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Lundi de 15 h à 19 h (salle 6, 105 bd Raspail 75006 Paris), du 6 novembre 2017 au 12 février 2018. Pas de séance le 8 janvier
Le séminaire poursuit son étude comparative et circulatoire des pratiques d’influence (public relations, propagande, marketing, communication, psychologie sociale, lobbying, etc.) et de contre-influence (détournements, contre-propagande, formes d’autonomie) dans et entre plusieurs pays (France, Russie, Ukraine, États-Unis, Brésil). Le moment actuel montre l’urgence d’affronter et de penser ce phénomène en profondeur et de divers points de vue. Les enquêtes historiques portent sur le XXe siècle et sont menées en parallèle avec les enquêtes au présent. Cette démarche est inséparable d’une réflexion sur les approches du pouvoir dans les sciences sociales : est-ce que les pratiques ordinaires ne sont pas premières sur les pouvoirs qui cherchent à les reconfigurer pour leurs fins ? En d’autres termes, l’émancipation sur la domination ? Plus largement, le séminaire traitera d’histoire et d’intelligence des pratiques.
Chaque lundi, la première séance aura lieu de 15 à 17 h et la seconde de 17 à 19 h.
Les séances d’Yves Cohen sont soumises à la dynamique de sa recherche et sont susceptibles d’être modifiées.
6 novembre (1) : Yves Cohen, introduction de l’année
6 novembre (2) : Hugo Cursi (EHESS), Quelques réflexions historiques à propos des notions d'histoire, vérité et propagande. I
13 novembre (1) : Hugo Cursi (EHESS), Quelques réflexions historiques à propos des notions d'histoire, vérité et propagande. II
13 novembre (2) : Yves Cohen, Brésil : débuts du marketing et marketing politique
20 novembre (1) : Benoît Heilbrunn (ESPC Europe), « The real thing? » (marketing et vérité)
20 novembre (2) : Yves Cohen, Images de campagne : le Brésil de Lula et de Dilma Rousseff
27 novembre (1) : Juliette Volcler (chercheuse indépendante), Genèse et postérité d'un comportementalisme sonore
27 novembre (2) : Yves Cohen, À propos de la première chaire de marketing à Harvard
4 décembre (1) : Sophie Dubuisson-Quellier (Centre de Sociologie des Organisations, CNRS), Le gouvernement des conduites : un mode de régulation de l’économie
4 décembre (2) : Yves Cohen, Enquête sur l’agit-prop dans la vie soviétique entre les années 1920 et 1960
11 décembre (1) : Soti Triantafyllou (écrivain, historienne américaniste), “Why do they hate us?” Causes et caractéristiques de l’anti-américanisme en France et en Grèce
11 décembre (2) : Yves Cohen, La propagande et la guerre : histoire et présent, quelques éléments
18 décembre (1) : Alban Bensa (EHESS), La question du chef kanak caché dans la Nouvelle-Calédonie coloniale et post-coloniale
18 décembre (2) : Yves Cohen, La psychologie : l’étude et/ou le service de l’influence ?
8 janvier 2018 : pas de séance
15 janvier (1) : Michael Löwy (CNRS), Éloge de la Publiphobie
15 janvier (2) : Yves Cohen, Influenceur, influencer, influenciador, etc. : une « figure » se profile
22 janvier (1) : Marie-Luce Gélard (université Paris Descartes), Anthropologie sensorielle : les sens à l'honneur?
22 janvier (2) : Yves Cohen, L’influence est-elle la politique et la guerre par d’autres moyens ?
29 janvier (1) : Ruy Braga (université de São Paulo et EHESS), Confronting the Precaritization of Labour in Global South
29 janvier (2) : Yves Cohen, Histoire des pratiques et histoire de l’influence, questions de méthode
5 février (1) : Mathias Girel (ENS), Propaganda, de Bernays : un complotisme raffiné ?
5 février (2) : Yves Cohen, Ampleur et portée actuelles de la notion d’influence pour les sciences sociales
12 février (1) : Jayson Harsin (The American University of Paris), American Post-truth Political Communication: Causal Synergies
12 février (2) : Yves Cohen, Conclusions de l’année
Mots-clés : Circulations, Communication, Comparatisme, Culture, Culture matérielle, Culture visuelle, Démocratie, Domination, Écriture, Enquêtes, Entreprises, Histoire, Histoire des sciences et des techniques, Histoire économique et sociale, Histoire intellectuelle, Image, Industrie, Mouvements sociaux, Objets, Politique, Pragmatique, Pragmatisme, Pratiques, Révolutions, Savoirs, Techniques, Transnational, Travail, Visuel,
Aires culturelles : Amérique du Nord, Amérique du Sud, Europe, Europe centrale et orientale, France, Russie, Transnational/transfrontières,
Suivi et validation pour le master : Hebdomadaire semestriel (48 h = 12 ECTS)
Domaine de l'affiche : Histoire - Histoire et civilisations de l'Europe
Intitulés généraux :
Renseignements :
Yves Cohen, CRH-EHESS, 54 bd Raspail 75006 Paris, tél. : 01 49 54 24 42, ou par courriel.
