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Base de données des enseignements et séminaires de l'EHESS

La discipline au travail : salaire et société salariale

  • Mathieu Arnoux, directeur d'études de l'EHESS, professeur à l'Université Paris-Diderot (TH) ( CRH )
  • Jérôme Bourdieu, directeur d'études de l'EHESS, directeur de recherche à l'INRA ( CRH-AFS, PSE )

    Cet enseignant est référent pour cette UE

  • Jean-Yves Grenier, directeur d'études de l'EHESS ( CRH-AFS )
  • Gilles Postel-Vinay, directeur d'études de l'EHESS (*) ( PSE )

S'il s'agit de l'enseignement principal d'un enseignant, le nom de celui-ci est indiqué en gras.

http://www.master-ape.ens.fr/-agendas-des-cours-.html

Le séminaire de l’année 2017-2018 se donne pour objectif, comme l’année précédente, de comprendre ce que sont le salaire et le rapport salarial dans des temps et des lieux très variés, la diversité des situations étudiées – depuis l’Antiquité jusqu’au monde contemporain, au travers de multiples aires culturelles – devant fournir autant de terrains d’enquête. Cette année le séminaire s’intéressera particulièrement à la notion de marché du travail, avec une question centrale : qu’est-ce que cette notion, censée déterminer les paramètres essentiels de la relation salariale (rémunération, durée, volume d’emplois, etc.), permet de dire sur les rapports de travail et leur évolution dans le temps mais aussi tout ce qu’elle empêche de penser.

L’enjeu du thème retenu est crucial car il pose la question de la relation qu’entretient le savoir économique avec les multiples réalités, historiques et contemporaines, dont il doit rendre compte. Le marché du travail est une construction qui suppose pour avoir une efficacité, même limitée, que des conditions économiques, sociales et institutionnelles soient remplies. Toute mobilisation de la force de travail ne passe pas par l’existence d’un marché dont les modes d’existence sont par ailleurs d’une grande variété. Le séminaire s’attachera ainsi à comprendre, au travers de cas empiriques très divers, si et quand il est pertinent d’utiliser la notion de marché du travail, et surtout quels sont les préalables nécessaires pour qu’elle soit éventuellement opérante.

On envisagera également la possibilité de renverser le point de vue et, plutôt que de voir le marché du travail comme un mécanisme a-historique dont on trouve diverses réalisations plus ou moins imparfaites en différents lieux et temps, on se demandera s’il a sa propre historicité, et s’il existe une transformation cumulative dans la longue durée de ce mode particulier de régulation du travail.

Suivi et validation pour le master : Bi/mensuel annuel (24 h = 6 ECTS)

Mentions & spécialités :

Domaine de l'affiche : Économie

Intitulés généraux :

  • Mathieu Arnoux- Travail et industrie dans l’Europe préindustrielle
  • Jérôme Bourdieu- Histoire économique des inégalités
  • Jean-Yves Grenier- Économie et histoire de la pensée économique, XVIIe-XIXe siècle
  • Gilles Postel-Vinay- Histoire économique
  • Adresse(s) électronique(s) de contact : jerome.bourdieu(at)ens.fr

    Compte rendu

    Comme les années précédentes, le séminaire de cette année a eu pour objectif de comprendre ce que sont le salaire et le rapport salarial à la fois dans une perspective historique de longue durée et partir de questions contemporaines. Le séminaire s’est intéressé à la notion de marché du travail, avec une question centrale : qu’est-ce que cette notion, censée déterminer les paramètres essentiels de la relation salariale (rémunération, durée, volume d’emplois, etc.), permet de dire sur les rapports de travail et leur évolution dans le temps mais aussi tout ce qu’elle empêche de penser ? En corrélat, l’interrogation porte sur le fait de savoir si le salarié fait le salariat ou, dit autrement, si la relation salariale peut exister indépendamment de la société salariale.
    Dans un premier temps, le séminaire s’est intéressé à des cas de marché « pur » du travail, avec, d’un côté, le marché des domestiques agricoles à l’année dans l’Angleterre du XVIe siècle et la France des XVIIIe et XIXe siècles, et d’un autre côté le système d’embauche de la place de Grève pour les ouvriers à Paris au XVIIIe siècle. Ces exemples montrent en particulier que ces marchés sont en fait le plus souvent complémentaires d’autres et qu’ils ne peuvent fonctionner sans qu’interviennent d’autres institutions. C’est ce qu’ont confirmé les séances consacrées aux modalités de construction du marché du travail qui ont surtout porté sur le cadre corporatif. François Rivière (Université Paris VII) a présenté ses recherches sur l’organisation de l’emploi et les salaires dans les métiers en Normandie à la fin du Moyen Âge, et plusieurs exemples pour l’époque moderne (en France et en Italie) ont été étudiés afin de comprendre comment l’emploi est considéré comme une ressource qu’il s’agit de protéger car potentiellement insuffisante, aussi bien dans le cadre citadin que dans l’espace national pour la doctrine mercantiliste. Le passage d’un contrôle collectif de l’emploi au contrôle de l’embauche par les maîtres est par ailleurs une évolution fréquente que l’on a pu observer à propos de la main-d’œuvre parisienne au XVIIIe siècle.
    Dans un second temps, le séminaire s’est focalisé sur la question de la subordination au sein de la relation salariale. On sait que le contrat de travail a trois composantes : un lien de subordination ; une prestation de travail ; une rémunération. La reconnaissance d’un lien de subordination permet de distinguer la relation dépendante (salariale) d’une activité indépendante. La genèse de ce lien de subordination dans la théorie et la pratique juridiques du XVIIIe siècle ainsi que dans la littérature économique a permis de préciser la notion de consentement ainsi que les limites qui pouvaient – ou non – être mises à la subordination, en particulier dans les formes concrètes qu’elle prend dans les règlements et la discipline usinière. Un exemple de la subordination au sein de la relation de travail a été étudié sur le cas des mines de zinc en Sardaigne (société Peñarroya) dans les années 1930 (Francesca Sanna, Université Paris VII). Le cas inverse, celui de l’autogestion d’une entreprise par ses salariés, a également été examiné à partir de l’expérience de Lip. Une perspective internationale a complété ces réflexions grâce à une intervention de Michael Huberman (Université de Montréal) portant sur les conséquences de l’accroissement des échanges internationaux à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle sur l’élaboration du droit du travail, en particulier en Europe. Il est possible de déceler un effet positif de ces échanges grâce à un mécanisme de diffusion progressive des meilleures normes sociales comme condition pour y participer.
    Enfin, un dernier cycle de réflexions – avec une participation active des étudiants – a porté sur les nouvelles formes du travail salarié et les évolutions actuelles du salariat. Ces discussions ont en particulier montré que les transformations des formes de l’emploi (avec l’ubérisation, par exemple) n’étaient pas corrélées avec une émancipation par rapport à la subordination salariale.

    Dernière modification de cette fiche par le service des enseignements (sg12@ehess.fr) : 7 juillet 2017.

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