec ses deux guerres mondiales et sa révolution d’octobre 1917, le XXe siècle a été marqué par des mouvements de populations spectaculaires. En Méditerranée orientale en particulier, il a créé une multitude de « villes de fantômes » -pour reprendre la formulation consacrée par l’historien Marc Mazower, dans son livre homonyme, à Salonique et ses juifs.
    À l’aube du XXIe siècle, dans le sillage de la globalisation confirmée par la fin de l’URSS et de la guerre froide, alors que voyager devient de plus en plus facile et rapide, les enfants et petits-enfants des « fantômes » reviennent en nombre au point de départ de leur trajectoire familiale et –en partie- individuelle.
    Dans cet exposé, il s’agira de cerner les modes d’ores et déjà établis d’une forme de quête identitaire assez répandue dans les pays étudiés, la Grèce et la Turquie, et qui passe, entre autres, par la territorialisation de la mémoire.
    Sera présenté essentiellement le cas des chrétiens orthodoxes de Grèce qui se rendent en Turquie et en miroir celui des musulmans de Turquie qui cherchent leurs racines en Grèce.
    Des indications seront également données sur les voyages que réalisent de plus en plus de descendants des fantômes vers les haut-lieux du judaïsme sépharade en Grèce.

  • Maroussia Ferry (Centre d’études des mondes russes, caucasien et centre-européen, EHESS, Institut national d’études démographiques UR12), « Rupture historique, ruptures migratoires : mémoire et déclassement chez les migrants de retour en Géorgie post-soviétique »
    À travers l’analyse d’un terrain auprès de migrants de retour en Géorgie post-soviétique, notre intervention se propose d’explorer la thèse selon laquelle une certaine catégorie de ces migrants circulatoires est dépositaire d’une perception temporelle et sociale que nous appelons « exil temporel ». Cette notion désigne pour nous une coupure temporelle perdurant au-delà du retour géographique dans un contexte de rupture historique ainsi que de changements politiques et sociaux extrêmement rapides. Il s’agit ainsi d’une perception subjective selon laquelle une personne ou un groupe social se vit comme exilé dans son propre temps, c’est-à-dire en décalage avec le temps social dominant. Pour eux, la nostalgie de la période soviétique se trouve cristallisée par les expériences d’exil qui doublent le déclassement social d’un stigmate migratoire lié lui-même à la peur de la fragmentation nationale et à la perte d’un monde.
 
Jeudi 15 février 2018 (salle 11, 105 bd Raspail 75006 Paris) :
  • Marina Calvo (LESC, Université Paris Ouest Nanterre) avec Béatrice Riquelme (auteur), « Raconter son histoire en exil : expériences d’une ethnographie collaborative entre la France, l’Espagne et l’Algérie »
    Notre intervention abordera les particularités d’un terrain de recherche dans lequel les interlocuteurs sont aussi les narrateurs de leur histoire d’exil. Dans le contexte de la diaspora d’Européens suite à l’indépendance algérienne, nous exposerons les méthodes et les médiations de l’ethnographe dans un terrain multi situé (en France, en Espagne et en Algérie). Travaillant avec des producteurs de mémoires multiples (collectifs engagés, collecteurs de témoignages ou généalogistes), notre ethnographie se situe explicitement dans une approche collaborative articulée autour de notre expérience propre - en tant que chercheure et professionnelle - et celle des interlocuteurs. Ces derniers s’érigent en narrateurs et acteurs d’une interprétation alternative de l’Histoire. Nous aborderons la place de l’ethnographie et les rôles de l’ethnographe dans ce processus. 

  • Cette séance est aussi ouverte aux travaux d’étudiants. Nous écouterons : Lise Gibet (CECMC), « Les restaurants chinois à Paris »
    Dans ma présentation j'aborderai, dans un premier temps, la manière dont s'est constitué mon terrain d'enquête, d'abord dans une association franco-chinoise, puis dans un restaurant chinois, en soulignant comment certaines problématiques se sont imposées à moi. Ensuite, je me focaliserai sur deux questions que je tente de développer en ce moment dans mon travail : celle de l'entreprise ethnique, de la mise en scène de l'altérité et des re-définitions des identités chinoises, puis celle plus générale de la place du restaurant et de l'alimentation dans les échanges migratoires et culturels.