Direction de travaux d'étudiants :
sur rendez-vous pris par courriel.
Réception :
sur rendez-vous pris par courriel.
Niveau requis :
ce séminaire est ouvert à tous les chercheurs à partir de M2.
Site web : http://crh.ehess.fr/index.php?/membres/141
Adresse(s) électronique(s) de contact : yvecohen(at)free.fr
Dans la grande étendue de la thématique des pratiques d’influence, le séminaire a exploré cette année plusieurs aspects. Nous avons ainsi parcouru trois pays. La formation de la première chaire universitaire de marketing (à la Harvard Business School en 1908) a été rapprochée de l’apparition du marketing au Brésil dans les années cinquante : celle-ci y est issue de la proximité entre la publicité et l’art et non pas directement de l’approche des marchés. En Union soviétique, l’« agit-prop » est insérée dans la vie quotidienne par des professionnels ou des volontaires que l’on trouve à tous les étages dès les années 1920, ce qui impose de suivre l’évolution de cette activité depuis les entreprises, les kolkhozes et autres institutions de base jusqu’au secrétariat du parti. Sont exposés également de micro chantiers plus contemporains comme le marketing politique au Brésil (les campagnes électorales de Lula), la pratique du « marketing de contenu » dans ce même pays et encore, en Russie, le passage, à partir des années 1990, à ce qui y est appelé le « Piar » (à partir des deux initiales des Public Relations).
Le séminaire a abordé les rapports des pratiques d’influence avec les sciences sociales et, en premier lieu, la psychologie. Ils se dessinent dès la fin du XIXe siècle et n’ont depuis cessé de s’approfondir. Le nudge, ce petit « coup de pouce » imagé, graphique ou textuel qui vise à « influencer [les personnes] de façon bénéfique », a retenu l’attention non pas seulement en raison de sa gloire nobélisée (Richard Thaler) mais de ce qu’il montre des conceptions de la pratique qu’il transporte. Le séminaire s’est intéressé à l’emprise sur les sens recherchés par les pratiques d’influence avec deux invitées, Juliette Volcler (chercheuse indépendante) sur le génie sonore et Marie-Luce Gélard (université Paris Descartes) sur l’anthropologie sensorielle. L’exploration d’hypothèses majeures a été poursuivie à propos de la guerre. L’influence est-elle la guerre et la politique poursuivies par d’autres moyens ? La guerre n’est-elle pas le berceau primordial de la plupart de ces pratiques ? La « conquête des esprits », de l’arrimage des personnes à leurs écrans à l’influence internationale, n’est-elle pas une activité protéiforme qui s’énonce bien souvent en termes guerriers ?
Hugo Cursi (EHESS) nous a entretenus du commerce de la propagande avec la vérité dans les formulations des acteurs dans les États-Unis de la charnière du XXe siècle. Mathias Girel (ENS) soupçonne de son côté un complot dans le discours d’un des principaux fondateurs des relations publiques, Edward Bernays, qui ne cache rien de ses intentions de soumettre les citoyens à l’influence, cette exposition ne pouvant que renforcer ses effets. Benoit Heibrunn (ESPC Europe) interroge le marketing en évoquant la « décommodification » croissante par laquelle l’objet s’efface devant ses images, sa présentation et « l’expérience » qu’il suscite : une réflexion qui ne saurait que résonner avec l’analyse de la propagande soviétique comme construction d’une réalité fictionnelle reconfigurant la réalité matérielle. Comme nous l’a montré de son côté Sophie Dubuisson-Quellier (CSO-CNRS) à propos de l’économie, c’est donc en termes de gouvernement des conduites que nous sommes appelés à réfléchir. La post-truth, dont Jayson Harsin (The American University of Paris) nous a montré la genèse, est certainement l’un de ses outils.
Dès lors, la contre-influence prend place dans l’histoire de l’influence, qu’elle relève ou non elle-même de pratiques d’influence. Michaël Löwy (CNRS) nous a fait part de l’expérience de la lutte contre la publicité développée dans les trente dernières années tandis que Soti Triantafyllou (chercheuse indépendante) nous initiait aux avatars de l’anti-américanisme en Grèce et en France. Cacher le chef, nous a dit Alban Bensa (EHESS), est une politique qui vise à peser sur le pouvoir colonial et aussi postcolonial en Nouvelle-Calédonie. L’opposition à la précarisation du travail dans le sud global présentée par Ruy Braga (université de São Paulo) est un autre aspect de la contre-influence.
L’ensemble de ces réflexions ne saurait que confirmer l’importance d’une thématique résumée par le mot d’influence et dont la formulation permet de revisiter à la fois de larges pans d’histoire et l’approche du présent.
Publications
Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 23 janvier 2018.