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Eros et démocratie : le destin du féminin

  • Agnès Antoine, professeur agrégée à l'EHESS ( CESPRA )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

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Jeudi de 9 h à 13 h (amphithéâtre François-Furet, 105 bd Raspail 75006 Paris), les 16 et 30 novembre, 21 décembre 2017, 18 janvier, 1er et 15 février 2018 (salle 3)

Ce séminaire s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur le « malaise dans la civilisation  démocratique »  et le type de renoncement pulsionnel qu’a induit l’idéologie de la rationalité dans le régime socio-politique de l’égalité, alors même qu’il est porteur d’une promesse de « réhabilitation de la chair », pour parler comme les Saint-Simoniens.  Pour dessiner ce que pourrait être une « démocratie sensible » et analyser le changement de civilisation en cours, du fait de l’effacement progressif des derniers vestiges patriarcaux, nous explorons la question du féminin symbolique et de son destin culturel passé et, avec elle, celle des liens archaïques mère-enfant, à la racine du psychisme humain.

Cette année encore, nous poursuivrons  notre enquête sur le double versant d’un questionnement anthropologique du déni du féminin et des « fantasmâlgories » qui traversent l’imaginaire social, et d’une « féminologie » revalorisant la dimension érotique de l’existence individuelle et collective. Pour ce qui concerne le premier versant, nous nous appuierons, en particulier, sur les documents réunis à l’occasion de l’exposition récemment organisée  aux Archives nationales, « Présumées coupables », autour des grands procès faits aux femmes. Nous privilégierons dans cette recherche l’approche sensible d’œuvres artistiques – plastiques ou littéraires –, selon une « science affective » en résonance avec la strate psychique archaïque explorée et son mode de connaissance.

 

18 janvier : Michal Herer, maître de conférence à l'Institut de Philosophie de l'Université de Varsovie, interviendra sur " Klaus THEWELEIT, théoricien de la violence masculine. Le complexe de Pocahontas"

Aires culturelles : Transnational/transfrontières,

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Intitulés généraux :

  • Agnès Antoine- Psychanalyse, culture et politique
  • Centre : CESPRA - Centre d'études sociologiques et politiques Raymond-Aron

    Renseignements :

    voir ci-dessous.

    Direction de travaux d'étudiants :

    sur rendez-vous.

    Réception :

    voir adresse courriel.

    Site web : http://www.ehess.fr/fr/

    Adresse(s) électronique(s) de contact : agnes.antoine(at)ehess.fr

    Compte rendu

    L’exploration de la question du féminin, de son destin civilisationnel passé et à venir, et de l’énigme de son déni, m’a amenée progressivement ces deux dernières années à interroger la violence spécifique adressée aux femmes. Pour approfondir la question, je me suis appuyée, cette année, sur l’exposition consacrée par les Archives Nationales aux grands procès faits aux femmes, intitulée Présumées coupables, qui a eu lieu à Paris de novembre 2016 à mars 2017 et qui s’intéressait aux a priori, préjugés et stéréotypes propres aux procès féminins, de la Renaissance au XXe siècle. À travers ses documents judiciaires ou ses images, cette exposition me permettait exemplairement en effet de poser plus généralement la question anthropologique : de quel crime la femme est-elle, symboliquement, coupable ? Et d’ajouter la suivante : quel est-il, ce crime, pour qu’en retour, la justice punitive ait si souvent consisté en un cruel « féminicide » ?
    Tout en maintenant dans notre horizon de pensée l’ouvrage majeur de Klaus Theweleit, Fantasmâlgories, que nous avions travaillé l’an dernier, et tout en utilisant les travaux d’historiens qui accompagnaient le catalogue de l’exposition, je me suis essentiellement basée, au plan théorique, sur le livre, non moins important, de Jacob Rogozinski, Ils m’ont haï sans raison. De la chasse aux sorcières à la Terreur, récemment paru (Cerf, 2015), dont j’ai présenté tout au long de ce séminaire une analyse détaillée. En revisitant le phénomène de la chasse aux sorcières dans l’Europe du XVIe et du XVIIe siècle, qu’il considère comme la première extermination de masse politiquement programmée, le philosophe explore de façon inédite les mécanismes psychiques et les dispositifs sociopolitiques qui, dans des conditions historiques spécifiques, aboutissent à bâtir fantasmatiquement à l’intérieur de soi et dans l’espace collectif la figure menaçante d’un « Ennemi » absolu, qu’il convient d’exclure ou, plus radicalement, d’éliminer. L’ouvrage m’a permis de revenir sur la figure de « La sorcière », que nous avions déjà abordée dans les séminaires passés, et qui constituait aussi la figure clef de la typologie organisatrice de l’exposition Présumées coupables, aux côtés de « L’empoisonneuse », de « L’infanticide », de « La pétroleuse » et de « La traîtresse ». J’ai, par ailleurs, étudié successivement ces dernières figures, qui, par leurs caractéristiques, déploient les diverses facettes de la représentation du mal au féminin : qu’elles soient considérées comme les activistes d’une société secrète et souterraine ayant pactisé avec le diable pour détruire ce monde et son gouvernement politique, de « mauvaises mères » dispensant des nourritures vénéneuses ou programmant la mort de leur enfant, ou encore des furies prenant la place des hommes en investissant illégitimement la sphère publique, les accusées sont moins jugées pour leurs actes supposés que pour ce qu’ils symbolisent de remise en question et de mise en danger de l’ordre symbolique patriarcal, dont se donnent à lire pour nous, du même coup, les racines psychiques infantiles.
    J’ai reçu au cours du séminaire le philosophe Michal Herer, maître de conférences à l’Université de Varsovie et traducteur en polonais de l’œuvre de Theweleit, qui nous a permis d’approfondir la figure de « l’infanticide », en abordant la figure de Médée dans un exposé sur « Klaus Theweleit théoricien de la violence masculine : le complexe de Pocahontas ».
    Comme souvent, l’actualité est venue nous rattraper, avec, à l’occasion de l’affaire Weinstein, l’émergence du mouvement « Me too », dont j’ai commenté les étapes majeures, estimant d’emblée qu’avec cette libération de la parole sur la violence sexuelle à l’égard des femmes - ce fait le plus massif de la domination masculine et le plus emblématique d’une certaine vision de la femme, en même temps que, socialement, le plus tabou et le plus dénié -, quelque chose d’essentiel se jouait dans la destitution de l’ordre patriarcal passé.
    Tout au long du séminaire, des images issues de l’exposition des Archives nationales et de l’ouvrage de Rogozinski, ou d’autres œuvres d’art – de Marcel Mariën, Balthus et Anish Kapoor - ou encore des images issues de l’actualité, sont venues soutenir notre réflexion collective : le tableau de Balthus, La rue, peint en 1933 (Moma, New York), et son ébauche de 1929 (coll. particulière), ont tout particulièrement retenu notre attention.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 22 février 2018.

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