Jeudi 15 mars 2018 (amphithéâtre François-Furet, 105 bd Raspail 75006 Paris) :

  • Élise Bérimont (artiste visuelle), « Archives visuelles et mémoires potentielles, tenter d'ouvrir des espaces de réflexion et de partage alternatifs par le biais de démarches artistiques »
    Mon intervention s'articulera principalement autour de deux projets artistiques qui mettent en jeu des archives; le premier concerne un travail photographique de l'artiste Florence Lazar que j'ai accompagné et qui a été réalisé avec des collégiens autour de la pensée d'Aimé Césaire, le deuxième concerne un travail artistique, actuellement en cours, que je mène à partir d'archives photographiques réalisées par des personnes ayant été hébergées au Samusocial de Paris. La dimension migratoire sera abordée du point de vue des représentations visuelles, comme espaces alternatifs de déplacements possibles des mémoires. 
  • + séance ouverte aux travaux des étudiants :
    • Nawal Karroum, « Imaginaires, représentations sociales et mémoires de l’expérience du voyage en migration »
      Mon intervention porte sur mon projet de recherche qui est en cours d’élaboration et que je souhaite réaliser dans le cadre d’un doctorat. Il s’agira de questionner la place du voyage comme expérience vécue dans les représentations sociales et les mémoires migratoires. En quoi les imaginaires, représentations et mémoires des migrants eux-mêmes divergent de ceux projetés par les sociétés/communautés (de départ, traversées ou d’arrivée)? Comment se construisent ces représentations du voyage migratoire et ces divergences? 
      Je présenterai brièvement mes motivations afin d’expliquer comment je me situe par rapport à ma recherche et de proposer mes hypothèses de départ. Je définirai ensuite le cœur de mon sujet et les différentes pistes de développement que j’envisage. J’exposerai enfin les difficultés que je rencontre dans la délimitation de ce dernier ainsi que mes questionnements et doutes sur l’approche méthodologique à adopter et le choix d’un « terrain ».
Jeudi 17 mai 2018 (amphithéâtre François-Furet, 105 bd Raspail 75006 Paris) : « Mémoire des migrations, implications et engagements sur le terrain d’enquête »
  • Maureen Burnot (Ladec, Université Lyon 2) et Pascale-Marie Milan (Larhra, Université Lyon 2/Université de Laval, Québec), « “Quand le poisson sort de l'eau” : produire des images de la migration avec des migrants. Retour sur un atelier d'anthropologie audiovisuelle participative mené par l'association Tillandsia »

  • Marina Chauliac (IIAC, DRAC Auvergne-Rhône-Alpes) et Irène Dos Santos (CNRS, URMIS), « Faire trace de la migration. Co-production et postures du chercheur »

Jeudi 14 juin 2018 (salle 5, 105 bd Raspail 75006 Paris) :
  • Thomas W Dodman (Columbia University), « Nostalgies et identités coloniales »

Il est souvent question de « nostalgie » lorsque l’on parle de migrations et de sociétés coloniales ou postcoloniales. Ce terme est rarement historicisé et généralement pris pour un sentiment universel exprimant la condition de l’exilé. Or la nostalgie a bien une histoire, une historicité propre au concept et, vraisemblablement, au sentiment aussi. Celle-ci se noue de façon étonnante avec les aléas de l’impérialisme européen à l’époque contemporaine. Dans cette intervention, je m’intéresserai au passé médical de la nostalgie, longtemps considérée une pathologie propre aux soldats, aux esclaves, et aux colons loin de chez eux. Au fil des archives, il est possible de suivre l’évolution du concept d’une maladie a un sentiment bénin (« notre » nostalgie) pendant la colonisation de l’Algérie dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cette transformation s’insère dans plusieurs dynamiques historiques : l’évolution des savoirs médicaux et des théories raciales ; la politique économique de la colonisation ; la métamorphose du cadre bâti et mémoriel de la société coloniale. De pathologique qu’elle fut, la nostalgie devient presque homéopathique, source d’ancrage identitaire et de ressourcement pour les colons européens.
  • conclusion

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Intitulés généraux :

Centre : IIAC-CEM - Centre Edgar Morin

Renseignements :

Évelyne Ribert, IIAC-CEM, par courriel ou tél. : 01 53 63 51 79

Direction de travaux d'étudiants :

sur rendez-vous.

Réception :

sur rendez-vous par courriel : Michele Baussant : michele.baussant(at)gmail.com ; Marina Chauliac : marina.chauliac(at)culture.gouv.fr ; Irene dos Santos : irene.dossantos(at)cnrs.fr  ; Évelyne Ribert : ribert(at)ehess.fr.

Niveau requis :

master.

Site web : http://www.iiac.cnrs.fr/rubrique2.html

Adresse(s) électronique(s) de contact : ribert(at)ehess.fr

Compte rendu

Depuis 2010, le séminaire a engagé une réflexion sur les mécanismes qui visent à transformer les mémoires singulières des migrations en mémoires collectives et en une forme de patrimoine. L’année 2017-2018 a porté sur les formes alternatives (tourisme de la mémoire, espaces cultuels notamment interreligieux, espaces fictionnels, artistiques et virtuels, public history…) d’évocation et de production sur le passé des déplacements. Cette problématique a été abordée lors de séances de quatre heures confrontant des perspectives diverses, aussi bien artistique, militante que scientifique et, le cas échéant différents types de recherche : recherche-action, ethnographie collaborative, atelier d’anthropologie audiovisuelle participative. Deux séances ont également été dédiées à la présentation des travaux d’étudiants.
Les six interventions de Nicolas Prévot, Nicolas Puig, Gilles de Rapper, Marina Calvo et Béatrice Riquelme, Élise Bérimont, Maureen Burnot et Pascale-Marie Milan ont permis de confronter une grande diversité de supports d’évocation et de production alternatifs sur le passé migratoire : web documentaire, film, photographie, récit d’auteur, archives visuelles et musicales. La visée de la majorité des projets de co-production artistique et scientifique est de témoigner, de rendre audibles des populations et des individus (migrants, réfugiés) déshumanisés, de provoquer de la rencontre et créer de la solidarité.
L’intervention d’Élise Bérimont, artiste ayant travaillé avec des collégiens autour de la pensée d’Aimé Césaire, et dont la visée du projet était de témoigner de l’histoire de la décolonisation du XXe siècle, a soulevé nombre de questions sur l’articulation entre formes institutionnalisées du passé (école, Panthéon) et des médiations alternatives : les nombreuses incompréhensions tant au niveau pédagogique qu’institutionnel du projet ; la faible adhésion des enseignants à l’expérimentation artistique.
Les interventions de Méropi Anastassiadou et Maroussia Ferry s’inscrivaient dans des approches plus classiques de restitution et d’analyse d’expériences, transgénérationnelles migratoires et d’exil en Georgie post-soviétique, en Grèce et en Turquie.
La question des postures d’engagement sur le terrain a traversé la majorité des interventions. Celle de Marina Calvo, ethnologue, et Béatrice Riquelme, auteure, a discuté la place de l’ethnographie et les rôles de l’ethnographe dans la production et la mise en visibilité d’interprétations alternatives de l’Histoire. Enfin, il ressort de l’intervention de Marina Chauliac et d’Irène Dos Santos, ethnologues, le triple questionnement autour de l’engagement personnel, la négociation de la place du chercheur sur le terrain, et l’influence du dispositif de production artistique sur le travail de recherche.
L’année 2018-2019 portera sur deux thèmes : 1) les liens entre accueil des migrants, mémoires des migrations et rapports au passé ; 2) les patrimoines dits « communs », afin d’analyser les actions institutionnelles et les initiatives alternatives, notamment artistiques, visant à la production d’un commun, à partir de ce patrimoine culturel (re)découvert, réintégré et repensé comme national et partagé dans des espaces sociaux où les populations concernées ne sont plus ou peu présentes.

Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 8 juin 2018.

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